Il y a trente ans, le Rwanda connaissait une guerre civile sanglante et épouvantable, entre les communautés ethniques tutsi et hutu qui composent sa population, en plus des twas. L’horreur du génocide rwandais, qui a anéanti principalement à coups de machettes, la vie de plus de huit cent mille tutsis, entre avril et juillet 1994, face à la passivité du monde occidental, est raconté dans deux romans écrits par des victimes. Il s’agit de l’écrivaine franco-rwandaise, Scholastique Mukasonga, avec son ouvrage, «La Femme aux pieds nus» ainsi que Gaël Faye, auteur de «Petit Pays». Malgré le temps qui court, difficile pour les victimes d’oublier la cruauté de cet événement qui a ébranlé ce pays.
Scholastique Mukasonga affirme être devenue écrivaine «par devoir de mémoire». Cette mémoire est celle d’elle-même, de sa famille et de ses ancêtres, dont l’histoire a été divisée en deux par le génocide de 1994. Dans son roman, elle raconte ses souvenirs d’enfance, la déportation de sa famille et de nombreux autres tutsis vers la montagne hostile de Nyamata, près de la frontière avec le Burundi, et la lutte de ces «exilés intérieurs», pour survivre, malgré les persécutions et les massacres répétés qu’ils ont subis.
Sa mère a été massacrée ainsi que 26 autres membres de sa famille. Puis, elle a réussi à se réfugier en France. «Il m’a fallu dix ans pour trouver la force de rentrer chez moi, au Rwanda (…) Mais, quand je suis finalement revenue, je n’ai trouvé personne. C’est alors que j’ai réalisé que j’étais le seul souvenir de tous ceux qui avaient été exterminés dans ma ville», a-t-elle affirmé au cours d’une conférence.
De son coté, Gaël Faye a plusieurs vies. Avant de remporter le Prix Goncourt des lycéens avec son roman «Petits pays», il était rappeur et entrepreneur à Londres, au Royaume-Uni. Mais, avant tout cela, c’était un garçon de 11 ans qui s’est enfui du Rwanda, en plein massacre de 1994. Après le génocide, il s’est régulièrement rendu dans son pays, pour rendre visite à sa famille. Dans ses notes, l’auteur franco-rwandais écrit: «Le pays que j’ai connu n’est jamais revenu et ne reviendra jamais, alors mon personnage dit: Je ne suis pas exilé de mon pays, je suis exilé de mon enfance, ce qui est bien plus cruel».
Le dimanche 7 avril dernier, des milliers de personnes et une douzaine de Chefs d’État dont le Congolais Denis Sassou-Nguesso, étaient présents à la célébration du 30ème anniversaire du génocide rwandais, à Kigali. «Aujourd’hui, nos cœurs sont remplis à parts égales de chagrin et de gratitude. Nous nous souvenons de nos morts et nous sommes également reconnaissants pour ce que le Rwanda est devenu», a déclaré le Président rwandais, Paul Kagame, lors de son discours au stade couvert BK Arena de la capitale. Le Président Kagame s’est montré très critique à l’égard de la communauté internationale et du rôle joué par les Nations unies lors du massacre. «Ces soldats de l’Onu déployés au Rwanda n’ont pas laissé tomber notre pays. C’est la communauté internationale qui nous a tous laissé tomber, que ce soit par indifférence ou par lâcheté», a-t-il souligné.
Roland KOULOUNGOU