L’accès à l’électricité est une importante condition du développement. Avec les télécommunications et l’économie numérique, qu’on soit au village ou en ville, on a aujourd’hui obligatoirement besoin de charger son téléphone. Les énergies renouvelables, comme l’énergie solaire et l’énergie éolienne, sont d’un grand tremplin au niveau individuel, en milieu rural comme en milieu urbain, quand le service de l’électricité est déficitaire ou qu’on n’y a pas accès. Pour améliorer son service d’électricité, le Congo a opté pour une politique de libéralisation, telle que voulue par la Conférence nationale souveraine (1991), en privatisant les entreprises publiques. Mais, depuis trois décennies, le pays a fait quelques progrès mais n’y arrive pas. Le facteur humain est le principal obstacle.
Dans une lettre adressée le 5 mars au directeur général de la Senelec, à la demande du Premier ministre chef du gouvernement, Anatole Collinet Makosso, le ministre de l’énergie et de l’hydraulique, Emile Ouosso, l’informe qu’«en vertu des conclusions de la réunion bipartite (gouvernement, E²c/partenaires sociaux) tenue le 25 février 2025 à Brazzaville, l’exécution de la convention d’affermage conclue avec le gouvernement du Congo, est momentanément suspendue, en attendant les résultats de la Commission technique interministérielle».
Le même jour du 5 mars, le Premier ministre chef du gouvernement, Anatole Collinet Makosso, signait le décret mettant en place la fameuse Commission technique interministérielle, «chargée de réexaminer la convention d’affermage du service public de distribution en vue de la vente de l’électricité en République du Congo».
Vu de l’extérieur du Congo, on flaire aisément que le gouvernement congolais a voulu s’avancer sur un chemin dont il n’a pas la maîtrise. Dans le souci de préserver la paix sociale, il a décidé d’écouter ses partenaires sociaux. Chose qui aurait pu se faire auparavant. Or, tel que la situation se présente, le gouvernement se retrouve en rétropédalage. Il n’est pas sûr que le partenaire, à savoir la Senelec, sera d’accord avec les nouvelles conditions issues de la Commission technique interministérielle, qui seront introduites dans la convention, par le gouvernement.
En plus, pour les syndicats, il n’est pas question de réviser la convention d’affermage, plutôt de l’annuler purement et simplement. Ils l’ont signifié au Premier ministre, dans un courrier en date du 4 mars: «Les partenaires sociaux, par le biais des réseaux sociaux, sont surpris de constater que les conclusions de la réunion bipartite soient réduites à la simple suspension de l’affermage, une des composantes du dégroupage de E²c. Tel qu’écrit par vos soins, les partenaires sociaux constatent que la Primature prend une trajectoire similaire à celle que nous avons dénoncée au Ministère de l’énergie et de l’hydraulique. Nous sommes au regret de croire à votre partialité et vous rassurons de notre refus d’admettre le schéma que vous présentez qui ne se limite qu’à l’affermage, sans prendre en compte le volet relatif aux conventions de concession des barrages».
Le revers que subit le gouvernement de la part des syndicats traduit les pesanteurs qui freinent les réformes du secteur de l’électricité. La réforme de l’électricité date depuis des années 90. La loi-cadre portant sur la privatisation, promulguée par le Président Pascal Lissouba le 10 août 1994, avait retenu comme différents modes de privatisation (cession totale d’actifs ou d’actions, cession partielle d’actifs ou d’actions ou privatisation sans transfert de propriété avec contrat de gestion) qui correspond à l’affermage. Six entreprises publiques étaient dans le premier périmètre de privation: Hydro-Congo, Coraf (Congolaise de raffinage), S.n.e (Société nationale d’électricité), S.n.d.e (Société nationale de distribution d’eau), O.n.p.t (Office national des postes et télécommunications) et A.t.c (Agence trans-congolaise de communication) qui regroupait le C.f.c.o (Chemin de fer Congo-Océan), Port maritime de Pointe-Noire et les ports fluviaux.
A l’époque, on ne parlait pas de souveraineté que de privatiser ces entreprises nationales, qui travaillaient en monopole dans leurs secteurs, mais qui avaient des bilans annuels déficitaires, malgré de lourds investissements réalisés par l’Etat à leur bénéfice. Un Comité de privatisation avait été mis en place, dès le mois de septembre 1994. A son arrivée au pouvoir en octobre 1997, le Président Denis Sassou-Nguesso a repris la politique de privatisation des entreprises publiques. Ainsi, l’A.t.c, Hydro-Congo et l’O.n.p.t ont disparu.
Pour ce qui est de l’électricité, le secteur a été libéralisé. Les dirigeants nationaux sont conscients que l’Etat ne peut pas seul développer ce secteur et surtout assurer un bon service de l’électricité aux populations. Ainsi, le gouvernement a créé une Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel) et une entité chargée de promouvoir et de coordonner l’électrification rurale sur toute l’étendue du territoire, l’Aner (Agence nationale d’électricité rurale).
La S.n.e et la S.n.d.e ont fini par être transformées en sociétés anonymes avec conseil d’administration, dont l’Etat est seul actionnaire. Le reste du processus de transformation devant conduire à un dégroupage des secteurs de production, du transport et de commercialisation de l’électricité comme de l’eau. Pratiquement, toutes les unités de production de l’électricité ont été données en concession à des sociétés privées. Restait la commercialisation qui a fait l’objet de la convention d’affermage de E²c.
Aujourd’hui, le processus a subi un coup d’arrêt, en raison de la colère des syndicats, qui ne veulent rien entendre du processus de privatisation à E²c, évoquant la souveraineté du Congo, et exigeant l’abolition de toutes les conventions, sous-entendu pour un retour à la même situation que celle qui a prévalu à l’époque de la S.n.e qui avait le monopole de la production et de la distribution de l’électricité au Congo. Pendant ce temps, les populations, particulièrement à Brazzaville, subissent un service d’électricité défaillant, jonché de coupures appelées délestages ou black-out. Ce qui affecte énormément la vie sociale et économique. Cerise sur le gâteau, les syndicalistes ne parlent pas de la dette de leur société à l’égard de la Centrale électrique du Congo. Qui y fera face?
Jean-Clotaire DIATOU








