L’émergence des zones économiques spéciales est liée à la faiblesse de l’offre des investissements productifs. Dans les pays en développement, notamment africains, les investissements directs étrangers (I.d.e) ont considérablement baissé, selon une étude de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). La zone économique apparaît, donc, comme le moyen économique d’attirer ces investissements susceptibles de consolider ou d’ériger un système productif national. En outre, elle permet la création d’emplois et une entrée significative du pays dans les technologies. Une zone économique spéciale est une zone géographique d’un pays où se pratiquent des activités économiques dans des conditions plus avantageuses que dans le reste de ce pays.

Les entreprises implantées dans une zone économique bénéficient des conditions plus libérales en matière fiscale ou en matière d’investissements. Elles bénéficient de subventions pour leur installation. Elles peuvent, également, disposer de terrain ou de locaux de manière très avantageuse. Selon une étude de la Banque africaine de développement (B.a.d), les zones économiques spéciales favorisent la diversification économique: «les Z.e.s, et en particulier celles qui sont à usage polyvalent, peuvent poser les jalons de l’émergence progressive d’un secteur manufacturier axé sur les services et l’exportation».
A la lumière de l’histoire des faits économiques et sociaux, les premières formes d’organisation des zones économiques spéciales sont le fait des intellectuels caraïbéens qui, dans les années 1950, à la suite des travaux d’Arthur Lewis, ont posé les bases théoriques d’une industrialisation par la substitution des importations. Alors que les Antilles sont formatées pour produire des biens agricoles et des matières premières pour l’Angleterre et les Etats-Unis, Arthur Lewis pose les bases théoriques de l’avantage comparatif d’un pays disposant d’un surplus de main-d’œuvre dans l’industrie manufacturière. Pour lui, ce pays a intérêt à produire des biens manufacturés pour les marchés nationaux et pour ceux des métropoles.
C’est ainsi que va être monté l’opération «bootstrap» à Porto Rico, «l’art de se sortir de la galère avec ce que l’on a». Du point de vue théorique, les travaux de Lewis font partie de l’émergence de l’économie du développement, avec la notion de diversification productive. Du point de vue de la politique économique, c’est en 1951 qu’est mise en place la première zone économique spéciale à Porto-Rico, suivie de celle de Shannon, en 1959, en Irlande, et de Taiwan, en 1965.
Cependant, c’est la République Populaire de Chine qui offre le modèle le plus abouti des zones économiques spéciales. Au départ, elles étaient une expérimentation de la capacité du marché à réguler l’économie chinoise. Puis, elles sont devenues des formidables sources de croissance et de développement diversifié, parce que leur objectif premier est la restructuration de l’économie. Elles sont un outil de la diversification de l’économie, dans le but d’attirer et d’absorber les investissements directs étrangers, en vue de l’implémentation d’un système productif national.
L’exemple le plus abouti est la zone économique spéciale de Shenzhen, en Chine, qui, en 1979, n’était qu’un village de pêcheurs et qui est devenu une cité industrielle en une génération. Le régime applicable aux zones économiques spéciales offre des avantages sur les plans de change, fiscal, douanier, l’accès à la terre et à certaines installations publiques.
En vue de diversifier son économie, le Congo s’est inspiré de l’exemple chinois, en créant quatre zones économiques spéciales: Pointe-Noire; Ignié; Oyo-Ollombo et Ouesso. En plus de ces quatre zones, il a été créé une zone industrielle à Maloukou. Les objectifs poursuivis avec ces zones sont la valorisation des actifs et avantages compétitifs du pays, la génération d’une forte valeur ajoutée, l’augmentation des exportations, la création d’emplois directs et locaux et des emplois indirects, la croissance du P.i.b. Globalement, les activités retenues pour ces zones sont, pour l’essentiel les produits pétroliers raffinés, les métaux et l’ingénierie, les produits chimiques, l’industrie alimentaire et des boissons, les produits minéraux non métalliques, le bois et les produits dérivés du bois, le papier et les produits du papier, la production des produits en plastique et verrerie, l’imprimerie et l’édition, la réparation et l’installation des machines et des équipements, le tourisme, la recherche et les services financiers, la dynamisation de la filière des palmeraies (transformation de l’huile de palme, par exemple, en huile alimentaire et en savon), l’horticulture (fleurs, fruits et légumes), les matériaux de construction (ciment, granulats, briques/carreaux), le développement des activités de logistique (transport, conditionnement, stockage, etc.), les énergies renouvelables, avec la production de bioéthanol de sucre de canne et du biodiesel d’huile de palme, l’agroalimentaire, l’agropastoral, l’agroforesterie et la pêche.
