Le 16 décembre 2018, le Séminaire Saint Pie X de Makoua, dans le Département de la Cuvette, célébrait son 65ème anniversaire. L’archevêque d’Owando, Mgr Abagna Mossa y présidait cette messe d’anniversaire, au cours de laquelle il a prononcé une homélie axée sur la lutte contre les anti-valeurs. La valeur de ce texte reste et restera encore longtemps d’actualité et à la demande de certains lecteurs, nous publions l’intégralité de cette homélie mémorable
Pèlerins de Saint Pie X et vous tous amis de cet établissement, fidèles chrétiens de la Paroisse Saint-Pierre de Makoua, chers tous bien-aimés de Dieu, que la paix de Dieu qui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer soit avec vous!
Avec vous, pour vous, je voudrais d’abord dire merci à ceux qui vous ont permis de réaliser ce voyage. Que le Dieu d’amour les bénisse et les comble encore selon sa volonté. Laissez-moi aussi vous exprimer toutes mes félicitations. En réalité, vous êtes venus ici en vrais pèlerins: dans un contexte difficile de notre histoire congolaise, comment avez-vous osé faire près de 800 kilomètres, laissant loin de vous vos familles! Comment vous êtes-vous engagés dans ce voyage sans assurance de faire la fête, comme on l’aurait fait en des occasions de ce genre! Aussi, suis-je convaincu: votre voyage est réellement un pèlerinage.
Autrement, qu’êtes-vous venus faire ici à Makoua en pensant à Saint Pie X: voir la ligne de l’équateur qui traverse cette ville? Qu’êtes-vous venus chercher! Cette lumière légendaire qui donne on ne sait quel attrait à ce poste-carrefour? C’est bien un pèlerinage qui vous a conduits pour vous tourner vers l’apôtre Saint-Pierre et vers le Saint Pape Pie X.
Grâce à ces deux saints, nous commençons par rencontrer Celui auprès duquel, à un bel âge, nous avons reçu une éducation dont nous sommes fiers aujourd’hui. Qui donc est-il Celui-là! …Jésus Christ… C’est Lui qui a dit un jour à Pierre: «Tu es Pierre et sur cette pierre, je construirai mon Eglise…». Et puis, c’est encore lui qui a envoyé ses disciples disant: «Allez par le monde entier, de toutes les Nations, faites des disciples, apprenez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit». C’est Lui Jésus-Christ qui a choisi et envoyé des hommes, comme le Père Ollichet, le Père Bergeron, le Père Veyrand, le Père Paul Ondia, le Père Paul Mopiako et d’autres et les a envoyés au Séminaire Saint Pie X.
C’est Lui qui les animait, les inspirait, leur donnait force, sagesse, persévérance. Grâce à ces éducateurs, celui qui sort de Saint Pie X est appelé à devenir Témoin de Jésus Christ dans sa famille, dans son quartier, dans sa ville, dans son pays. Témoin de l’éthique, témoin de la droiture. Oui, à Saint Pie X, nous n’avons pas appris à voler, à tricher. Mais, nous avons appris à être honnêtes. A Saint Pie X, nous n’avons pas appris à tricher. On nous a appris à travailler, à fuir la paresse.
A Saint Pie X, on ne nous a pas appris à brûler les valeurs de nos ancêtres. On nous a appris, avec les valeurs de l’Evangile, à respecter les valeurs de nos ancêtres. Par exemple, les ancêtres ne comprendraient pas que moi, sorcier, aille faire du mal dans une autre famille que la mienne.
A Saint Pie X, on ne nous a pas appris à vivre dans l’égoïsme, mais à partager. Vous souvenez-vous du mot «chingler»! Le premier à se servir à table devait penser au dernier qui devra avoir une part aussi bonne que la sienne.
L’ancien de Saint Pie X n’a pas à attendre que le bien soit fait par les autres. Il est appelé à être lumière du monde et sel de la terre.
Combien sommes-nous sortis de Saint Pie X? Des centaines! Combien de cadres sont le fruit de Saint Pie X? Des centaines! Il y a cinq ans, dans la cour même du Séminaire Saint Pie X, je criais contre les anti-valeurs. Il y a des personnes qui sont sorties choquées de mes paroles. Et pourtant! Si à cette époque-là, le Congolais s’était dit: «Un envoyé de Jésus a dénoncé mon mal, il faut que je m’en débarrasse!», nous n’y serions pas revenus en ces derniers temps.
Aujourd’hui encore, nous nous plaignons: que de mauvais comportements! Dans quel groupe ethnique des jeunes pouvaient sans gêne aller dans la rue blesser, tuer et se donner des noms: kata-kata; américains et que sais-je! Le matanga était un moment de penser au mort, de chercher à consoler la famille attristée. Aujourd’hui, des jeunes vont chercher à danser nu(e)s devant la famille éplorée. Qui sommes-nous? Où allons-nous?
A Saint Pie X, on nous a appris à respecter toute vie! Même celle qui est encore dans le ventre de sa mère. A respecter les vieux!
