En 1963, le ministre de la santé, Bernard Galiba, affirmait: «La jeunesse, dans tout pays, est censée être la pépinière». La jeunesse est constituée par l’ensemble des personnes, homme et femme de la tranche d’âge de 18 à 35 ans révolus. Ce sont des jeunes qui sont soit encore au lycée, ou dans des instituts d’études supérieures et professionnelles, soit déjà dans la vie professionnelle. Enfin, ce sont des jeunes mariés ou célibataires avec enfants, sans emploi. La jeunesse est la force de de la nation. Elle forge ou crée les générations à venir.
A l’instar d’autres jeunesses, la jeunesse congolaise se cherche. Elle vogue comme un navire sans boussole. Elle me donne l’impression d’être comme des brebis sans berger. Eu égard à cette malheureuse situation, leurs Excellences Mgr Barthélémy Batantu et le Président Alphonse Massamba-Débat avaient attiré, il y a quelques années, l’attention des Congolais, en affirmant respectivement:
– Mgr Barthélémy Batantu (archevêque de Brazzaville): «Si nous nous entraînons à suivre la pente morale actuelle, notre société congolaise risquera de se désintégrer progressivement parce qu’elle n’arrivera plus à la longue à respecter l’intimité des individus qui la composent. Il faut cultiver en soi et autour de soi, les vertus humaines de la dignité, de l’honnêteté, du respect, de la franchise, de la tolérance, de la maîtrise de soi, de la persévérance et de l’amour, et les vertus spirituelles de la piété, de la foi, de l’espérance et de la charité. Car aimer, c’est d’abord se donner et penser à l’autre, au lieu de se refermer sur soi»;
– Alphonse Massamba-Débat, (Président de la République): «J’en appelle à la conscience des adultes et des parents, qui ont littéralement démissionné de leurs obligations sociales et civiques envers leurs enfants, d’avoir à se ressaisir pendant qu’il n’est pas trop tard, pour les élever et les éduquer dans la bonne voie, en conjuguant leurs efforts avec ceux du Parti et de l’Ecole. Il ne faut pas laisser les jeunes à la débandade, il ne faut pas les abandonner à eux-mêmes. On n’a jamais vu dans aucun pays du monde, des jeunes bâtir eux seuls leur avenir ; ils ont droit au concours de leurs parents et des adultes et ceux-ci ont non seulement la faculté mais l’obligation civique de les aider. Si nous les livrons à eux-mêmes, nous en récolterons les résultats. En effet par suite de leur inexpérience, ou de l’intrusion dans leurs rangs de quelques polissons, de quelques égarés de mauvaise foi, ils seront inévitablement enclins à s’écarter des voies de la décence et de la dignité et à commettre des choses viles dont nous sommes souvent les premiers à les blâmer. Sachons qu’ils doivent un jour travailler et fonder un foyer. Donnons-leur une éducation en conséquence. Et cette éducation ne concerne pas seulement le Parti et l’Etat, mais bien tout le peuple.
…Mais, cette situation est précisément créée ou aggravée par l’attitude négative qu’observent les adultes et les parents devant ces jeunes. Ce n’est pas en fuyant vos responsabilités d’aînés et de parents que vous allez régler ce problème particulièrement préoccupant. Ce n’est pas en criant: «ces jeunes sont trop insolents» que vous allez enlever cette insolence ou «ces jeunes sont trop indisciplinés» qu’ils apprendront la discipline. Ce n’est pas en vous lamentant: «quand nous étions jeunes, nous n’étions pas comme eux» que vous pourrez changer leur conduite. C’est en les éduquant, en leur donnant de bons conseils qui aident tout homme à s’intégrer heureusement, sans trop d’ennuis dans la société, que vous obtiendrez quelques résultats. Il faut le faire avec patience, fermeté et esprit de sacrifice. Avec l’éducation, pensez à leurs conditions matérielles et agissez en faveur de toutes solutions qui peuvent les améliorer en participant vous-mêmes, personnellement, à cette amélioration…».
Malheureusement, les Congolais n’ont pas tenu compte des messages par lesquels Mgr Barthélémy Batantu et le Président Alphonse Massamba-Débat les avaient interpellés. Nous n’avons pas entendu leurs cris de cœur. Ni les parents ni l’Etat ne se sont ressaisis en prenant leurs responsabilités. C’est pourquoi Son Excellence Denis Sassou-Nguesso, Président de la République, vient de déclarer: «Il sied de souligner l’urgence de répondre aux attentes des jeunes. C’est pourquoi, pour une meilleure prise en charge de leurs aspirations, je déclare 2024, année de la jeunesse».
Pourquoi? Parce que nous tous, nous avons, sciemment ou inconsciemment, laissé la jeunesse congolaise se désintégrer progressivement. Aujourd’hui, la jeunesse congolaise est stratifiée et catégorisée en trois parties: la jeunesse privilégiée, la jeunesse entreprenante et la jeunesse marginalisée.
