Cette semaine, en témoin involontaire ou forcé, j’ai assisté, dans plusieurs administrations publiques, à des scènes ridicules, cocasses voire malheureuses qui traduisent, toutes, le fait que des personnes sensées agir au nom de l’État, utilisent leurs petites parcelles de pouvoir, pour martyriser leurs administrés et obtenir quelques jetons, billets ou prébendes. Il s’agit, en fait, de corruptions, concussions, prévarications, abus de pouvoir… Le pouvoir réglementaire, on en use dans le respect des lois et règlements de la République. Le pouvoir protège, car il protège tout le monde et que nul n’est au-dessus de la loi.

Certains aiment les nouveaux règlements, car cela leur donne une occasion supplémentaire d’accorder eux-mêmes des dérogations contre espèces sonnantes et trébuchantes. La métaphore étant mauvaise, je la retire. A l’heure du papier monnaie et des transactions financières, le vrai argent se négocie dans le silence froissé du papier monnaie ou dans le staccato presque silencieux d’un clavier de téléphone. Chaque loi ou règlement se comprend dans un esprit particulier qui n’est jamais celui de favoriser, au sein des administrations publiques, la floraison de comportements mafieux. Si l’État pouvait disposer des milliards qui se volent et s’envolent dans les transactions douteuses, la corruption ou la parafiscalité qui atterrit ailleurs et non au Trésor public.
C’est au Trésor public même que la rumeur publique, la vox populi, situe la présence des plus grands escrocs en cols blancs. Or donc, dans notre pays, il suffit d’être fonctionnaires du trésor, des impôts ou des douanes, pour mener une vie dorée. J’ai eu mon baccalauréat en 1981, en plein monopartisme. Et vraiment, je me surprends à regretter d’avoir fait le choix d’une profession altruiste qui, jusqu’à présent, m’empêche de mener le train de vie que j’estime mériter. Il n’y a pas de grands pays sans système de renseignements efficace et juste au service de l’État. Les États-Unis d’Amérique ont leurs polices municipales et locales. Le F.b.i (Federal bureau of investigation) pour les crimes fédéraux; la C.i.a (Central intelligence agency) pour la protection internationale des intérêts américains.
Le trésor, la douane et les impôts participent d’une même logique: trouver des ressources à l’État qui les redistribue dans l’intérêt du plus grand nombre. A Brazzaville, radio-trottoir connaît tout sur tout le monde. La police économique ne joue pas son rôle, celui de mettre fin à l’enrichissement sans cause. Il faut récupérer l’argent public dans les poches des gens qui ont eu à servir l’État ou à contracter avec l’État et qui ont accumulé au-delà de ce que leurs rémunérations ne peuvent justifier.
Un ministre gagne suffisamment bien sa vie dans notre pays, pour ne pas avoir à pactiser avec le diable, pour augmenter, par l’indélicatesse, le niveau de ses revenus. Il faut cesser de penser et de laisser à penser que pour être riche, il faut faire de la politique. Les hommes politiques devraient être comme les soldats du Christ. Après tout, c’est le peuple qui les paie, les nourrit, les habille. Avec l’argent des impôts. C’est pour cela qu’il reste absolument nécessaire de déclarer ses biens, lorsqu’on accède à une haute fonction civile ou militaire. Il est interdit de s’enrichir au service de l’État. Il est impossible de mentir sur sa déclaration, la police sait tout. Ou elle est complice. Relancer l’économie, c’est permettre aux Congolais de gagner de l’argent et de payer un impôt juste. C’est faire des entrepreneurs, les gens les plus riches du pays. C’est récompenser le vrai mérite.
Être ministre, c’est être choisi par le Président de la République pour mener à bien une mission. C’est tout.  Réussir sa mission est une exigence irréfragable, pour le bien de tous. Je n’ai jamais vu quelqu’un devenir milliardaire au service de l’État, sauf… C’est une vérité connue depuis Voltaire qui, dans sa verve d’écrivain, faisait la différence entre un serviteur de l’État indélicat et un voleur.