A Saint Pie X, on nous a appris à aimer la Nation: Jésus a demandé à Pierre d’aller payer l’impôt pour tous les deux, après avoir vendu le poisson qu’il aura pêché. Combien de Congolais aiment le Congo? Combien? Anciens de Saint Pie X, vous n’aimeriez pas le Congo? Congo, notre mère, souffre quand ses enfants oublient cette maman pour ne penser qu’à leur ventre.
Anciens de Saint Pie X, as-tu oublié que l’argent n’est rien qu’un moyen? Il ne faut pas en faire ton maître. N’en deviens pas esclave. C’est le moyen dont Satan se sert, pour dominer le monde. Que des fois nous avons travaillé cette rédaction ou cette dissertation: «L’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître».
Mon frère, ma sœur,
Aujourd’hui, à cause de l’argent, n’es-tu pas devenu(e) esclave, foulant aux pieds l’éthique, la morale? Anciens de Saint Pie X, pouvons-nous nous engager à relever Congo notre mère? En quoi faisant?
Hier, quand un élève entrait en France avec le niveau de Troisième, il entrait en Troisième. Aujourd’hui, on lui demande de reprendre la Sixième. Pourquoi? Quels cadres formons-nous aujourd’hui? Que de bons cadres nous avons pourtant au Congo! Où sont-ils, que font-ils? Pourquoi ne voit-t-on pas leur touche, leur empreinte?
En ce troisième dimanche de l’Avent, la Parole de Dieu nous demande pourtant de pousser des cris de joie. Fille de Sion! (Eglise) tressaille d’allégresse! «Le Seigneur est en toi, tu n’as plus à craindre». «C’est lui le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse».
Frères et sœurs,
Le Messie promis vient. Comment l’attendons-nous. Avons-nous ce désir en nous qu’il vienne, qu’il s’installe chez nous? Trouvera-t-il une place en nos cœurs? Nos cœurs ne sont-ils pas encombrés par l’égoïsme, l’avidité, la haine, l’envie, la jalousie, le mépris des autres, la calomnie, le mensonge? Comment le Messie peut-il trouver en toi une place?
A Saint Pie X, nous venions de Ouesso, de Souanké, d’Impfondo, de Lékana, de Djambala, de Liranga, de Mossaka, de Lékéty, de Kellé, de Makoua, d’Owando… et jamais il n’y a eu de divisions dans le séminaire. En groupe, on parlait français, afin que tous comprennent. On était des frères. On ne cherchait pas à savoir si on était kouyou ou mbéti, ou ngaré, ou makoua. Tous, on se savait appelé enfant de Dieu, dans l’unique famille dont Jésus-Christ est l’aîné d’une multitude. Nous apprenions à vivre dans la paix et l’unité, dans la fraternité. Que c’était beau de vivre ensemble, chacun apportant ses valeurs, pour les partager aux autres.
Aujourd’hui, il y a des mauvais cadres qui rendent mal, parce que sans niveau et placés là, parce que c’est mon neveu, ma nièce, c’est de ma famille. Ceux qui le font n’aiment pas Congo, notre Mère.
Revenons à la Parole de Dieu. Elle nous demande de ne pas craindre. Avec Dieu, le Messie qui vient, pouvons-nous donner de l’espoir à Congo, notre Mère? Pouvons-nous changer de comportement? Est-ce que nous allons rechercher la droiture, la morale dans ce que nous faisons? Avez-vous entendu cette autre Parole du prophète Sophonie: «Le Seigneur, ton Dieu, est en toi. C’est Lui le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse. Il te renouvellera par son amour»?
En ce temps de l’Avent, nous disons, viens Seigneur! Pourtant, ne l’oublions pas: ce Jésus n’est-il pas le même, au milieu de ce peuple réuni? N’est-il pas le même dans sa Parole? N’est-il pas là dans sa divinité, dans son humanité dans le Pain que nous recevons? Et pourtant! Alors, qu’y a-t-il dans nos cœurs, pour que Dieu ne nous renouvelle pas?
Saint-Paul aussi nous supplie: «Soyez toujours dans la joie; ne soyez inquiets de rien. Mais, en toute circonstance, dans l’action de grâce, prions et supplions pour faire connaître à Dieu nos demandes».
Encore quelques jours et c’est Noël. Que sera ce Noël 2018? Qu’allons-nous produire de bon en tant que disciples de Jésus-Christ, qu’allons-nous présenter à Congo, notre Mère, nous qui appelons de toutes nos forces le Messie? Saint-Jean nous invite au changement. Nous ne pouvons pas accueillir le Messie, si nous ne nous convertissons pas. Et ce changement concerne tout le monde. Tous les hommes, à tous les niveaux, doivent se convertir, changer de vie. Le soldat, comme le fonctionnaire, l’infirmière comme l’enseignant, l’étudiant comme l’élève. Se convertir, changer de vie et accueillir en vérité Jésus-Christ qui, trop souvent, est debout à nos portes, à la porte de notre cœur, attendant que nous lui ouvrions la porte. Alors, il nous donnera sa joie et sa paix. Pèlerins de Saint Pie X, amis de Saint-Pierre, bon pèlerinage!