Après le message sur l’état de la Nation prononcé par le Président de la République, Denis Sassou-Nguesso, jeudi 28 novembre 2024, devant le parlement réuni en congrès, au Palais des congrès de Brazzaville, dirigeants politiques et des organisations de la société civile, journalistes, activistes des réseaux sociaux et simples citoyens font usage de la liberté d’expression garantie par la Constitution, pour réagir. Trois points suscitent des réactions de désapprobation, des critiques ou des interrogations dans le message présidentiel: la jeunesse; la disparition de six milliards de francs Cfa chaque année de la bourse surrévaluée des étudiants et les deux proverbes que beaucoup interprètent à leur manière. Commentaire!

Au cœur du message du Chef de l’Etat, il y a la question de la jeunesse. Et pour cause, avec les multiples crises que le pays a connues, l’économie nationale est déprimée et n’offre plus des opportunités d’emplois en nombre suffisant pour répondre aux attentes des nouveaux venus, chaque année, sur le marché de l’emploi, donc les jeunes. Il y a eu la chute des prix du pétrole à partir de juin 2014 qui a provoqué le ralentissement de l’activité économique nationale, étant entendu que l’économie congolaise dépend en grande partie des revenus du pétrole. Il y a eu ensuite, à partir de janvier 2020, la pandémie de covid-19, qui a eu un fort impact négatif sur l’activité économique pendant deux ou trois ans. Enfin, la crise de la dette qu’on traîne aujourd’hui, à l’origine récemment, de la crise financière qui a frappé l’Etat.
Pour une politique volontariste en faveur des jeunes, victimes de chômage massif, le Président de la République a décrété 2024 comme l’année de la jeunesse, suscitant ainsi un grand espoir au sein de cette couche de la population. Si l’idée a été très bien accueillie, son annonce a pris le gouvernement de court et celui-ci a mis du temps pour s’y préparer. Quand il a adopté le «Document d’actions prioritaires» relatif à l’année de la jeunesse, on était déjà au deuxième trimestre. Finalement, le premier semestre s’est achevé, sans que des actions concrètes spécifiques à l’année de la jeunesse ne voient le jour.
Dès lors, les critiques ont commencé à fuser.

Uphrem Dave Mafoula, président du parti Les Souverainistes.

Le porte-parole du gouvernement, le ministre Thierry Lézin Moungala, qui a institué la quinzaine gouvernementale, a dû expliquer que l’année de la jeunesse allait s’étendre au moins sur trois ans, provoquant les railleries des activistes des réseaux sociaux. Finalement, le Chef de l’Etat l’a confirmé: «L’année de la jeunesse est un faisceau de projets qui ne peuvent, bien entendu, s’échelonner sur la seule année 2024».
Denis Sassou-Nguesso s’est félicité des programmes de formation concernant les jeunes lancés ici ou là, du recrutement de 25 mille jeunes dans la Fonction publique et de 5 mille jeunes qui le seront bientôt.
Mais, ces statistiques ont suscité des réactions de désapprobation de la part de ceux qui pensent qu’il ne s’agit là que de l’arbre qui cache la forêt.
Depuis les différentes crises, l’économie congolaise perd des emplois, car les entreprises ferment ou réduisent leurs personnels. Au cours de cette année de la jeunesse, la société Averda a fermé, laissant dans la rue plus d’un millier d’agents, pour la plupart des jeunes et le gouvernement ne fait rien, même pour le paiement de leurs droits. Mal gérée, la S.t.p.u (Société de transport public urbain) est en grande difficulté et ses agents, pour la plupart des jeunes, sont en grève. Déjà la compagnie aérienne Ecair a laissé sur le tapis, depuis 2016, 750 agents pour la plupart des jeunes employés. La compagnie ferroviaire, C.f.c.o (Chemin de fer Congo-Océan), la Sopeco (Société des postes et de l’épargne du Congo) etc, sont des entreprises en difficultés qui accumulent des arriérés de salaires qui pèsent sur la vie sociale de leurs agents. Comment alors peut-on se réjouir devant de telles situations de marasme social, sans que le Chef de l’Etat ne s’en préoccupe?
«Les jeunes représentent 76% de notre population, pratiquement 4 millions 600 mille personnes. Les jeunes vivent dans des conditions qui les empêchent de s’épanouir, c’est un fait. Vous nous avez parlé de 25 mille emplois créés. Ce qui est loin d’être une vérité. Mais, si on doit supposer que c’est une vérité, la vôtre, qu’est-ce que 25 mille emplois peuvent représenter dans un lot de 3 millions de chômeurs? Si on doit faire le ratio, le pourcentage est pratiquement de 0,01%. Je vous rappelle, Monsieur le Président, qu’au vu du nombre de mandats que vous avez déjà fait aujourd’hui, nous pouvons encore dire que la situation du chômage n’est pas résolue. Il va falloir vous le rappeler, Monsieur le Président, que ce sont les entreprises qui créent des emplois et de la richesse. Nous n’avons pas vu des entreprises pousser dans notre pays, pour espérer résoudre le problème du chômage des jeunes», a réagi Uphrem Dave Mafoula, président du parti Les souverainistes (Opposition).

