Pour accueillir l’analyse proposée ici, un bref rappel des années 1963-1965 et l’extraordinaire combativité du gouvernement de ces années-là est nécessaire. La gouvernance était venue apporter le début de la solution. C’était tout simplement une forme de gouvernance qui a fait voir, au peuple, un Congo qui basculait: un gouvernement restreint; une exécution budgétaire selon les règles de l’art; une lutte contre la corruption et le chômage et une création dynamique des entreprises. Cette politique a fait savoir au peuple congolais que le tribalisme, l’immobilisme, l’égoïsme sont les causes de tous les drames.

Il est possible de retrouver ici, l’intuition qui fondait le raisonnement des pères fondateurs de la première République. Il y a une différence fondamentale entre les revendications du bien public de l’époque et le comportement boulimique de ceux qui, de nos jours, confondent bien public et bien privé.
La République est devenue, pour nous, un besoin que nous ne pouvons satisfaire. L’homme perd la tête, le beau langage, les bonnes manières et la lucidité. Les Congolais vont très loin dans cette voie, loin, effroyablement loin dans l’incivisme et l’irrationalité. Tout comme la politique rend impossible à l’être humain de s’émanciper. C’est ainsi que les Congolais s’amusent à faire leurs farces avec les mots: «Ebonga, ébonga té, toujours meilleur». Peut-être manque-t-il seulement un simple outil de bien-être, la méditation? Nous n’apprenons plus à être capable d’attention avec la République. Nous ne refusons plus l’injustice.
Tout commence en 1973. Peu après la guerre du Kippour, du 6 au 24 octobre, voulue et planifiée par le Président égyptien Anouar el-Sadate (octobre 1970-octobre 1981). Un choc pour l’Etat d’Israël qui se trouve dans cette période où les juifs traversent le jour du Grand pardon, la fête du jeûne. Les pays producteurs de pétrole décident de faire flamber le prix du baril. Il convient de rappeler un fait précis: le Congo est devenu un pays pétrolier. Alors, les Congolais -de toutes régions, de tous âges, de milieux divers- se sont mis à partager la conviction que le pétrole allait sauver le Congo.
Dans les pays du Golfe comme dans les pays occidentaux, la richesse résulte, en grande partie, de la bonne gestion de la manne pétrolière. Je prends le cas de la Norvège que je connais pour y avoir séjourné avant et après la découverte du pétrole. Au départ, c’est l’idée que se faisait les Congolais. Le constat est patent. Le budget du Congo est passé de 15 milliards à 27 milliards de francs Cfa. Le Président Marien Ngouabi promet d’importer la main d’œuvre, pour accompagner l’industrialisation du Congo. Aucun expert n’avait prévu la flambée des prix du pétrole.
Brutalement, les temps ont changé. Enfin, même si le Congo ne peut vérifier le volume réel de la production, il peut financer la lutte contre la pauvreté. De 1993 à 1996, le prix mondial du pétrole, dépendant des fluctuations, atteint le niveau de 19 dollars en 1997, pour redescendre à 12,7 dollars en 1998. La réalité est que le prix est d’autant plus difficile à prévoir. Certes le Congo, pays producteur, subit la tension du marché.
En recoupant les déclarations et les publications des gouvernements congolais successifs, le budget de l’Etat est suffisamment alimenté. Ceci explique les infrastructures routières et aéroportuaires qui sortent des terres. Mais, beaucoup de faiblesses empêchent la croissance forte. L’économie est en train de s’essouffler. La voie ferrée ne sert plus d’épine dorsale de l’économie. La vocation «Congo pays de transit» n’est plus la poule aux œufs d’or d’autrefois. Jusque dans les années 80, le Chemin de fer Congo-Océan faisait la fierté des Congolais, aussi bien pour les passagers que pour le trafic ferroviaire. Pointe-Noire servait de port d’entrée et de sortie pour les produits à destination ou au départ du Tchad, de la RCA et de la rive gauche du Fleuve Congo. Demandez aux Centrafricains, ils vous diront que le Congo, avec son couloir fluvial, constitue la voie naturelle pour le transport des hommes et des biens entre Pointe-Noire et leur pays. Il n’y a pas de coupeurs de route, le bateau reste le moyen de transport le plus sécurisé. En même temps, le Congo n’a fait aucun effort pour empêcher les Angolais à sortir des tiroirs leur projet de port en eau profonde. Encore dans les années 80, le projet Route-Rail entre Pointe-Noire et Cabinda revenait sur la table des Grandes Commissions mixtes Congo-Angola.
Toujours dans les années 80, le Burundi était prêt à faire de Brazzaville le lieu de réception de ses importations en provenance d’Europe via Pointe-Noire. Le Burundi se proposait de créer les conditions d’assurer le fret aérien entre Brazzaville et Bujumbura.
Tout ça, c’est ce qu’on appelle les occasions manquées. Toutes ces occasions sont allées percuter une politique sans ambition régionaliste, menée par ceux-là qui sont noyés dans l’ivresse de l’obscurantisme.
Les troubles sociopolitiques que connaît le pays à partir de 1993 ne sont pas favorables à la mise en place d’une politique cohérente de réduction du tribalisme, de la corruption et de la pauvreté. Je n’ai absolument pas le tempérament nostalgique. J’ai, malgré tout, en mémoire, le rafraichissement de l’Office nationale de commercialisation de produits agricoles (O.n.c.p.a) sur l’axe Nord-Ouest-Sud, ou encore le bonheur de visiter l’usine des textiles, la cimenterie de Loutété, la Sucrerie du Congo, pour ne citer que ces fleurons de l’industrie congolaise, fruit de la Révolution congolaise.
Au lieu de nous enrichir, la pauvreté résulte, en grande partie, de tensions sociales. Le pétrole a été à l’origine de la déstabilisation du Congo. Avril 2023, à Pointe-Noire, le Président Sassou-Nguesso vient d’inaugurer une nouvelle base. Le pétrole est appelé à durer. Au pétrole s’ajoute le gaz. Et donc, le Congo, au niveau même de la réalité géopolitique, se procure les ressources pétrolières et gazières nécessaires à l’enrichissement des Congolais. Osons espérer que cette fois-ci, c’est la bonne! Qu’aucun gros nuage ne viendra assombrir l’horizon, après l’accueil euphorique que les sages de Pointe-Noire ont réservé à Denis Sassou-Nguesso. Combien de temps faudra-t-il encore patienter, afin que les retombées du pétrole et du gaz profitent à tous.
Les investissements dans les projets créateurs de richesse sont encore trop frileux. La gouvernance empêche pour l’instant d’engager l’Etat dans des modèles d’investissement à grande échelle, profondément novateurs. Il reste à ceux qui nous gouvernent de jeter un regard cru sur les faiblesses du pays: tribalisme; corruption; irresponsabilité; amateurisme; gouvernance.
L’homme politique, coupé de la réalité, a fait le tour de lui-même et ne sait plus quoi faire pour s’amender, se remettre en cause, si non invectiver la société. Aucun doute, la faillite de l’homme menace la société. Que faire? Peut-être écouter les cris de détresse qui proviennent des chaumières…

Joseph BADILA

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