Entre le 11 et le 15 août 2024, deux événements sont venus bousculer ma conscience de Congolais. En fait, j’ai jugé deux réalités. La première réalité, les organisateurs des Jeux olympiques 2024 de Paris ont su créer une nouvelle ère de l’olympisme. La deuxième réalité concerne le 64ème anniversaire de l’indépendance de la République du Congo.
Dans la mémoire de tous ceux qui ont assisté, de près ou de loin, aux Jeux olympiques de Paris, la fête était très belle. On a vu des Jeux olympiques comme on n’en a jamais vu. Le temps des jeux, toute la France a été olympique. Disons-le, ça a été une fête nationale. La France, pays de râleurs, mais on a vu une France passionnée. Malgré toutes les tensions qui perturbent le monde, malgré la dissolution de l’assemblée nationale avec son lot de tintamarres des réactions politiques, les Jeux olympiques ont su imposer une culture de paix.
Les premiers Jeux olympiques de la nouvelle ère ont tenu leur promesse. La Seine, la Place du Trocadéro, la Tour Eiffel, le Champs de Mars, la Place des Invalides, la Place de la Concorde, le Château de Versailles, ces places mythiques de la capitale française sont devenues des terrains de jeux.
Grace au dépassement des organisateurs, les Jeux olympiques ont amené beaucoup de proximité, beaucoup de créativité. Il y avait là, la fusion des cœurs, la fusion des pays. On a vu des drapeaux palestiniens flotter les uns à côté des autres. On a vu des Coréens du Sud et des Coréens du Nord s’affronter sur une table de ping-pong. La géopolitique nous a permis de comprendre ce qui s’y passait. L’environnement naturel a eu un impact sur le caractère humain des citoyens. Tout le temps des jeux a généré des trêves sacrées.
Nous apprenons à réveiller la conscience. Avec ses mythes et ses héros, la Grèce a inspiré l’Occident. A l’échelle de l’organisation de ces Jeux olympiques 2024, nous allons voir que c’est la liberté, la fraternité qui ont permis l’union harmonieuse des hommes, les uns aux autres, puis à l’échelle de l’Etat, nous avons l’humanité structurée et consolidée: dépassement et responsabilité.
Voici à présent la question que je me pose: dans quelle mesure les résultats de ces 64 dernières années et surtout les méthodes de la politique peuvent-elles servir à notre connaissance de l’Homme congolais?
La deuxième réalité : la célébration de notre indépendance
Pour réussir comme les organisateurs des jeux olympiques 2024 ont réussi, il faut avoir le culot de développer le sens d’aller plus loin. Cet atout peut s’acquérir, en libérant l’esprit par le mépris du corps en vue d’un perfectionnement intellectuel ou moral. Croyez-le, ça sert pour réussir dans le développement du pays. De ce que j’ai entendu du discours du Président de la République, à l’occasion de son adresse à la Nation, au-delà de la jeunesse, l’acteur politique, l’acteur de la société civile, le citoyen doivent se préparer à goûter l’ivresse de la responsabilité, en apprenant à être vertueux.
Et l’Etat dans tout ça? Pour une société nouvelle, libre et responsable, cela doit commencer par les dirigeants. Un dirigeant n’est ni philosophe, ni sociologue, ni chef d’entreprise, il est un praticien de l’autorité de l’exemplarité qui doit toujours s’efforcer de placer les relations humaines au cœur de son engagement politique au service du Congo et de ses compatriotes.
Dans cette deuxième réalité, qui constitue l’indépendance de notre beau pays, il est intéressant que l’Homme congolais reparte à sa découverte. Dès cet instant, chacun peut appréhender, à son échelle, les tendances majeures qui peuvent redéfinir le paysage congolais du 21ème siècle, certainement dans une société plus apaisée, loin du tribalisme, de la corruption.
Dans l’invite de la responsabilité, l’une des attitudes les plus scandaleuses de la République concerne l’impunité. Dans une société responsable, tout le monde doit rendre compte de sa politique, de sa gestion, de son civisme. Pour afficher une attitude responsable, l’homme (ou la femme) doit d’abord être raisonnable, réfléchi. Dans une République responsable, le citoyen doit avoir sa place. En 1960, lorsque nos aînés revendiquent l’indépendance, les Congolais avaient bon espoir que cette vision se définit, et doit se définir ainsi qu’il suit:
Le pluralisme du pouvoir garantit la liberté. Mais la liberté ne doit pas être l’anarchie, pas plus que l’exercice du pouvoir ne doit conduire à l’impuissance. Le progrès démocratique ne débouche pas sur le désordre, mais sur un équilibre supérieur: celui de l’ordre dans la liberté et la responsabilité.
