A Pointe-Noire, deux panneaux publicitaires quasiment situés à l’entrée de l’hôpital militaire, voire de la morgue, font la promotion d’un cimetière privé et des services funéraires qui vont avec. La vue de ces affiches publicitaires suscite des questions: la publicité des cimetières est-elle autorisée? Cette publicité ne frise-t-elle pas l’apologie de la mort? Au-delà du caractère alarmiste, éthique ou moral de ces questions, il sied de signaler que ce type de publicité, sauf erreur, n’est pas encadré dans notre pays. Une telle situation pose un problème de fond et de forme: les contenus publicitaires et la police de l’affichage.

Passi Bibéné
Passi Bibéné

Pour le législateur congolais, «la publicité est un ensemble des techniques et des moyens utilisant les supports de communication destinés à informer le public et à l’inciter à la consommation des biens, des services et des idées» (Article 135 de la loi n°8-2001 du 12 novembre 2001).

Les contenus publicitaires au Congo: de la liberté au libertinage

La réglementation congolaise en matière de publicité s’inscrit dans un objectif de protection des individus et essaie de concilier la liberté d’affichage avec la protection de l’espace public. Cependant, force est de constater que dans l’espace public congolais, plusieurs formes de publicités échappent malheureusement à la réglementation.
Qu’il s’agisse de la publicité directe ou indirecte, de la publicité intérieure ou extérieure, média ou hors-média, lumineuse ou non, dans une agglomération ou hors agglomération, nous pouvons soit trouver des dispositions lacunaires, soit observer des pratiques peu enclines aux règles éthiques et déontologiques. C’est le cas des publicités concernant les boissons alcoolisées, le tabac, les produits cosmétiques (voire éclaircissants), les tisanes, les établissements sanitaires et officines (hôpitaux, cliniques…), etc. La liste n’est pas exhaustive.
Je me limite à ces publicités, parce qu’elles constituent particulièrement une menace à la santé publique. Dans le cas de la publicité des boissons alcoolisées, on observe souvent des pratiques liberticides: les messages véhiculés associent la consommation de l’alcool à la puissance physique voire à la virilité (cas de Doppel: «révèle ta puissance intérieure») ou faussement à la réussite sociale («Mutzing, le goût de la réussite»).
Or, il est que les boissons alcoolisées sont d’importants facteurs de violences physiques, sexuelles, conjugales, de la propagation du V.i.h et des autres problèmes de santé comme l’hypertension artérielle ou les accidents de circulation. Au sens de l’article 8 de la Loi n°12-2012 du 4 Juillet 2012 relative à la lutte contre le tabac: «Toute publicité ou promotion de tabac et de ses dérivés dans les médias publics ou privés, sur les affiches et les banderoles, tout cortège vantant les mérites d’une marque de cigarette ou autres dérivés du tabac sont strictement interdits».
Dans le fait, la publicité des cigarettes est toujours visible sur les parasols et affiches des boutiques de nos localités. En des termes un peu plus simples, l’affichage des publicités sur les cigarettes se fait, désormais, dans les boutiques (publicité intérieure).
Dans le cas de la publicité des cimetières (voire sur les cimetières), on est en droit de se demander si elle est «conforme aux bonnes mœurs», tel que stipule l’article 137 de la loi 8-2001 du 12 novembre 2001. Entendu que les bonnes mœurs sont l’ensemble des règles imposées par la morale et auxquelles les parties ne peuvent déroger (Capitant), la clause contraire aux bonnes mœurs est par conséquent illicite.

La police de l’affichage

La police de l’affichage relève de la règlementation locale de publicité qui est de la compétence des mairies. Dans chaque Mairie, un cahier de charges devrait fixer les conditions d’exercice de l’activité publicitaire sur le périmètre urbain. Or, dans plus d’un centre urbain du Congo, le périmètre urbain n’est que rarement respecté par les afficheurs.
A la lumière de la délibération n°005-2012/MID/DB/CB/CDM/BE/PS fixant les taux de la taxe sur la publicité dans le périmètre urbain de Brazzaville, il est clair que la police d’affiche est exclusive à la publicité extérieure dans une agglomération. L’omniprésence de panneaux publicitaires peut aujourd’hui être constatée voire contestée de tous aux motifs de l’impact du support physique sur le territoire. L’impact visuel négatif de l’affichage publicitaire se manifeste d’abord sur le plan de l’obstruction visuelle et ensuite sur le plan de la banalisation des espaces (absence de distance réglementaire entre deux panneaux ou deux banderoles, succession des publicités dans un même espace). L’affichage anarchique n’est pas sans conséquences sur la pollution de l’environnement.

Pour la mise en place d’une autorité de régulation de la publicité

C’est la proposition formulée à la page 104 de l’ouvrage intitulé «Droit de la communication en République du Congo». A mon sens, le Conseil supérieur de liberté de communication (C.s.l.c), organe en charge de la régulation de la communication et des médias, est beaucoup plus focalisé sur les médias. Son action sur la régulation de la publicité est insignifiante voire inexistante.
Né dans un contexte historique et politique qui imposait «le contrôle des médias», le C.s.l.c a acquis une expérience certaine dans la régulation des organes de presse, en dépit des difficultés financières et techniques. Dans le cas de la publicité, tout reste à faire. Car, la communication publicitaire prend des proportions insoupçonnées et insoupçonnables. La publicité sur les écoles, les publicités religieuses (toujours en train de promettre des miracles), politiques et bien d’autres encore n’obéissent à aucune règle éthique ou déontologique. J’en veux pour preuves l’inexistence d’un code d’éthique et de déontologie des professionnels de la publicité et l’utilisation du drapeau national dans les publicités des brasseries, en violation de l’article 136 de la loi n°8-2001 du 12 novembre 2001. Il est donc temps de se rappeler que la banalisation des contenus publicitaires est susceptible de produire des conséquences graves au même titre que la banalisation de la violence.

Passi BIBENE
Doctorant chargé de cours à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines de l’Université Marien Ngouabi.

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