Cependant, seule la zone économique spéciale de Maloukou (zone industrielle) est en activité. C’est en janvier 2011 qu’est signé le mémorandum d’entente entre le gouvernement de la République du Congo et le groupe Asperbras, en vue de la création de la zone économique de Maloukou. A cette date, le montant total proposé par le groupe Asperbras, pour l’aménagement intérieur de la zone et l’implantation des usines s’élevait à 250 milliards de francs Cfa.
Selon ce mémorandum, la zone économique devrait comprendre des unités de production, des entrepôts de stockage, des chambres frigorifiques, un port sec et une zone commerciale et administrative. Les quinze usines construites par le groupe Asperbras sont: usine d’emballages; usine de rotomoulage; usine de tuiles en acier; usine de peinture; usine de métallurgie mécanique; usine de tubes et tuyaux P.v.c; usine de dalles; usine de mortier; usine de briques en céramique; usine de tuiles en céramique; usine de tours et pivot; usine de céramique sanitaire; usine de câbles électriques; usine de galvanisation; usine de carrelages en céramique.
C’est dans les années 1980-1990 que les pays africains se sont lancés dans l’érection des zones économiques spéciales. Les résultats de cette politique de diversification de l’économie sont très contrastés d’un pays à un autre. Ainsi par exemple, la B.a.d indique qu’au Ghana, entre 2002 et 2008, les investissements directs étrangers (I.d.e) dans sa zone économique a représenté 48% du total reçu par ce pays. Au Kenya et en Tanzanie, ce pourcentage a dépassé les 20%. Mais d’une manière générale, l’objectif premier de ces zones, qui était l’attraction des investissements directs étrangers, n’a pas été significativement atteint. Les emplois qu’elles étaient sensées générer ne l’ont pas été dans la durée. Les raisons de ces insuffisances sont multiples. On peut citer «la mauvaise planification stratégique (inadéquation entre les activités développées dans ces zones et les avantages comparatifs du pays, la dispersion sur un nombre trop élevé de secteurs manufacturiers), le mauvais choix d’emplacement (déterminé trop souvent par des motifs politiques, localisation dans des zones excentrées), l’insuffisance des infrastructures (pénuries d’eau, pannes d’électricité, carences en matière de santé, de sécurité et d’environnement), l’absence de gouvernance et le manque de stabilité des politiques».
Si l’on considère la politique de diversification au Congo, avec la politique des zones économiques spéciales, il y a lieu de nuancer l’économie politique de la zone industrielle de Maloukou. Les objectifs poursuivis par la création d’une zone économique spéciale sont d’attirer des capitaux étrangers industriels d’une part et d’autre part, d’assurer le transfert des technologies. Dans le cas de Maloukou, ce sont des capitaux publics congolais qui ont été engagés pour l’implémentation de son infrastructure productive. Il s’agit, en réalité, d’un site industriel clé en main, que le groupe Asperbras a fourni au Congo. En effet, ce groupe «n’est pas seulement reconnu pour ses usines de fabrication de tubes, de raccords en P.v.c et de rotomoulage, mais également pour son intervention dans les domaines de l’ingénierie industrielle, de la fabrication de panneaux M.d.f, de la gestion et du montage de projets industriels dans différents secteurs, dans la construction et l’intégration de projets immobiliers et dans les secteurs de la production alimentaire, de l’agrobusiness, de l’exploitation minière et de l’énergie».
(A suivre)

Louis BAKABADIO
In «La diversification économique en question», Editions LMI (Janvier 2022).
PP 115 à 126. Les références des citations sont à retrouver dans le livre.

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