Avec un salaire de ministre, on peut vivre confortablement, régler ses factures, élever ses enfants sans stress, aider sa famille et ses amis. Mais, on ne peut pas devenir riche en étant ministre. Il n’y a pas plus grand crime que de voler les pauvres pour devenir riche. Et notre pays est un pays pauvre. Si les ministres s’enrichissent, c’est que l’État s’appauvrit. Pour utiliser une métaphore familière aux financiers du développement. Les ministres qui s’enrichissent sont comme des charognards qui prospèrent sur les difficultés de l’État. La situation de notre pays va en se détériorant et les postes politiques se recherchent comme des sinécures ou des prébendes. Le changement viendrait des jeunes qui, si on les regarde bien, ont des airs de parenté avec les anciens et sont comme des clones.
Le salut viendra ou ne viendra pas d’une rupture dans ces mauvaises habitudes de vivre aux dépens de l’État. C’est John Fitzgerald Kennedy, Président américain qui disait à ses compatriotes qu’il ne suffit pas seulement de se demander ce que l’État peut faire pour vous, mais qu’il est important de se demander également ce que chacun peut faire pour le bien de l’État. Servir l’État est une vocation. C’est un métier ingrat où on prend beaucoup de coups. C’est pour cela que les grands commis de l’État doivent être bien rémunérés. Pour les mettre à l’abri du besoin et, ce faisant, de la corruption.
C’est ce que le Président de la République a fait pour les magistrats, malheureusement avec l’insuccès que l’on sait, car chacun veut gagner aussi bien qu’un ministre. La solution qui me vient à l’esprit est de réduire le train de vie de l’État, en commençant par les ministres. On perdra, par-là, ceux qui n’ont pas la vocation. Ils iront très certainement demander un poste dans les métiers du pétrole qui réservent à leurs hiérarques des salaires affolants, pour gérer un pétrole qui est le bien de tous.
Toutes ces données sont connues de la police économique, des renseignements généraux, des douanes, des finances et du trésor. Alors pourquoi rien n’est fait? On peut cacher une partie de la vérité au peuple, une partie du temps. Mais, il est impossible de cacher toute la vérité au peuple tout le temps.
Or donc, le Parti congolais du travail a gagné les élections. C’est bien si le parti s’est réformé de lui-même et que son ambition est le développement du Congo et non le développement de ses membres. Sinon les mêmes causes produiront les mêmes effets? Ce parti a-t-il tenu compte des remarques de l’ancien membre du bureau politique du Parti congolais du travail, Charles Zacharie Bowao, qui a été mis à l’écart sans ménagement au profit de partisans du griotisme? Un parti pour durer doit se réformer de l’intérieur et permettre le débat entre ses membres. Un aîné membre d’un parti de la place m’a fait le reproche que les «intellectuels» congolais ne s’engageaient pas. Je lui ai répondu que, personnellement, étant encore médecin en activité, je voulais être capable de soigner tout le monde. Il a cru que je pensais à la largeur de la clientèle, alors que je pensais, moi, à la confiance qui doit exister entre un médecin et son malade.
En d’autres termes, est-il prudent de se faire soigner par quelqu’un qui vous critique? Nous restons des bantous et chez les bantous, la confiance, la loyauté, la fidélité (dois-je dire aveugle?) sont plus importants que la connaissance technique. C’est vrai, on peut toujours dire qu’en politique, il n’y a que des adversaires, pas d’ennemis. Mais, la vie politique, au Congo, a été parsemée de violences… (fin de la digression).
Une solution: et si les inspecteurs de chaque administration avaient les moyens de faire leur travail correctement. Sauf si eux aussi délivrent des dérogations aux gens qui savent leur parler. Honte à ceux-là mêmes qui vivent grand train, quand le peuple a faim. C’est une urgence, il faut réformer l’État sans tarder. Je précise que je ne fais pas de politique, ni pour ni contre le P.c.t. Je suis juste un psychiatre qui, du fait de la souffrance de ses malades, a un poste d’observation privilégié.

Pr Alain MOUANGA

– Neurologue-Psychiatre;
– Diplômé de santé publique et de promotion de la santé;
– Chef du service de psychiatrie du Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville;
– Enseignant à la Faculté des Sciences de la Santé de l’Université Marien Ngouabi;
– Coordonnateur médical à la FCRM (Fondation Congolaise pour la Recherche médicale);
– Président de la SOCOSAM (Société Congolaise de Santé mentale)
– Adresse postale: BP 2123, Brazzaville, République du Congo
– Courriels: [email protected] – [email protected]

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