Tout le peuple koongo provient de l’ancien grand Royaume du Kongo (Kongo dia Ntotila), un grand empire de l’Afrique du Sud-Ouest, d’une étendue de plus de 300 mille kilomètres-carrés, situé au 14ème siècle, dans les territoires du Nord de l’Angola actuel où se trouvait la capitale, Mbanza-Kongo, (Mbanza signifiant chef-lieu, grand village ou capitale) et que les Portugais appelèrent San Salvador (Saint Sauveur). Dans cette deuxième partie, nous présentons les règles principales qui régissent la vie sociale chez les Koongo.
1- L’exogamie
C’est la loi essentielle et fondamentale qui défend toute relation sexuelle ou tout mariage entre un homme et une femme du même clan, du même mvila, les deux censés avoir le même sang transmis par la grand-mère maternelle. L’on ne doit avoir des relations sexuelles ou l’on ne doit se marier qu’avec un homme ou une femme d’un autre clan.
Pour les Koongo, le mariage est une alliance et non un contrat. Il a deux fonctions: sociale et conjugale. Cette dernière fonction est l’élément le plus dominant. Il n’est pas seulement l’union des deux personnes; il est, en même temps, l’union de quatre familles: les deux familles paternelles et maternelles de l’époux avec celles de l’épouse. Ces familles vont s’aider, s’assister dans le bonheur comme dans le malheur; elles vont former une plus grande famille. Mais, les limites de cette famille agrandie ne s’arrêtent pas là. Elles vont se perdre dans un autre cercle de parenté moins proche, pour faire un ensemble de huit familles. Ce cercle est constitué des familles du grand-père maternel et du grand-père de l’époux ainsi que des familles correspondantes de l’épouse. Chez les Koongo, cette «mégalo familia» est une réalité vivante. Ce qui fait principalement la cohésion des Koongos.
A propos de la dot, il sied de signaler que c’est un acte important. La dot confirme et rend officiel le mariage. Après le versement ou le paiement de la dot, le mari a des droits indiscutables sur sa partenaire et sur l’enfant à naître et dont il est le procréateur. Ce qui lui donne le droit de poursuivre l’amant ou le complice de son épouse en cas d’adultère. D’autre part, l’assistance mutuelle entre les deux belles familles n’est régulière qu’après le versement ou le paiement de la dot. D’après la coutume, quatre ou cinq jours après le versement de la dot, la fiancée est conduite par sa mère ou par une sœur ainée, à la maison de l’époux.
La dot n’est pas et n’a jamais été un préalable. Autrefois, il existait ce que l’on appelait «la coutume du mariage d’essai» qui pouvait durer trois ans et plus. Durant cette période dite d’observation, la famille de la fiancée refusait de percevoir la dot, tant que ce mariage naissant n’avait pas fait ses preuves. C’est seulement lorsque la conduite de ces deux jeunes futurs époux avait donné satisfaction ou lorsque surtout lesdits futurs époux avaient donné le jour à un ou plusieurs enfants, que les parents paternels et maternels de la fiancée acceptaient la dot qui témoignait du respect dû à la femme. Enfin, la dot est le signe ou le symbole de la légitimité de l’union et distingue l’épouse de la concubine (makaangu).
Malheureusement aujourd’hui, certaines familles koongo foulent aux pieds le symbole de la dot, en imposant des montants exorbitants. Ce qui en dénature la valeur intrinsèque et développe surtout la cupidité et trahit l’amour naturel des parents pour leurs filles. La dot «ngela, nkwelela longo ou mbongo za longo» (la dot en espèce) n’est, en aucun cas, le «prix» de la femme cédée en mariage.
L’exogamie est toujours en vigueur et reste un rempart contre l’inceste qui, pour les Koongo, reste un crime aussi abominable que la sorcellerie. Autrefois, les Koongo coupables d’inceste étaient brûlés vifs ou enterrés dans une grande fosse avec des pics, creusée à la place du marché. D’autre part, ce forfait entraînait nécessairement des châtiments divins, de Nzambi-a-Mpungu (Dieu Tout-Puissant) sur tout le clan: recrudescence de mortalité et de maladie parmi les membres, stérilité des femmes, perte du petit bétail, sécheresse de la terre et autres fléaux.
Quand on constatait que ni le coupable, ni l’enfant, ni le clan, n’avaient été frappés par des châtiments prévus en pareil cas, les sages du clan concluaient que la branche coupable n’avait plus le même sang et qu’ipso facto, ne faisait plus partie du clan et on lui demandait d’adopter, à ses risques et périls, le nom d’un autre clan.
2- Le «Ziikana»
Cette loi, dite loi de l’enterrement mutuel, est la loi au terme de laquelle les membres du même clan ou d’autres clans ayant gardé des liens ordinaires d’amitié, délèguent des représentants aux obsèques d’un membre du clan, avec des linceuls, des oboles et autres dons. Car, celui qui est mort est censé être l’un des leurs.
3- Les interdits alimentaires ou les biinas
La loi des interdits alimentaires ou des biinas interdit à tout Koongo de consommer des mets prohibés d’une part et de consommer de l’alcool dans les veillées, tant que le défunt n’a pas été inhumé d’autre part. Chaque clan a les siens. Ces derniers peuvent varier selon les régions.
Parmi les biinas, l’on peut distinguer ceux concernant tous les membres du clan proprement dits, comme ceux interdisant la consommation de la viande de caïman, de panthère ou interdisant à la gent féminine de consommer de la viande de boa, de la civette, etc. Certains biinas ont un lien avec les totems des clans.
Autant l’origine des biinas concernant les clans remonte à la nuit des temps, autant ceux concernant les femmes l’ont été par l’égoïsme voire l’égocentrisme de la gent masculine. En sorte, les hommes n’ont jamais voulu que les femmes mangeassent de la viande succulente de certains animaux. Aujourd’hui, beaucoup de femmes koongos ont transgressé lesdits interdits alimentaires qui leur ont été imposés, tout en respectant ceux du clan.
Enfin, les biinas du clan ne doivent pas être confondus d’une part avec les mets défendus et les autres interdictions imposées par le guérisseur, le nganga mpodi et aussi avec les interdits personnels. Les Koongo qui ne les observent pas, tombent souvent malades. Ils souffrent, pour la plupart, d’allergies qui provoquent sur leurs corps, des taches appelées bisampalas, ntchingas ou matonas. Certains en meurent.
En conclusion, l’on peut affirmer que les clans et les lois sont le ciment, le support du peuple koongo et de sa culture, de génération en génération. En parler, c’est comme l’a dit le professeur François Lumwamu, «promouvoir, revaloriser, vulgariser les cultures congolaises, pour favoriser le dialogue, la tolérance et l’unité nationale» et non, comme le prétendent certaines gens, faire l’apologie du tribalisme et du régionalisme, aux fins de nuire à l’unité du peuple congolais. Sous le prétexte de garder la cohésion du peuple congolais, devons-nous ignorer nos différents peuples qui en sont les méandres? Sachons qu’un «peuple qui oublie son histoire, n’a ni présent ni avenir», dixit Calixte Baniafouna.
Dieudonné
ANTOINE-GANGA