Prométhée a voulu offrir aux éphémères de céans l’éloge des ordures. Mais, il se trouve que la gestion de la Cité vient de lui asséner une humiliation mémorable dont il n’est pas sûr de comprendre le bien-fondé. En réalité, c’est toute la société intellectuelle et technicienne de céans qui vient d’être insultée par le transfert de la gestion de l’énergie quotidienne à des éphémères de l’altérité.
Qu’avons-nous donc fait au bon Dieu pour mériter une telle infamie? Donc, la densité de neurones d’ici n’est pas capable de proposer des solutions de gestion optimale de l’énergie, qu’il faille, à cet effet, faire appel à des cerveaux étrangers?
Chez eux, ils s’occupent de la production, du transport et de la vente de l’électricité. Leur société a le monopole du transport de l’électricité sur l’ensemble du territoire et l’exclusivité de la distribution sur son périmètre. Parce que l’énergie est une ressource stratégique. Ici, c’est l’affermage, c’est-à-dire, la délégation de la gestion d’un service public à une personne, et un étranger. Mais l’affermage, c’est aussi la maîtrise totale des décisions par le «fermier», notamment en matière de prix de vente de l’électricité aux éphémères ordinaires. C’est donc dire que les pouvoirs publics renoncent à la gestion d’un secteur stratégique de la souveraineté; c’est donc avouer l’incompétence des éphémères de céans dans la gestion des services publics.
Comment cela est-il possible dans un pays comme celui-ci? Ses fils et filles ont créé des nouvelles espèces de mangues; ils ont fabriqué les pièces de rechange de la société Air Afrique; ils ont vaincu la vasière; ils ont construit un boulevard qui fait encore la fierté de la ville-capitale; ils ont mis au point les techniques de bouturage de l’eucalyptus; ils ont géré jadis, des entreprises qui ont fait fortune; ils travaillent aussi à l’international; ils remportent de nombreux prix littéraires de par le monde; ils sont membres des prestigieuses académies; ils ont formé des milliers d’éphémères d’ailleurs, dont certains exercent à l’international; ils ont enseigné et enseignent encore dans des pays lointains. Comment ne peuvent-ils pas, à l’instar de ceux de l’altérité, gérer la ressource énergétique de céans?
Les neurones de céans ont la tête haute. Ils savent qu’ils n’ont pas à rougir de cette humiliation, parce qu’ils ne sont pas concernés par ce choix; ils n’y ont pas participé. Ils savent que lorsque la rationalité et la radicalité éthique sont évincées par l’arrogance, l’égoïsme, l’incivisme et l’instinct partisan, «les décisions les plus extravagantes se présentent sous le jour d’une tranquille rationalité», comme l’affirme, avec force, Virginie Despentes. Ils gémissent de cela, mais ils espèrent.
Prométhée
