Dans le cadre du 66ème anniversaire de la République du Congo, Maître Charles Anicet Poaty-Amar, avocat au Canada, a animé un point de presse, lundi 9 décembre 2024, à l’Hôtel Saphir, à Brazzaville. Il a apporté un son de cloche différent à cet anniversaire, en faisant le plaidoyer de la Constitution du 15 mars 1992 issue de la Conférence nationale souveraine et qui, à ses yeux, «l’acte fondateur par excellence de la République du Congo». Il aboutit à cette conclusion, après avoir critiqué la proclamation de la République en 1958 et l’indépendance en 1960 qui, pour lui, ne furent que des «leurres». Le point de presse s’est déroulé en présence de plusieurs jeunes.
Maître Charles Anicet Poaty-Amar a d’abord indiqué que «le 28 novembre 2024, pour la quatorzième fois consécutive, le pays a célébré cette journée comme celle de la République. Cette célébration est attachée à la proclamation faite le 28 novembre 1958. De la même façon que l’indépendance proclamée le 15 aout 1960 n’avait pas rendu le Congo indépendant, la République proclamée le 28 novembre 1958 n’était qu’un leurre de la part d’un empire qui ne voulait pas mourir».
«Avant de continuer mon propos, à l’endroit de ceux qui ont vécu les événements de 1958 et 1960 et qui ont gardé à juste titre des souvenirs émouvants, je tiens à rappeler que lorsque l’on assiste à un spectacle de magie, l’on voit bien ce que l’on voit, mais ce que l’on voit n’est pas vrai. L’on voit le magicien couper un homme en deux puis le recoller. Nous le voyons bien, mais nous savons que ce n’est pas vrai, parce que les images ne résistent pas au filtre de la raison. L’interprétation donnée aux événements de 1958 et 1960 ne survit pas à l’analyse critique», a-t-il dit dès l’entame de son point de presse.
«En Afrique de l’Ouest, les peuples qui ont subi les mêmes mésaventures que nous, en 1958 et 1960, règlent aujourd’hui leurs comptes avec la France, en se réappropriant le destin qu’on a tenté de leur voler par des manœuvres dolosives. C’est dans cet esprit qu’il y a quelques jours, sachant que les accords de défense de 1960 avec la France remplaçaient le joug colonial, le Sénégal a décidé du départ des troupes françaises qui s’y trouvent sur la base desdits accords. Le Mali et le Niger avaient pur et simplement dénoncé ces accords. Le Tchad vient de leur emboiter le pas», a-t-il fait savoir.
«La République du 28 novembre 1958, née le même jour que la République du Tchad, avait des liens de consanguinité avec celles de toutes les anciennes colonies françaises d’Afrique, qui sont toutes nées la même année. Elle est, dit-on, une République congolaise. Mais, elle avait été proclamée par un Français de métropole, le même qui avait présidé l’assemblée qui a donné au territoire, le nom de République du Congo… La proclamation elle-même avait été promulguée par un autre Français de métropole. Le drapeau de la République du 28 novembre 1958 était le drapeau bleu, blanc, rouge. Son hymne était «La Marseillaise». Sa devise était la devise française: «liberté, égalité, fraternité», a-t-il rappelé.
«La délibération 112/58, adoptée au bout d’une trentaine de minutes de débat, par des élus, tous français de fraîche date, avait pour base la Constitution française. Elle portait, en outre, trois visas, une loi et deux décrets français. C’était la première fois au monde qu’une République était créée de cette façon. De surcroit, par des étrangers. D’ailleurs, cette République, comme ses sœurs jumelles des autres colonies françaises d’Afrique, n’avait pas été enregistrée aux Nations unies, comme le font les nouveaux Etats», a-t-il ajouté. «La République du 28 novembre 1958 était, pour reprendre le mot de Charles de Gaulle, un «machin» français», a-t-il dit.
«Dans les décennies perdues entre 1940 et 1960, désespérée, la France a utilisé sa langue comme l’arme ultime contre des populations illettrées et des dirigeants moyennement instruits. Les mots n’avaient pas la même signification quand ils leur étaient destinés. Les mots «état», «république», «constitution», «civilisation», «indépendance», «communauté», «égalité», «liberté», «la fraternité», «humanité», ont été employés à tort et à travers. Les locutions «communautés financière africaine» et «coopération illimitée» relatifs aux accords sur le franc Cfa relève, tous, de la pratique de parler pour ne rien dire. Ces malentendus linguistiques, comme un G.p.s en panne, expliquent certains de nos malheurs dans le rapport avec nous-mêmes et dans les relations avec les autres», a-t-il affirmé.
«Le préambule de la Constitution du 12 mars 1992 intègre, pour la première fois, les principaux textes internationaux relatifs aux droits de l’homme et rappelle les objectifs et les principes convenus à la Conférence nationale souveraine. Il reprend l’abjection que les Congolais avaient exprimée à l’égard de l’emploi de la violence en politique», a-t-il rappelé. «La Constitution du 12 mars 1992 matérialisait l’entente des Congolais à l’effet que tous ceux qui avaient l’âge de voter avaient le droit de choisir librement et directement leur premier représentant, le Président de la République», a-t-il fait savoir.
Répondant aux journalistes, Maître Poaty-Amar a déclaré que «la Constitution du 15 mars 1992 est l’acte fondateur par excellence de la République du Congo. L’histoire de notre pays a suivi son cours». Elle «a été abrogée d’un trait de plume. C’est un papier qui a été brûlé. Mais, l’esprit qu’il renfermait reste vivant dans la mémoire et le cœur des hommes. La République ne meurt jamais. La République nous regarde impatiente de revivre. Il échoit à la nouvelle génération de consolider les acquis de la Conférence nationale souveraine et d’enrichir son logo sous la forme d’une nouvelle République. La vie est un combat. Parfois, on n’a pas les résultats que l’on souhaite, mais on n’abandonne jamais. On se redresse, moralement, intellectuellement et physiquement, et on repart au combat. La noblesse de la cause de la République n’autorise pas de la laisser pour compte. Nous n’abandonnerons jamais la République. Du haut de cette tribune, à Brazzaville, je proclame l’année 2025, «année de la nouvelle génération».
«La nouvelle génération va créer la nouvelle République, un nouveau pacte entre Congolais. La nouvelle République sera celle des droits économiques et sociaux concrets, cette qui protègera le pouvoir d’achat des personnes et des familles contre les assauts du gouvernement, celle où le Congo cessera d’être le cimetière des entreprises et des rêves des entrepreneurs, celle où l’allocation chômage deviendra un droit recouvrable, celle où l’on veillera à ce que le taux des prélèvements obligatoires demeure respectueux de la propretés privée».
Propos recueillis par Chrysostome
FOUCK ZONZEKA