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Les évêques et les problèmes de la société: exemple de Mgr Théophile Mbemba sur la situation de la veuve

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Mgr Théophile Mbemba, archevêque de Brazzaville, de 1964 à 1971.

Contrairement à ce qui s’est dit depuis leur déclaration, suite à leur rencontre avec le Premier ministre, à propos des terres congolaises qui auraient été données, cédées, offertes ou vendues aux Rwandais, les évêques du Congo ont toujours été aux côtés du peuple. C’est le cas, par exemple, de Mgr Louis Portella Mbuyu, évêque émérite de Kinkala (Département du Pool), qui a été sali, trainé dans la boue, traité de menteur et souffleté par les ninjas-nsiloulous du pasteur Ntumi, pour le motif d’avoir porté à la connaissance du peuple congolais et de la communauté internationale, les affres et les crimes dont les paisibles populations du Pool étaient l’objet de la part des militaires et des ninjas-nsiloulous, que les autorités feignaient malheureusement d’ignorer, en faisant la politique de l’autruche.

C’est aussi le cas de tous nos évêques qui, dans leurs différentes lettres pastorales, ont toujours dénoncé les problèmes inhérents à la société congolaise: la misère; le chômage; la pauvreté; l’errance et l’oisiveté des jeunes; la maltraitance dont sont l’objet les veuves congolaises, etc. A propos de ces dernières, voici la lettre pastorale par laquelle, Mgr Théophile Mbemba, premier archevêque congolais, avait publiée le 27 février 1971 et qui, composée de trois parties, reste d’actualité.

Dieudonné Antoine-Gangha, l’homme par qui le Congo a obtenu l’organisation du Fespam, auprès de l’Union africaine.
Dieudonné Antoine-Gangha, l’homme par qui le Congo a obtenu l’organisation du Fespam, auprès de l’Union africaine.

En effet, même si l’on observe ici et là, quelques avancées, la situation de nos veuves dans la société reste on ne peut plus alarmante et préoccupante, surtout en ces temps-ci où les biens matériels laissés par les défunts sont convoités par les neveux et les autres parents qui n’hésitent pas à spolier les veuves et les orphelins. Décidément, nihil novi sub sole, c’est-à-dire qu’il n’y a jamais rien de neuf sous le soleil. Dans la première partie de sa lettre pastorale, Mgr Théophile Mbemba fait le constat dramatique de ce que subit la veuve à la mort de son conjoint:

«Nous connaissons, tous, les habitudes de nos régions. Mais puisque dans nos diverses réunions de Conseils Pastoraux, aussi bien à Hamon en 1969, qu’à Mindouli, Kinkala, Kindamba et Brazzaville cette année, nous sommes continuellement revenus sur la question, il est bon que nous esquissions un bref aperçu. Le «martyre» de la veuve commence avec le dernier soupir du conjoint, quand il n’a pas débuté avec la période de maladie ou les heures d’agonie. Aussitôt après la mort du conjoint, les membres de la famille de celui-ci «tyrannisent» la veuve. Ils commencent par sceller la maison pour empêcher la veuve d’y entrer, de peur qu’elle n’escroque tout l’héritage laissé par le défunt. L’accès de la maison est interdit même aux enfants.
La veillée mortuaire devient une occasion de critiques, d’insultes, de sarcasmes, de médisances, d’accusations et de vexations de toutes sortes dont la veuve est l’objet. A l’inhumation, non seulement on ne lui accordera même pas la parole pour s’adresser une dernière fois à son compagnon de vie, mais on l’éloignera de la tombe, sous prétexte qu’elle n’est pas du clan de son mari. Après l’enterrement, la veuve continue son calvaire deux à trois ans, temps pendant lequel elle est soumise à de dures prescriptions: cheveux non coupés; sommeil à même le sol; interdiction d’utiliser du savon, de manger dans une assiette ou de boire dans un verre; défense stricte de parler à un homme…
Ici encore, la belle-famille trouvera l’occasion de soutirer de l’argent à la veuve qui refuse de se soumettre à tous ces interdits. Et si par malheur, la veuve reste infidèle au souvenir de son feu mari, parce qu’elle se sera rendue coupable d’adultère, la belle-famille refusera de la relever de son deuil.
Le jour du retrait de deuil, si la veuve refuse le nouveau mari qu’on lui propose, elle est contrainte de rembourser le montant de la dot, souvent majorée. C’est le cas de cette femme qui dotée à 150 f, a dû payer 50.000 f à sa belle-famille pour avoir refusé de devenir la seconde femme d’un jeune homme qu’elle avait, elle-même élevé.
Ai-je besoin de vous parler du sort des enfants dans tout cela! Beaucoup de gens continuent à défendre la conception selon laquelle les enfants n’appartiennent pas au clan paternel, pas plus que leur mère. Alors, forts de ce principe, les membres de la famille paternelle s’approprient la maison et les autres biens laissés par le défunt.
Comment voulez-vous parler de communauté de biens, quand tout l’héritage du mari revient aux membres de sa famille qui n’ont nullement contribué à sa constitution? Pensez-vous que de tels agissements soient humains? Prenez le cas de cette veuve qui, après 22 ans de mariage et de travail assidu, a été expropriée. A la mort du mari, on ferme la maison, on réquisitionne tout, y compris sa voiture personnelle et tout l’avoir déposé en banque et la pension des enfants; on exige d’elle la moitié de sa propre pension. Et après cela, les membres de la famille de son feu mari fréquentent dévotement l’église, communient en véritables pharisiens, au Corp et au Sang du Christ. Quel scandale!
Non! Ceux qui placent les veuves et leurs enfants dans de telles conditions ne sont pas des disciples du Christ, même s’ils se disent membres actifs de nos communautés, de nos Scholas populaires, de nos groupes de Légion de Marie, de nos confréries et de nos archiconfréries».

Dans la deuxième partie de sa lettre, il rappelle les textes bibliques concernant la veuve. Puis dans la troisième partie, il pose le regard chrétien sur la veuve. Après avoir rappelé que «les traitements infligés à la veuve (et parfois au veuf) sont contraires à la loi d’amour enseignée par le Christ», Mgr Mbemba souligne que  «le mariage est une mise en commun à deux, en vue du bonheur des époux et des enfants. Il n’est donc pas normal que la parenté du mari s’approprie les biens acquis durant la vie conjugale. Selon les exigences de la loi évangélique, la belle-famille n’a pas le droit de dépouiller la veuve et ses enfants de l’héritage auquel ils ont droit. Cela ne peut plus durer. Aujourd’hui, c’est le Seigneur, Lui-même, qui parle à chacun de nous, en particulier: «Ne maltraite plus les orphelins; ne martyrise plus la veuve, n’exproprie ni la veuve ni ses enfants; ne la laisse plus dormir à même le sol; ne lui donne plus à boire dans les récipient malsains; donne à la veuve l’occasion de parler à l’inhumation de son regretté mari; ne la garde pas contre son gré; mais si tel est son désir, ne lui refuse pas le droit de rester dans la famille; ne lui donne pas de mari qu’elle ne désire pas».
Après 53 ans qu’elle a été diffusée et lue en chaire, la lettre pastorale de Mgr Théophile Mbemba reste d’actualité. Elle doit nous interpeller aux fins de changer notre modus vivendi à l’égard des veuves qui doivent être traitées dans le respect et dans la dignité due à tous les êtres humains. Elle est aussi la preuve des cris permanents du cœur des évêques congolais qui ne ménagent aucun effort pour que les Congolais, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest bâtissent une Nation congolaise dans laquelle règneront la paix, la dignité, le respect pour autrui et pour le bien commun.
On peut dire que la Loi Mouébara (Loi n°19-2022 du 4 mai 2022 portant lutte contre les violences faites aux femmes en République du Congo) est une réponse adéquate à l’appel lancé par Mgr Théophile Mbemba en 1971. Le deuxième chapitre de cette loi punit les violences liées au veuvage et aux successions.

Dieudonné
ANTOINE-GANGA

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