La démocratie et son pluralisme politique, les médias classiques et sociaux, la société civile et son engagement citoyen, autant de facteurs qui concourent à la formation de l’opinion publique, grand thermomètre de l’état des relations entre gouvernés et gouvernants. Alors, peut-on gouverner en démocratie pluraliste sans tenir compte de l’opinion publique? Que nenni! Bien sûr, les gouvernants ne sont pas là pour se laisser conduire du bout du nez par ceux qu’ils dirigent. Mais non plus, ils ne sont pas là pour dicter leur loi, faire comme bon leur semble. Autrement, c’est la dictature qui n’a pour seul moyen de survie que de recourir à la force.
Autant dire que gouverner, en démocratie pluraliste, est un exercice d’équilibriste. Le gouvernant doit savoir comment tenir compte de l’opinion publique, tout comme il doit savoir s’imposer et faire respecter son autorité. Savoir équilibrer en démocratie pluraliste est l’un des principes cardinaux de la gouvernance publique. La sortie médiatique du ministre de l’intérieur, notamment ses propos sur le contrôle d’identité à partir de 21h, condamnant les citoyens non détenteurs de cartes d’identité comme d’ordinaires délinquants devant être immédiatement mis aux arrêts, donc privés de liberté, vient de démontrer l’importance de ce principe cardinal. Les réactions suscitées par ces propos témoignent non seulement de l’indignation de l’opinion publique, étant entendu que la majorité des citoyens congolais ne dispose pas de pièces d’identité, mais encore de la sensibilité d’une opinion publique à ce qui paraît comme une injustice. Le gouvernement est responsable en ce qui concerne la dotation en cartes d’identité des citoyens congolais qui arrivent à l’âge majeur. S’en soucie-t-il?
Le drame est qu’avec la démocratie et son pluralisme politique, la gestion de l’Etat-civil est tombée, depuis, dans un enjeu électoraliste sordide. C’est un secret de Polichinelle que la compétition électorale conduit parfois ou souvent, à donner des coups bas aux adversaires. Réduire l’électorat de l’adversaire, en empêchant ses potentiels électeurs à accomplir leur devoir civique et augmenter son propre électorat en délivrant des cartes d’identité à des étrangers et même en plusieurs noms à ses électeurs font partie de ces coups bas auxquels se livrent les acteurs politiques depuis que le pouvoir doit sortir des urnes. Ainsi, la carte d’identité est devenue prisonnière de cet enjeu, avec comme conséquence de priver nombre de citoyens de ce qui est leur droit. Se faire établir une carte d’identité étant devenu un tortueux parcours du combattant.
A quelque chose malheur est bon, peut-on dire. Ayant pris bonne note de l’indignation de l’opinion publique, le Ministère en charge de l’intérieur a publié, cette semaine, un communiqué qui rassure les citoyens. Il indique les endroits où ils peuvent se faire établir la carte d’identité nationale. Tant mieux, le gouvernement se rappelle à son devoir de doter les citoyens de cette pièce fondamentale qui marque leur appartenance à la communauté nationale. De telle sorte que s’il dit qu’à partir de 21h, chacun doit se promener avec sa carte d’identité, personne ne va s’en indigner, puisque ceux et celles des citoyens et citoyennes en âge de l’avoir l’auront eu.
L’HORIZON AFRRICAIN