I- Diagnostic

Eu égard au tragique accident survenu au Stade Michel-d’Ornano de Brazzaville, dans la nuit du lundi 20 au mardi 21 novembre 2023, je me permets, tout en présentant mes condoléances les plus émues et sincères aux familles éprouvées, de lancer, de nouveau, mon cri du cœur pour notre jeunesse congolaise. En effet, la jeunesse, dans tout pays, est censée être la pépinière. Elle est constituée par l’ensemble des personnes, hommes et femmes, de la tranche d’âge de 18 à 35 ans révolus. Ce sont des jeunes qui sont soit encore au lycée ou dans des instituts d’études supérieures et professionnelles, soit déjà dans la vie professionnelle. Enfin, ce sont des jeunes mariés ou célibataires avec enfants, sans emploi.
La jeunesse est la force de de la Nation. Elle forge ou crée les générations à venir. A l’instar d’autres jeunesses, la jeunesse congolaise se cherche. Elle vogue comme un navire en mer sans boussole. Elle me donne l’impression d’être comme des brebis sans berger. Eu égard à la malheureuse situation du Stade d’Ornano, Mgr Barthélémy Batantu et le Président Alphonse Massamba-Débat avaient déjà attiré, il y a quelques années, notre attention, en affirmant respectivement:
-Mgr Barthélémy Batantu: «Si nous nous entraînons à suivre la pente morale actuelle, notre société congolaise risquera de se désintégrer progressivement, parce qu’elle n’arrivera plus, à la longue, à respecter l’intimité des individus qui la composent. Il faut cultiver en soi et autour de soi, les vertus humaines de la dignité, de l’honnêteté, du respect, de la franchise, de la tolérance, de la maîtrise de soi, de la persévérance et de l’amour, et les vertus spirituelles de la piété, de la foi, de l’espérance et de la charité. Car aimer, c’est d’abord se donner et penser à l’autre, au lieu de se refermer sur soi»;

-Président Alphonse Massamba-Débat: «J’en appelle à la conscience des adultes et des parents, qui ont littéralement démissionné de leurs obligations sociales et civiques envers leurs enfants, d’avoir à se ressaisir pendant qu’il n’est pas trop tard, pour les élever et les éduquer dans la bonne voie, en conjuguant leurs efforts avec ceux du Parti et de l’Ecole. Il ne faut pas laisser les jeunes à la débandade, il ne faut pas les abandonner à eux-mêmes. On n’a jamais vu dans aucun pays du monde, des jeunes bâtir eux seuls leur avenir ; ils ont droit au concours de leurs parents et des adultes et ceux-ci ont non seulement la faculté mais l’obligation civique de les aider. Si nous les livrons à eux-mêmes, nous en récolterons les résultats. En effet par suite de leur inexpérience, ou de l’intrusion dans leurs rangs de quelques polissons, de quelques égarés de mauvaise foi, ils seront inévitablement enclins à s’écarter des voies de la décence et de la dignité et à commettre des choses viles dont nous sommes souvent les premiers à les blâmer. Sachons qu’ils doivent un jour travailler et fonder un foyer. Donnons-leur une éducation en conséquence. Et cette éducation ne concerne pas seulement le Parti et l’Etat, mais bien tout le peuple.
…Mais cette situation est précisément créée ou aggravée par l’attitude négative qu’observent les adultes et les parents devant ces jeunes. Ce n’est pas en fuyant vos responsabilités d’aînés et de parents que vous allez régler ce problème particulièrement préoccupant. Ce n’est pas en criant: «ces jeunes sont trop insolents» que vous allez enlever cette insolence ou «ces jeunes sont trop indisciplinés» qu’ils apprendront la discipline. Ce n’est pas en vous lamentant: «Quand nous étions jeunes, nous n’étions pas comme eux» que vous pourrez changer leur conduite. C’est en les éduquant en leur donnant de bons conseils qui aident tout homme à s’intégrer heureusement, sans trop d’ennuis dans la société, que vous obtiendrez quelques résultats. Il faut le faire avec patience, fermeté et esprit de sacrifice. Avec l’éducation, pensez à leurs conditions matérielles et agissez en faveur de toutes solutions qui peuvent les améliorer en participant vous-mêmes, personnellement, à cette amélioration…».
Malheureusement, nous n’avons pas tenu compte des propos par lesquels Mgr Barthélémy Batantu et le Président Alphonse Massamba-Débat nous avaient interpellés et nous rappelaient à l’ordre. Nous n’avons pas entendu leurs cris de cœur comme celui d’autres dirigeants allant dans ce sens. Ni les parents ni l’Etat ne se sont ressaisis en prenant leurs responsabilités. Nous avons laissé la jeunesse congolaise se désintégrer progressivement. Aujourd’hui, la jeunesse congolaise est stratifiée et catégorisée en trois parties: la jeunesse privilégiée; la jeunesse entreprenante et la jeunesse marginalisée (la jeunesse lambda).