Six milliards de francs Cfa de bourse disparaissent chaque année

Le deuxième point qui suscite des réactions, c’est la révélation faite par le Président de la République lui-même, de ce que «le recensement biométrique des étudiants inscrits dans les universités publiques à Brazzaville a permis de constater que l’Etat ne devrait décaisser que 3 milliards de francs Cfa par an au lieu de 9 milliards exigés pour le paiement des bourses. Est-ce à croire que 6 milliards de francs Cfa se dissipent chaque année sans jamais laisser de traces?», s’est-il interrogé.
Les Congolais s’interrogent à leur tour, pourquoi le Président de la République n’a-t-il pas ordonné l’ouverture d’une enquête devant conduire les présumés responsables de ce détournement de fonds devant la justice?
«Parlant de la bourse des étudiants, vous venez de découvrir, tardivement, le vol de 6 milliards chaque année, concernant l’argent de nos enfants, de nos jeunes, la bourse des étudiants. Vous le dénoncez, mais vous vous arrêtez là. Je me dis, si on s’aventure un peu dans votre mode de gestion du village, je pense que c’est au village où on nous a montré qu’il y a un châtiment pour ceux qui touchent à l’interdit. Alors que nos jeunes étudiants souffrent, vivent dans la misère, la pauvreté, certains ont été contraints d’abandonner leurs études face à leur situation de précarité, il y a cependant dans la République, une bande de personnes qui sont responsables, quelque part, qui volent en toute impunité et sacrifient l’avenir des étudiants, de nos jeunes. Voilà, Monsieur le Président de la République, ce qu’est devenue la République du Congo, sous votre gouvernance», a déclaré Uphrem Dave Mafoula, traduisant ainsi un sentiment largement partagé chez les Congolais. Ce fait précis,

restera-t-il impuni ? Les tâches de panthère et les rayons de soleil

Ce n’est pas pour la première fois que le Président Denis Sassou-Nguesso fait usage de proverbes ou de figures de styles, dans ses discours, pour appuyer sa pensée. Certains passent bien, d’autres provoquent des réactions critiques, comme cette fois. Pourtant, le Président de la République a magnifié la capacité de résilience du peuple congolais, face aux difficultés auxquelles le pays est confronté. «Peuple congolais! «le vent, quelle que soit sa violence, ne peut pas tordre les rayons du soleil»; «la pluie, quelle que soit sa force, peut mouiller la panthère, mais n’efface pas les taches de sa robe». Je rappelle cette sagesse de nos anciens, pour magnifier ta résilience qui t’a toujours permis des sursauts face à la difficulté, résilience qui renouvelle, encore aujourd’hui, la plénitude de ta capacité intrinsèque à assumer ton destin, dans l’optimisme et l’espérance. Je sublime ton courage et ta détermination à affronter l’épreuve pour aller vers le mieux-être. Je t’invite à t’élever toujours par le travail, l’effort persévérant et à avoir confiance en ton avenir. Peu-à-peu, la météo s’améliore, mettant ainsi en évidence les éclaircis favorisant le passage des rayons salvateurs du soleil de l’espoir et de l’espérance», a dit le Chef de l’Etat dans son message sur l’état de la Nation.
Mais, pour certains compatriotes, le Président Sassou-Nguesso aurait utilisé ces deux proverbes pour montrer que, quelles que soient les critiques qui fusent, il ne changera rien à sa politique et il poursuivra son chemin, malgré les souffrances du peuple.
A ce niveau, on peut constater qu’il s’agit d’un malentendu, puisque le Président de la République a voulu reconnaître la capacité de résilience de son peuple, devant les difficultés de vie, tandis que certains y voient plutôt la rectitude de sa politique qu’il ne veut pas changer, malgré les souffrances du peuple. Certains pensent même qu’il a voulu intimider ses compatriotes.
Il n’est pas étonnant que la précarité sociale des temps actuels ne soit pas étrangère à ce malentendu. Car, le peuple n’attend pas seulement de gouvernants qu’ils magnifient sa résilience, mais qu’ils trouvent des solutions à leurs problèmes.

Jean-Clotaire DIATOU

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