Dans l’audace des révolutionnaires congolais, lorsque l’initiative fut prise le 11 septembre 1963 d’ouvrir la deuxième République au socialisme scientifique ou communisme, tout indiquait que nous devions à nouveau nous saisir de la question de notre avenir. Le rôle principal était dévolu à un ancien militant de l’U.d.d.ia de diriger le gouvernement: Alphonse Massamba-Débat. Les syndicalistes, quant à eux, les initiateurs du mouvement social, refusent de participer au gouvernement. Ce qui paraissait être une «révolution innovante» par la diversité des origines et des sensibilités des révolutionnaires s’est transformée en idéologie mal assimilée. Que s’est-il passé? Nous en sommes les témoins. Mais, de quoi sommes-nous les témoins?

Les révolutionnaires disaient tous que la société allait changer à une allure vertigineuse et qu’il fallait, ajoutaient-ils, sous peine de ruine ou de mort, nous adapter au changement brusque de régime. Les jeunes de tous âges appartiennent, désormais, au mouvement révolutionnaire, à l’exception des jeunesses catholique, évangélique et matsouaniste.
Le marxisme-léninisme s’est violemment imposé, en faisant croire que le Congo était voué à se transformer en une société communiste, sans classes, sans Etat et sans exploitation. Dans tout ça, comme l’a écrit Alexis Gabou dans son livre «Chronologie politique congolaise», le Parti congolais du travail exerce des compétences étatiques par certains de ses organes… Il importe de rappeler que les rivalités politiques qui opposent, pendant des décennies, les marxistes sur les bords du majestueux Fleuve Congo, selon qu’ils sont réformateurs ou conservateurs, ont de profondes répercussions dans la société. La raison fondamentale en est l’impossibilité de s’appuyer sur des diagnostics pertinents et approfondis. Qu’il s’agisse de l’école, de la santé, de l’emploi des jeunes, l’Etat est aveugle.
Les grandes réformes que le parti marxiste prétendait vouloir faire pour améliorer le quotidien des Congolais sont restées enlisées dans les errements de l’ignorance. C’est «le peuple», victime de ceux qui ont eu tort de traiter Marx en chien crevé, maintenu ensuite à distance du pouvoir par tous ceux qui vivent une telle fièvre du pouvoir pour le pouvoir, qui se distingue dans l’injustice due à l’oppression des plus forts.
De ce qui vient d’être écrit, nous pouvons tirer un certain nombre d’observations propres à définir la genèse du mal congolais. Du point de vue idéologique, la révolution congolaise ne s’est pas appuyée sur des fondations sur lesquelles pouvaient s’ériger des apprentissages nouveaux, des connaissances nouvelles pour faire régner la justice. Quel lien les marxistes congolais font-ils entre la révolution de leur temps et l’hypothèse communiste de Marx? Que signifie exactement, en termes concrets, le marxisme? A quoi tient-il au juste?
Il faut gagner en lucidité sur soi, avoir compris les enjeux du 19ème siècle et la place que Marx occupe. L’action s’invite ensuite. Et cela rejoint l’idée de Luc Ferry: Marx est certainement, avec Tocqueville, le plus grand penseur politique du 19ème siècle… On peut, bien sûr, être en désaccord avec les conséquences politiques qu’il a prétendu tirer de son analyse de la société bourgeoise. Reste que son interprétation économique et sociale du capitalisme est encore, aujourd’hui, une des plus précieuses qui soit pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.
L’essentiel de ce que nous savons de Marx a été rapporté par des témoins de l’histoire comme Raymond Aron, Luc Ferry et tant d’autres. Le premier a donné à la Sorbonne d’abord, puis au Collège de France, un cours intitulé «Le marxisme de Marx». Le second considère que Marx continue d’avoir quelque chose à dire sur le monde actuel. Mais, à bien des égards, Marx demeure un des plus grands interprètes des crises que traverse le libéralisme contemporain, pourvu du moins qu’on prenne la peine de lire et le comprendre en dehors des polémiques politiciennes qu’il peut toujours susciter.
Une autre question centrale, qui jaillit de la philosophie de Marx, est celle de transformer le monde. Comment parvenir à l’accomplissement d’un tel programme de développement, national soit-il, si nous restons enfermés dans nos égoïsmes? Si nous sommes incapables d’œuvrer dans le sens de l’idéalisme de l’Etat réformiste par tous et pour tous, alors il se pose la question: comment peut-on faire en sorte que l’homme concret de la société civile participe directement à l’universalité de l’Etat?
A l’instar de Hegel, c’est dans et par cette critique que Marx aboutit au même thème fondamental de l’interprétation de l’histoire, à savoir que le fondement, c’est-à-dire le fait justificatif de l’ensemble social, relatif à l’économie et à l’amélioration de la condition humaine, c’est la société civile, le système de besoins et de la production, dont le pouvoir politique et l’Etat n’est que l’expression ou, comme il dira plus tard, la super structure. Exercer la conscience historique à la réalité est le vrai problème. Cette compréhension est indispensable, il n’y a qu’elle qui conduit à la conquête des douleurs et des peines, à la destruction du tribalisme, à l’acquisition de la gouvernance juste, à la réalisation d’une Nation prospère. Selon Marx et ce, malgré sa vision matérialiste du monde, l’existence humaine est précieuse et chaque homme, d’où qu’il vienne, est appelé à aspirer à l’émancipation, au bien-être et au bonheur de l’humanité. Tel est ainsi le prolongement de son idée profonde et originale. En d’autres termes, lorsque la moisson est abondante, le peuple doit en être le bénéficiaire. Il faut que l’argent du pétrole profite à tous. Cette dimension est intéressante. D’où l’idée principale de Marx: le monde change sans arrêt et l’innovation est devenue notre lot quotidien. Il est ainsi possible d’humaniser la politique et de développer la démocratie. C’est pourquoi, au soir de sa vie, il laisse un message aux conservateurs, aux purs et durs, aux irréductibles: «Si c’est ça le marxisme, je ne suis pas marxiste».
Marx s’adresse aux jusqu’auboutistes. Tout homme est digne, dans la mesure où il incarne le changement. On peut approfondir l’analyse de la passion sociale de Marx: il ne dit pas que l’homme ne possède aucune dimension invariante à travers l’histoire. Mais, construire un ordre politique, un ordre productif, institutionnel et social normé par l’égalité et par une vraie gouvernance, cela est absolument possible. C’est une utopie agissante et heureuse qui est à l’opposé de celle des idéologues mal intentionnés. Mais, quelle est la position des marxistes congolais? Lorsque le Président de la République proclame haut et fort que le ver est dans le fruit, c’est qu’on a laissé de côté les fondements de la République. On ne se met plus avec audace au service de l’Etat. C’est pourtant le point essentiel de la conscience même du politique. Alors, le Congolais se met à se demander toujours, quel est son horizon?

Joseph BADILA

Oh bonjour
Ravi de vous retrouver.

Inscrivez-vous pour recevoir du contenu génial dans votre boîte de réception.

Nous ne spammons pas !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici