La F.o.c (Fédération de l’opposition congolaise) a adressé, le 21 septembre 2022, une lettre ouverte de 24 pages au Président de la République, Denis Sassou-Nguesso. C’est ce qu’a révélé Clément Miérassa, président de cette plateforme de l’opposition extraparlementaire, qui avait à ses côtés ses deux vice-présidents Michel Mampouya et David Kouwatana, lors d’une conférence de presse, mercredi 5 octobre 2022, au C.i.o (Centre interdiocésain des œuvres), à Brazzaville. Dans cette lettre ouverte, l’opposition revient sur sa demande récurrente d’organiser un dialogue politique inclusif, «seul alternative pacifique, en vue du sursaut national et patriotique, afin que notre pays retrouve le chemin de la démocratie, de la paix et sa crédibilité dans le concert des Nations».
La F.o.c a boycotté et la concertation politique d’Owando et les élections législatives et locales de juillet dernier, pour protester contre leur mauvaise organisation. Le gouvernement n’a pas prêté l’oreille à ses revendications. Cette fois, elle a emprunté la voie de la lettre ouverte au Chef de l’Etat, en le priant de prendre en considération sa modeste contribution, «dans l’intérêt supérieur du peuple congolais». Sera-t-elle entendue?
La lettre ouverte du président de la F.o.c reprend l’ensemble de ce qui est déjà entendu. L’histoire politique de la République du Congo, de l’abbé Fulbert Youlou à Denis Sassou-Nguesso, est jalonnée de contentieux politiques qui devraient être soldés. Tout a été exhumé. Un chapelet de conditions pour sauver, selon l’opposition, «une Nation en péril».
A cause de la pratique politique et des actes posés, il faut organiser «un dialogue politique inclusif qui est la seule alternative pacifique en vue du sursaut national et patriotique, afin que notre pays retrouve le chemin de la démocratie, de la paix et de sa crédibilité dans le concert des Nations».
Selon la F.o.p «le dialogue national inclusif préparé par tous impulserait un élan qui devrait être soutenu par la communauté internationale, dans le but d’aider le Congo qui est véritablement en danger. En effet, la situation est bien alarmante et ne rien faire est synonyme de non-assistance à un peuple en danger».
«Il ne s’agit donc pas ici de sauver un régime politique, mais une Nation en péril. Mue par la volonté de construire notre pays dont nul citoyen ne peut se targuer le privilège exclusif d’appropriation, la présente approche politique sur la crise congolaise est un appel à la responsabilité du premier magistrat au sommet de l’Etat que vous êtes et des acteurs politiques et sociaux», poursuit la lettre.
«Les objectifs, la préparation, l’organisation et la feuille de route d’un aussi ambitieux projet politique de redressement et de reconstruction nationale, ne peuvent être que le résultat d’un dialogue inclusif, associant toutes les intelligences et forces représentatives de la Nation (Pouvoir, opposition, société civile), dans leur diversité tant de l’intérieur que de la diaspora congolaise. Le progrès de tous est donc possible, mais trois conditions sont essentielles: réconcilier les cœurs et les esprits des Congolais résignés dans les rancœurs; rompre avec les dogmes du totalitarisme; construire un Etat de droit dans la démocratie pluraliste; la démocratie doit être à la fois notre objectif et le passage nécessaire pour développer le Congo», explique la lettre.
Répondant aux questions des journalistes, Clément Mierassa, l’unique orateur, considère qu’on ne peut pas parler d’élections au Congo, car les institutions sont hors-la-loi. «Ces élections se sont déroulées dans un contexte où le Président de la République n’est pas en conformité avec la loi, le Premier ministre n’est pas en conformité avec la loi, le Président de l’Assemblée nationale n’est pas en conformité avec la loi, le Président du sénat n’est pas ne conformité avec la loi. La situation est d’autant plus grave pour le Premier ministre s’est même permis, une fois en intervenant sur un média international, de dire que les partis qui étaient à Owando, c’était des partis qui étaient en règle. En sa qualité de juriste, le Premier ministre sait que le P.c.t n’est pas en conformité avec la loi. Cela traduit l’état d’esprit que nous voulons faire apparaître dans la lettre ouverte. Vous avez des dirigeants qui ne sont pas en conformité avec la loi, qui prétendent appliquer la loi et qui sanctionnent d’autres au nom de cette loi. Existe-t-il un Etat dans ce pays? C’est la question fondamentale», s’est-il exclamé.
Concernant le remaniement du gouvernement, Clément Miérassa a rappelé qu’Anatole Collinet Makosso n’a pas démissionné de ses fonctions. «On a été surpris de voir le ministre d’Etat Florent Ntsiba, directeur de cabinet du Président de la République, balancer un communique dans lequel il annonce que le Président de la République a renouvelé sa confiance au Premier ministre. Pourquoi le Premier ministre n’a-t-il pas démissionné, pour être reconduit? Bref, on lui demande de prendre des dispositions pour une équipe qui pourrait rassurer les Congolais. Anatole Collinet Makosso a une équipe de 38 ministres, lui-même y compris. 12 ministres sont du Département de la Cuvette. 10 ministres sont du Département des Plateaux. Cela veut dire qu’au-delà de la démagogie que fait le P.c.t, la réalité du pouvoir se trouve dans les Départements des Plateaux et la Cuvette. Quand vous jetez un regard au Nord du pays, vous avez 1 ministre pour la Cuvette-Ouest; la Sangha: 1 ministre; la Likouala: 2 ministres. Quand je prends le Sud du pays, que constatons-nous? 12 ministres seulement! Les Départements de Pointe-Noire et du Kouilou: 3 ministres; le Niari: 3 ministres; la Lékoumou: 2 ministres; la Bouenza: 1 ministre et le Département du Pool: 3 ministres», a-t-il déclaré.
L’affaire de l’opposant gabonais Guy Ndzouba-Ndama n’a pas échappé à la sagacité de ses critiques. Clément Miérassa a dénoncé le silence observé par le gouvernement sur cette affaire de l’opposant gabonais interpellé avec une somme en espèce de 1 milliard 190 millions de francs Cfa, alors qu’il revenait du Congo-Brazzaville.
En conclusion, on peut dire que l’opposition extraparlementaire a fait entendre sa voix sur les questions nationales. Le Président de la République donnera-t-il suite à sa lettre ouverte? L’expérience indique plutôt que ce sera alors une grande surprise. A en croire Clément Mierassa, «cette réflexion sera accueillie comme une contribution à la recherche de solutions durables à la crise aigüe, persistante et multidimensionnelle dans laquelle se débat notre pays sans répit, depuis son accession à l’indépendance, le 15 août 1960».
Chrysostome
FOUCK ZONZEKA