La jeunesse privilégiée

Au Congo, la jeunesse privilégiée est celle des jeunes qui sont nés des parents aisés ou des parents assumant des fonctions politiques ou qui sont leurs neveux et nièces, cousins et cousines, gendres et brus. Ce sont des fils à papa, des filles à maman qui sont censés être nés avec des cuillères en or ou en argent à la bouche. Ils auraient du sang bleu dans les veines. Toutes les portes leur sont ouvertes. Ils n’ont qu’à tendre la main pour prendre le fruit déjà mûr et s’extasier. Parmi eux, l’on compte de nouveaux riches, des ministres, des parlementaires, des conseillers, dont certains, grâce à leur label paternel, sont «pistonnés» pour assumer telle ou telle autre fonction. La vie leur est facile.
L’on compte aussi, parmi eux, des jeunes qui ont choisi d’être, comme l’on dit dans nos quartiers, des «ndenguessés», c’est-à-dire, des commissionnaires, des rabatteurs de femmes et des coursiers de ceux qu’ils appellent «leurs grands». Ils sont fiers de s’afficher comme les petits d’un tel. Ce sont, enfin, ces jeunes qui tournent autour de nos dirigeants politiques dont ils sont les thuriféraires, porteurs de mallettes et qui mangent à leurs râteliers.

La jeunesse entreprenante

Cette jeunesse concerne la majorité des jeunes congolais, courageux et toujours à l’ouvrage, cherchant à renverser la tendance à leur faveur, par la force de la main et leur persévérance. Ce sont ces jeunes qui ont brillamment terminé leurs études pour assumer des responsabilités importantes dans les administrations et les entreprises, ou ont lancé leurs propres affaires. Ayant la tête sur les épaules, ils ne font face à aucun souci majeur et continuent leur petit bonhomme de chemin sans encombre. Ils comptent sur leurs propres forces. Il s’agit ici tout d’abord de grands diplômés (licenciés, maîtrisards, docteurs, etc.) qui sont désespérément en quête d’emplois. Il s’agit ensuite de ceux qui gardent leur dignité en se prenant en charge ou en se créant de petits emplois ou en concevant des projets qui malheureusement butent aux mesures d’accompagnement financier, technique, matériel, etc, pour leurs initiatives. Ils sont pleins de courage et d’abnégation. Il s’agit, enfin, des artistes, des musiciens et des sportifs sans référence. Ils militent tous pour un Congo radieux, un Congo nouveau où des opportunités pourront leur être offertes.

La jeunesse marginalisée Celle-ci comprend quatre catégories:

1- Les diplômés sans emploi, (euphémisme pour ne pas dire chômeurs). Ils galèrent et tirent le diable par la queue. En quête permanente d’emploi ou d’une intégration dans la fonction publique, ils sont souvent en piquet de grève devant les ministères où ils animent des concerts de casseroles et de vuvuzelas dans un grand tintamarre.

2- Les pestiférés,
Il s’agit ici des enfants issus des parents ayant assumé de hautes fonctions politiques (ministres, députés, ambassadeurs, etc., tous déchus), lesquels parents sont laissés au bord de la route par les nouveaux dirigeants. Aucune porte ne leur est ouverte par méchanceté gratuite.

