En promettant d’examiner la question avec son collègue du Ministère en charge des finances, la ministre de l’économie forestière, Mme Rosalie Matondo, voudrait, sans doute, apporter des solutions durables à l’éternelle question de réparation des dégâts causés par les éléphants. La ministre Matondo est ainsi attendue sur le terrain de la pratique. Député P.c.t (Majorité) élu dans la circonscription de Mbon, dans le Département des Plateaux, Alphonse Gantsélé, est l’un des rares parlementaires à poser le problème de l’indemnisation des victimes d’éléphants de manière claire et précise à l’Assemblée nationale. C’était le vendredi 10 novembre 2023, lors d’une séance des questions orales au gouvernement, à l’assemblée nationale.
Le District de Mbon est d’une importante richesse faunique constituée de plusieurs espèces dont les éléphants qui dévastent les cultures, quitte à affamer ses quelques quatre mille habitants. Le district est, cependant, loin d’être le seul endroit au Congo à faire les frais des incursions des pachydermes. Du Kouilou à la Likouala en passant par le Niari, la Lékoumou, la Bouénza, les Plateaux et la Sangha, la difficile cohabitation entre humains et éléphants dans les départements est, désormais, une affaire nationale. Partout, l’absence d’indemnisation est toujours vivement décriée.
Pourtant, le décret 86-970 du 27 septembre 1986 définit bien les barèmes d’indemnisation des cultures. Et il suffit de suivre la procédure. «Quand vous êtes victimes d’un tel cas, vous saisissez l’autorité locale qui est le sous-préfet. Ce dernier informe à son tour la préfecture qui instruit la Direction départementale de l’agriculture et celle de l’économie forestière. Les deux effectuent une descente conjointe pour aller constater et évaluer les dégâts. L’évaluation quantitative et qualitative est du ressort de la Direction de l’agriculture qui dresse un procès-verbal de constat. Ce procès-verbal est signé par la victime et les deux directions. Le procès-verbal est ainsi soumis à la Direction départementale de l’économie qui doit le transmettre au Ministère de l’économie forestière», a expliqué Guy Franklin Okandza, directeur départemental de l’agriculture au Kouilou.
Ce qu’a confirmé l’administration forestière. «Voici un rapport de 2018, dans le Département du Pool, notamment au village Mbouambé-Léfini. Le document décrit et énumère les cultures détruites de tous les habitants du village. Le total fait 21 millions de francs Cfa. Le rapport a été transmis à notre Ministère de tutelle», a confié Renault Kiyengué, directeur départemental de l’économie forestière au Kouilou.
Et pourtant, le bât continue de blesser dans les villages, tant les indemnisations tardent à tomber. En 2009 par exemple, dans le Département du Kouilou, il y a eu compensation des cultures détruites en 2006, 2007 et 2008. Mais, nuance un habitant du village Tandou-Ngoma, dans le District de Nzambi, «c’était à des fins électorales, car c’était l’année de l’élection présidentielle. C’était une simple opération de charme destinée à apaiser la colère des populations».
Pour le député Gantsélé, trop, c’était déjà trop. Il fallait donc des réponses idoines. Et le secrétaire de la Commission plan, aménagement du territoire et infrastructures de l’Assemblée nationale en a eu quelques-unes. «Nous avons institué des mécanismes d’indemnisation in situ appelés «assurances indemnisation» dans le cadre du budget alloué à la conservation. Tel est le cas du Parc Odzala-Kokoua et Nouabalé-Ndoki. Avec mon collègue des finances, nous avons mis en place une équipe conjointe qui va travailler pour nous proposer des mécanismes d’indemnisation tels que des caisses d’indemnisation in situ pour se rapprocher de plus en plus des communautés», a répondu la ministre de l’économie forestière, Rosalie Matondo.
Mais, si le député Alphonse Gantsélé s’est dit satisfait de la réponse, les populations elles, ont besoin de concret. «Loin de douter de la sincérité de Madame la ministre, je dois avouer que c’est du déjà entendu. Nous attendons les résultats», a indiqué, au téléphone, un habitant du village Mvandji, dans le District de Nzambi. «Les doutes des populations sont en réalité légitimes. Il se pose un réel problème non seulement de suivi des dossiers, mais aussi de lenteur administrative. Et c’est là le grand problème. C’est pourquoi beaucoup de gens pensent que le gouvernement ignore cette question», a réagi encore Renault Kiyengué.
Une lenteur administrative que reconnaît la ministre Matondo. Et d’exhorter les populations à la patience. «Quoiqu’il en soit, nous voulons saisir l’occasion de la présente intervention pour inviter nos chers parents à ne pas se laisser découragés par la lenteur des procédures administratives, mais à persévérer dans le suivi de leurs dossiers, en vue d’un paiement effectif», a déclaré la patronne du Département des eaux et forêts au Congo.
Mais, que prévoit la loi en cas de blessure et surtout de mort d’homme? À en croire l’administration forestière, les textes sont muets sur ce point. Pourtant, de nombreux citoyens ont déjà perdu la vie après une attaque d’éléphant, à l’image de Victor Oubanadiéla, un chasseur tué il y a deux ans par une femelle éléphant au village Sialivakou (District de Nzambi). «Ce qui signifie que la vie des éléphants est plus précieuse que celle des humains», ironise un habitant du village Yanika, dans le District de Madingo-Kayes.
John NDINGA NGOMA
(Article réalisé avec l’appui du «Rainforest journalist Fund» et du Centre Pulitzer)