Certains partis d’opposition à l’instar du M.r (Mouvement républicain) de Destin Gavet qui n’est ni à l’opposition politique ni à la Fédération de l’opposition congolaise voire au Collectif des partis d’opposition, s’est exprimé sur les relations franco-congolaises depuis l’indépendance, à l’occasion du bref séjour du Président français Emmanuel Macron à Brazzaville, le vendredi 3 mars 2023. Dans une déclaration au vitriol, le jeune opposant accuse les français de torpiller la démocratie dans les pays africains. «En 1997, le processus démocratique au Congo a été interrompu avec la complicité d’une compagnie pétrolière française, Elf, sous la bénédiction de l’ancien Président français Jacques Chirac», a-t-il, déclaré.
Pour Destin Gavet, la cassure de 1997 a plongé la démocratie congolaise dans une impasse. «Cette implication directe d’Elf et de l’ancien Président français, Jacques Chirac, dans les affaires internes d’un pays souverain, est la conséquence absolue de la souffrance de la population congolaise, depuis 26 ans. L’année 1997 a marqué la fin de la démocratie au Congo et l’installation d’une tyrannie. Toutes les élections organisées depuis lors sont une mascarade, car le respect et la volonté du choix du peuple congolais n’est pas observé», soutient-il.
«Pour illustration, l’élection présidentielle de 2016 laquelle, jusqu’à ce jour, est l’exemple de la volonté du peuple de tourner la page P.c.t, a laissé un souvenir sombre dans la mémoire collective. En effet, deux anciens candidats sont à la maison d’arrêt de Brazzaville, depuis bientôt dix ans, en l’occurrence le général Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi-Salissa. Celle de 2021 ne demeure pas moins sombre, car deux anciens candidats y sont décédés, Guy-Brice Parfait Kolélas et Albert Oniangue», rappelle-t-il.
L’opposant en conclut que «faire la politique au Congo pour le compte de l’opposition est un véritable risque, du moins être candidat à l’élection présidentielle face au candidat historique de P.c.t est synonyme de danger de mort ou d’emprisonnement», ajoute-t-il. «Nous suivons avec une attention particulière les débats sur la réforme des retraites en France; nous constatons que la liberté d’expression s’exerce au sein de la classe politique, notamment à l’hémicycle et au sein des mouvements citoyens et syndicaux; que c’est magnifique d‘exercer la politique et d’exprimer son opinion dans un pays démocratique», pense-t-il.
Mais au Congo, la situation est préoccupante. S’adressant au Président Emmanuel Macron, à l’occasion de sa visite à Brazzaville, capitale de la France-Libre, Destin Gavet lui signale: «Vous êtes conscient de la souffrance qu’infligent les dirigeants congolais à l’endroit de notre population; vous êtes au courant de la dégradation du niveau de vie des populations congolaises et bien d’autres maux. Monsieur le Président, votre élection à la tête de la République Française était bien accueillie par la jeunesse africaine. Cette jeunesse voyait en vous un modèle de rupture de la France-Afrique. Hélas, ses attentes se sont volatilisées».
«Les bouleversements qui se font en défaveur de la France en Afrique de l’Ouest devraient vous alerter sur le besoin actuel de la jeunesse africaine d’obtenir une liberté totale et de s’approprier son destin», soutient-il.
«L’histoire politique de notre pays prouve à suffisance comment la pression populaire peut faire tomber un régime. Ici, nous faisons allusion à la chute brutale de l’abbé Fulbert Youlou, lors de la révolution des trois glorieuses favorisées par le non soutien de la France; l’histoire peut toujours se reproduire, car on n’invente pas la roue. La France doit comprendre que la jeunesse congolaise connaît le rôle qu’elle joue pour soutenir le régime en place à demeurer au pouvoir contre la volonté du peuple», précise-t-il. «C’est la France qui aide le Congo, malgré sa mauvaise gouvernance, sa gestion opaque et ses nombreux scandales financiers; c’est la France qui plaide auprès des institutions financières internationales en faveur du régime de Brazzaville, pour que ce dernier continue de bénéficier des prêts financiers et aides de tout genre», relève-t-il.
«Monsieur le Président, nous ne disons pas que l’échec sur la gestion catastrophique de notre pays revient exclusivement à la France. Nous voulons plutôt dire que la France, par sa position stratégique et ses liens historiques avec le Congo, joue un rôle de pérennisation de ce système vomis par le peuple congolais. La France se comporte comme ce sapeur-pompier, quoiqu’ayant de quoi éteindre l’incendie, se contente d’observer la maison prendre feu ou encore comme ce médecin capable de stopper l’hémorragie, mais préfère assister ce patient se vider de son sang jusqu’à mourir. Oui Monsieur le Président, le Congo se vide de son sang, le Congo est en train de mourir», constate-t-il.
«Monsieur le Président, parce que le peuple congolais est privé, depuis 1997, de sa souveraineté de choisir librement ses dirigeants, la gouvernance électorale étant confisquée par le parti au pouvoir, en vue du refus de l’alternance politique et de la conservation du pouvoir, afin de s’accaparer des énormes potentialités en ressources naturelles, des recettes pétrolières chiffrées en milliards au détriment du peuple congolais qui n’a pas accès au développement et croupit dans la pauvreté, la misère et la précarité», a-t-il souligné.
Signalons tout de même que dans sa conférence de presse du lundi 27 février 2023 au Palais de l’Elysée, à Paris, Emmanuel Macron a répondu aux interrogations soulevées par Destin Gavet. Désormais, il «n’y a plus une politique africaine pour la France, il faut renforcer ce que nous faisons et relevé les défis», a dit le Président français. Il l’a confirmé dans son discours à Brazzaville: «Il faut assumer nos échecs et nos succès et passer à une logique solidaire de partenariat». Face à ces exigences des jeunes acteurs politiques et à la perte de ce qu’Emmanuel Macron appelle «pré-carré», la France change de stratégie, pour «bâtir des relations responsables». Avant de quitter Brazzaville, dans un discours devant la communauté française, Emmanuel Macron a réaffirmé son ambition de «dépoussiérer» la relation avec l’Afrique, en souhaitant que «l’amitié» avec le Congo s’appuie sur les pages «glorieuses» de leur histoire commune, «pour bâtir des pages nouvelles, réinventées».
Propos recueillis par Chrysostome
FOUCK ZONZEKA