Forcément, le sens de la responsabilité et du devoir fera sortir le pays de l’abêtissement de la classe politique: la responsabilité, c’est la voie vers soi et vers les autres. Systématiquement, c’est une voie qui conduit vers les valeurs de la tolérance mutuelle et surtout vers l’influence du positivisme dans la pratique politique.
La mythologie grecque, berceau de la démocratie, pose les éléments qui font de la politique, l’art de gérer la cité. Cette affiliation, légendaire, a, avant tout, une forte influence sur le développement. L’indépendance permet de s’instruire selon le processus politique pour ceux et celles qui s’engagent dans le vie politique. L’indépendance, ce n’est point un roman policier. C’est une histoire vraie d’amour. Elle répond au vieux rêve des hommes de créer la cité idéale. On en a vu plusieurs exemples au 19ème siècle.
Le dépassement
Après 64 ans d’indépendance, qu’est ce qui nous manque de vivre dans une République créée, conçue pour vivre ensemble, en paix, le mieux? J’y vois le sens de l’effort. Mais également le besoin d’écouter, de comprendre son adversaire. Cet exercice détermine le sort de la Nation. Il ne faut pas voir en elle une entité qui peut détruire, mais un ensemble qui nous challenge. Cette confrontation crée l’émulation. Si un mot devait résumer tout ça, ce serait le dépassement.
Quand on se dépasse, on atteint le sommet de ce qu’on est, de l’humanité qui est en chacun. L’adversité pousse à se battre, à se dépasser, à se confronter et à aimer la difficulté. Quand on se dépasse, on entre dans l’infini. Quand on se dépasse, on améliore ses performances. Depuis 1958, les Congolais vivent avec cette idée sans lui donner corps.
Quand ils ont découvert le livre rouge, ils ont jugé important de défendre le monopartisme. La liberté, la diversité, le pluralisme ont été l’objet d’attaques répétées. Entre 1963 et 1990, près de 30 mille Congolais ont été victimes de l’intolérance politique. A cette époque, l’armée servait à prendre le pouvoir. Dès 1989, les Congolais ont vécu, dans cette envie de rassembler ce qui est épars, qui est probablement la force tant recherchée.
Le propos de mon article n’est pas de refaire l’histoire de la Conférence nationale souveraine, mais d’éclairer sur cette capacité à trouver cet équilibre subtil qui fera qu’une «République Responsable» puisse émerger. Nous devons travailler, entre autres tâche, à la réalisation de l’idéal républicain: réunir les hommes et les femmes de bonne volonté qui désirent améliorer l’homme et la société. Vaste projet? C’est ce qu’on appelle la responsabilité, une utopie sans laquelle l’action serait vaine. En 1991, il s’était passé quelque chose dans la profondeur des pays. Mais, on a raté cet élément de dépassement. Est-ce compréhensible? C’est la responsabilité qui le réhabilite.
Pour atteindre les objectifs de la démocratie et donc du développement, il faut en finir avec la tempête nationale. De par sa définition, la tempête ne construit pas les ponts, elle détruit tout sur son passage. A force de semer le vent, le Congo s’expose à la tempête. «Toute Conscience est conscience de quelconque», disait Jean -Paul Sartre. Dans la foulée, on peut ajouter qu’il n’y pas conscience sans visée de quelque chose. Parmi les exemples de tolérance pratique, la déclaration de la Conférence nationale souveraine, signée avant l’opération des lavements des mains. Cette vertu de base, qui ouvre le dialogue et facilite la communication, demande une bonne connaissance de soi, pour aller au-devant de son prochain et savoir l’écouter, afin de favoriser les échanges d’idées fructueux, sans que les discussions ne dégénèrent. C’est le propre de l’exercice politique.
Aujourd’hui et demain, il faut peut-être réfléchir sur un accord de stabilisation pour préparer les prochaines échéances électorales. Nous sommes tous dans le même bateau. Telle doit être notre devise. Un message simple d’amour, de solidarité, de responsabilité, dans le Congo si divisé, qui doute.
Joseph BADILA