Notre ministre des finances, Jean-Baptiste Ondaye, est un apôtre de la Gestion axée sur les résultats (Gar). Mais, sa religion de la Gar fait peu d’adeptes au Congo, quand bien même tout le monde reconnaît qu’elle est une voie obligée, si l’on veut accéder au paradis de la bonne gouvernance. Cette religion fait peur à beaucoup de gestionnaires publics, parce qu’avec elle, on ne pourra plus profiter des positions qu’on occupe dans la hiérarchie de l’Etat, en matière de gestion financière.
A la tête du Ministère de l’économie et des finances, Jean-Baptiste Ondaye a fait de la Gar, la matrice des réformes que son département ministériel est appelé à opérer. Le temps du catéchisme a commencé avec les différents ateliers auxquels les gestionnaires de ce département ministériel sont soumis, pour devenir de fervents adeptes de la G.a.r. Tout un défi, dans une société où la facilité est la culture la mieux partagée.
On a beau parler de bonne gouvernance et de réformes, pas grand-chose ne change, dans un pays disposant d’importantes ressources comme le pétrole et le gaz, mais où les services publics ne sont pas de qualité, alors que la pauvreté affecte une bonne partie de la population. Si les Congolais ne profitent pas des richesses naturelles exploitées de leur pays, c’est à cause de la mauvaise gouvernance et tout le monde le sait. Le Président de la République lui-même a reconnu que le ver est dans le fruit. Depuis plus de quinze ans, il appelle à combattre la corruption et l’enrichissement illicite, il n’est pas suivi.
Au fil des années, depuis le retour de la démocratie en 2002, la gouvernance publique s’est fort éloignée de la gestion axée sur les résultats, pour privilégier les critères de militantisme politique. C’est-à-dire, peu importe les résultats en matière de gestion publique, ce qui compte, c’est le soutien politique qu’on doit manifester au pouvoir. Les deux rapports de suivi des investissements publics, dans les secteurs de la santé et de l’éducation, concernant les exercices budgétaires de 2014 à 2019, réalisés par cinq O.n.gs congolaises et remis la semaine dernière au Premier ministre est la preuve de ce que la gabegie affecte encore beaucoup la gestion financière du pays. Ainsi, des cadres sont maintenus des années durant à leurs postes de gestion publique, non pas parce que les résultats de leurs gestions sont bons, mais parce qu’ils font preuve de militantisme politique et même de zèle.
Si l’on était dans un contexte de gestion axée sur les résultats, on aurait déjà atteint, à la fin des années 2000, la stabilité en matière de distribution et d’eau et d’électricité, tout au moins dans les grandes villes. Les entreprises publiques qui ont le monopole de la distribution des deux denrées n’ont pas de feuilles de route leur assignant des obligations vis-à-vis des populations à desservir. A la fin de chaque année d’exercice, elles ne publient pas de bilan. Ce qui est la preuve d’une gestion peu efficace. Depuis qu’elles ont été privatisées et dotées de conseils d’administration, elles sont devenues encore plus muettes qu’avant, sous leurs nouveaux noms. Dans un tel contexte, si l’Etat n’investit pas, s’il n’y a pas le soutien des partenaires financiers internationaux, le service de distribution d’eau et d’électricité dans nos villes ne va jamais s’améliorer.
Face à ce décor, le gouvernement a opté pour les réformes, avec l’accompagnement du Fonds monétaire international (F.m.i), à travers un programme soutenu par la Fec (Facilité élargi de crédits). Mais, réformer, c’est changer la façon de faire. Les cadres congolais sont-ils prêts à changer la façon de faire? On remarque souvent qu’en théorie, ils acceptent les réformes, mais en pratique, chacun s’arrange pour faire survivre les vieilles pratiques. Ainsi, on remarque que c’est la même triste réalité qui continue. On parle toujours de quelques investissements qui sont réalisés ici ou là. Mais, les problèmes de fond demeurent. Il faut changer de politique, pour changer de gouvernance, en exigeant les comptes et les résultats. Mais, est-ce possible de faire du neuf avec du vieux? C’est un grand défi.
Jean-Clotaire DIATOU