La corruption est légion dans notre pays, le Congo. Elle ronge même notre sport. Les fédérations sportives n’en sont pas épargnées, au regard du scandale survenu à la suite du match entre l’As Otohô, une équipe qui aligne six titres de champion du Congo, et l’Inter-club, le 2 juin dernier, au Stade municipal de Kinkala. A l’ère des réseaux sociaux, tout est sur la place publique.
Ainsi, nos amis Itoua, Mboungou, Tati et Yakamambu étaient éberlués de suivre un audio dans lequel un chef de la Commission nationale des arbitres appelait un arbitre devant officier le match de Kinkala, pour lui dire que son million était prêt et qu’il devait passer le chercher. Quoi donc de surprenant si pendant la première mi-temps à Kinkala, l’As Otohô a bénéficié d’un pénalty, contesté par l’Inter-club, qui a été raté pour la première fois et que l’arbitre a fait rejouer au motif que le gardien avait bougé avant. L’As Otohô menait par 1 but à 0, sur un pénalty contesté et rejoué, alors qu’un joueur d’Inter-club, ayant pris un carton rouge, était expulsé du terrain.
A la deuxième mi-temps, les joueurs de l’Inter-club ont refusé de sortir sur le terrain. L’arbitre a attendu l’épuisement des 45 minutes de la deuxième période, pour siffler la fin de la partie. Devant la confusion, le président de la Fécofoot (Fédération congolaise de football), Jean-Guy Blaise Mayolas, avait pris la décision, le 7 juin, de dissoudre la Commission nationale des arbitres, pour des raisons de corruption. Tout est clair là. Deux arbitres ont même été jetés en prison.
Voilà un fait de corruption dont la H.a.l.c (Haute autorité de lutte contre la corruption), que dirige Emmanuel Olitta Ondongo, devrait ipso facto se saisir. Mais non! C’est la Fécofoot qui se bat, seule. Et comme il y a tellement des malins au sein de nos élites, la Linafoot (Ligue nationale de football) a tout fait pour faire reprendre la deuxième mi-temps à Brazzaville, faisant ainsi qualifier l’As Otohô qui a joué à 11 contre 10. Car, jusque-là, si les corrompus sont tombés dans le filet, on n’entend pas parler des corrupteurs. D’où venait le million donné à l’arbitre?
Indignés, nos amis communs, Itoua, Mboungou, Tati et Yakamambu, sont montés au créneau pour dénoncer ce fléau de la corruption qui fait tant de mal à la gestion de la chose publique. A ce propos, ils me demandent de te faire partager ce que l’artiste-musicien, François Dieudonné Luambo Makiadi, alias Franco, avait dit, en son temps, de la corruption:
«La corruption est un délit le plus souvent commis par les élites, par ceux qui ont accès à l’argent et au pouvoir. Elle constitue une indélicatesse qui viole les principes moraux.
Chaque peuple du monde a une conception de l’honnêteté qui lui est propre. Ainsi au Congo, la corruption présente certaines caractéristiques particulières adaptées à un environnement socioculturel propre. Il y existe, par exemple, une véritable classe de demandeurs de corruption, alors qu’ailleurs, celle-ci (la corruption) est plutôt proposée.
Il faut différencier le pourboire (madezo ya bana) que l’on suscite plutôt que l’on gratifie, à la corruption qui est un système informel d’enrichissement illicite et qui mérite d’être combattu avec la dernière rigueur.
L’attitude que les gens ont vis-à-vis de l’argent, vecteur principal de la corruption, est assez équivoque. Au Congo, l’on considère l’argent d’abord comme un outil et un but en soi. De ce point de vue, l’argent n’est jamais mauvais, quelle que soit sa provenance.
Les signes extérieurs de richesse (maisons, voitures, habillement…), bien que suggérant souvent un enrichissement sans cause, provoquent toujours, dans l’opinion, l’admiration de celui qui les affiche. Ce faisant, il bénéficie de l’absolution de la faute (vol, détournement…) commise.
Dans la conception du Congolais, l’argent étant indispensable pour vivre, il est à chercher à tout prix et à n’importe quel prix. Ainsi, la corruption qui consiste à abuser d’une chose coupable n’a pas d’importance et n’indigne personne.
Il faut, bien sûr, nuancer tout cela, mais la lutte contre le grand fléau que représente la corruption doit passer par la compréhension que l’on peut dégager de ses causes réelles.
Il faut d’office écarter la pauvreté qui ne pousse pas en elle-même à la corruption. C’est l’esprit de lucre qui reste l’empannage de l’élite politique, économique, sociale et culturelle et la pousse à la recherche effrénée d’un enrichissement sans cause».
D’autre part, Itoua, Mboungou, Tati et Yakamambu me chargent de t’informer que, chez nous, au Congo, l’achat des consciences se ferait au grand jour et ne choquerait plus personne. L’argent y serait distribué au grand jour. Enfin, une société plus juste et plus humaine s’impose à nous. Nous sommes tous concernés. Tout citoyen et tout homme politique, quels qu’ils soient, doivent en être pleinement conscients. Car, «la vraie dignité de l’homme et son excellence résident dans ses mœurs, c’est-à-dire dans sa vertu; la vertu est le patrimoine commun des mortels, à la portée de tous, des petits et des grands, des pauvres et des riches», dixit Léon XIII.
Enfin, la corruption, voire la perception de la corruption ainsi que les politiques exécutées de façon inefficace peuvent facilement ruiner les efforts de développement d’un pays, comme on le voit un peu chez nous. Pour réussir la lutte contre la corruption, il faut lutter contre les inégalités sociales, l’injustice sociale, les passe-droits, les abus de pouvoir, les abus d’autorité, les intimidations, etc. Il faut un appareil judiciaire lui-même débarrassé des anti-valeurs, grâce à des magistrats intègres, n’ayant pas le souci de s’enrichir de manière illégale.
A ce propos, Itoua, Mboungou, Tati et Yakamambu espèrent que nos magistrats et surtout nos huissiers de justice n’ont pas oublié le message que leur a adressé le Chef de l’Etat, le 15 janvier dernier. «A cela, il faut ajouter leur propension et leur acharnement à saisir les comptes en banque des parties perdantes, les rendant, en totalité, insusceptibles de tout mouvement. Certains huissiers s’illustrent par ces pratiques éhontées qui anticipent ou n’attendent jamais, ni les effets du pourvoi en cassation engagé, ni encore moins la fin de la procédure. De tels comportements, qui n’honorent guère le système judiciaire, ont conduit, sous d’autres cieux, à l’effondrement et à la ruine de pans entiers de l’économie nationale», leur avait-il dit. Un gouvernement responsable lutte sans merci contre la corruption. Cela demeure vital à la prospérité de tout pays. Le Président Denis Sassou-Nguesso prône toujours cette ligne. Même si on lui reproche souvent de ne pas frapper. Comprenne qui pourra. A bientôt!
Diag-Lemba.