3- Les dépravés
Ce groupe concerne de jeunes, garçons et filles, tous peu courageux et partisans du moindre effort. Ils sont enclins à la facilité et à l’acquisition de l’argent facile; ils ont aussi un penchant au plaisir de la chair et à l’alcool. Friands de commérages, de rumeurs et de ragots, ils fréquentent assidûment les ngandas et autres caves et boîtes de nuit, tous les lieux de plaisir et des loisirs où ils sont exposés ipso facto à toutes les tentations (alcoolisme, prostitution, tabagisme, drogue, stupéfiants, hallucinogènes, etc.). Malheureusement, ces jeunes n’honorent ni leurs familles ni la société congolaise.

4- Les délinquants
Ce groupe est constitué par la plupart des jeunes qui refusent d’accepter leurs conditions et qui, par aigreur, s’en prennent aux autres. Ils sont auteurs de petits larcins, de vols à la tire, de vols à mains armées, de cambriolages, de braquages, de coupures de route, etc. Ils sont les pensionnaires permanents des maisons carcérales. Leur déshonneur rejaillit sur leurs parents. D’autre part, les personnes n’ayant parfois pas d’autre choix que de tomber dans la criminalité, et qui constituent, entre autres, le terreau fertile pour le recrutement des kulunas, des arabes, des américains, des bébés noirs, des miliciens. C’est de ce terreau que sont issus les différentes milices qu’on a connues (ninjas, cobras, zoulous, nsiloulous, cocoyes, requins, mambas, tous de triste mémoire).

II Approche de solution
Le gouvernement et les familles ne doivent ménager aucun effort pour aider notre jeunesse, marginalisée à sortir de cette malheureuse situation, en les arrachant à leurs mauvais penchants. Nul besoin de rappeler que les Congolais ont souffert ou continuent à souffrir des violences et des horreurs dont les auteurs sont ces jeunes armés. Ces derniers ne sont que des instruments du terrorisme. Ils sont plus qu’une gangrène qu’il faut absolument enrayer voire extirper. Nous comptons sur nos forces de police et de gendarmerie, pour le ramassage permanent de toutes les armes circulant dans les mains de nos jeunes. Car la suppression, l’interdiction et le désarmement des milices, la réinsertion des combattants démobilisés sont des aspects indissociables du maintien et du renforcement de la paix, élément essentiel des efforts de réconciliation et d’unité après un conflit.
Par ailleurs, une démobilisation réussie suppose non seulement le démantèlement des structures miliciennes et paramilitaires mais aussi l’insertion dans l’activité productive des combattants démobilisés. Ce qui, à son tour, nécessite l’organisation de programme d’éducation et de formation, la création d’emplois et le traitement des traumatismes subis.
Ainsi, les miliciens démobilisés doivent être orientés vers des secteurs productifs comme l’agriculture et l’élevage ou envoyés dans les grands chantiers relatifs à la construction ou à l’entretien des ponts et des routes, à la réfection du C.f.c.o, l’épine dorsale de l’économie congolaise ainsi qu’à la rénovation des écoles, des dispensaires et des sites de formation. Ils suivraient auparavant une formation professionnelle accélérée dont le principe serait: «Un ancien milicien = Un métier».
Il faut éviter, coûte-que-coûte, au milicien démobilisé de tomber à nouveau dans l’oisiveté, voire dans le chômage qui, ipso facto, engendre la misère qui, cela va sans dire, constitue par ailleurs, une menace permanente pour la stabilité sociale, pour le développement des peuples et pour la paix.
En effet, il faut reconnaître que la misère économique et le chômage sont des ingrédients puissants, une aubaine pour les politiciens et autres chefs de gang qui abusent de ces jeunes qu’ils droguent et arment sans vergogne. Ces jeunes, on ne l’écrira et on ne le dira jamais assez, constituent un terreau de la culture urbaine qui repose sur la violence que l’Etat doit enrayer coûte que coûte et jusqu’au bout.

Dieudonné
ANTOINE-GANGA
(A suivre)

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