1- La jeunesse privilégiée
Au Congo, c’est celle des jeunes qui sont nés de parents aisés ou assumant de hautes fonctions politiques. Ce sont des fils à papa, des filles à maman censés être nés avec des cuillères en or ou en argent à la bouche. Ils auraient du sang bleu dans les veines. Toutes les portes leur sont ouvertes. Ils n’ont qu’à tendre la main pour prendre le fruit déjà mûr et s’extasier. Parmi eux, l’on compte de nouveaux riches, des ministres, des parlementaires, des sénateurs, des conseillers, des directeurs généraux dont certains, grâce à leur label paternel, sont «pistonnés» pour assumer telle ou telle autre fonction. La vie dont ils ne connaissent ou ne connaîtront pas les aspérités, leur est facile. Comme l’a chanté Luambo Makiadi Franco, «Ba botama na chance».
Parmi eux, l’on compte aussi des jeunes qui, par leurs mérites, ont brillamment terminé leurs études, pour assumer des responsabilités importantes dans les administrations et les entreprises ou ont lancé leurs propres affaires. Ayant la tête sur les épaules, ils ne font face à aucun souci majeur et continuent leur petit bonhomme de chemin, sans encombre. Ils comptent sur leurs propres forces. Ils font ou ont fait leur, la maxime: «Tu travailleras à la sueur du front».
Dans cette catégorie aussi, l’on peut citer les musiciens, les sportifs qui, par leur mérite et leur travail, ont fini par s’imposer comme des artistes et sportifs de référence.
2- La jeunesse entreprenante
Cette jeunesse concerne la majorité des jeunes congolais, courageux et toujours à l’ouvrage, cherchant à renverser la tendance à leur faveur par la force de la main et leur persévérance. Ils militent pour un Congo radieux, un Congo nouveau où des opportunités pourront leur être offertes. Il s’agit, ici, tout d’abord de grands diplômés (licenciés, maîtrisards, docteurs, etc.), qui sont désespérément en quête d’emplois. Il s’agit, ensuite, de ceux qui gardent leur dignité en se prenant en charge ou en se créant de petits emplois ou en concevant des projets qui, malheureusement, butent au manque de mesures d’accompagnement financier, technique, matériel, etc, pour leurs initiatives. Ils sont pleins de courage et d’abnégation.
3- La jeunesse marginalisée
Celle-ci comprend trois catégories:
– les diplômés sans emploi, (euphémisme pour ne pas dire chômeurs): ils galèrent et tirent le diable par la queue. En quête permanente d’emploi ou d’une intégration dans la Fonction publique, ils sont souvent en piquet de grève devant les ministères où ils animent des concerts de casseroles et de vuvuzelas dans un grand tintamarre;
– les pestiférés: il s’agit ici des enfants issus des parents ayant assumé de hautes fonctions politiques (ministres, députés, ambassadeurs, tous déchus), lesquels parents sont laissés au bord de la route par les nouveaux dirigeants. Aucune porte ne leur est ouverte, suite à la méchanceté gratuite de quelques quidams.
– les dépravés: ce groupe concerne de jeunes garçons et de jeunes filles, tous peu courageux et partisans du moindre effort. Ils sont enclins à la facilité, à l’assistanat et à l’acquisition de l’argent facile; ils ont aussi un penchant au plaisir de la chair et à l’alcool. Friands de commérages, de rumeurs et de ragots, ils fréquentent assidûment les ngandas et autres caves et boîtes de nuit, tous les lieux de plaisir et des loisirs où ils sont exposés ipso facto à toutes les tentations (alcoolisme, prostitution, tabagisme, drogue, stupéfiants, hallucinogènes, etc.). Ils sont admirateurs de nouveaux riches dont ils sont fiers d’être les porteurs de sacs ou de mallettes. Malheureusement, ces jeunes n’honorent ni leurs familles ni la société congolaise. D’aucuns diraient qu’ils sont indécrottables. C’est pourquoi le gouvernement et les familles ne doivent ménager aucun effort pour les aider à sortir de cette malheureuse situation.
4- Les délinquants
Ce groupe est constitué par la plupart des jeunes qui refusent d’accepter leurs conditions et qui par aigreur s’en prennent aux autres. Ils sont auteurs de petits larcins, de vols à la tire, de vols à mains armées, de cambriolages, braquages, coupures de route, etc. Ils sont les pensionnaires permanents de la Maison d’arrêt ou des prisons de l’intérieur du pays. Leur déshonneur rejaillit sur leurs parents. D’autre part, les personnes n’ayant parfois pas d’autre choix que de tomber dans la criminalité, constituent, entre autres, le terreau fertile des groupes de bandits appelés kulunas, arabes, américains, bébés noirs, etc. C’est de ce terreau que sont aussi issus les miliciens ninjas, nsiloulous, cobras, zoulous, cocoyes, mambas, requins, etc, tous de triste mémoire.
Nul besoin de rappeler que les Congolais ont souffert et continuent à souffrir des violences et des horreurs dont les auteurs sont ces jeunes bandits. Ces derniers ne sont que des instruments du terrorisme que nous avons, comme l’affirmait le Pape Jean-Paul II, «enrôlé dans les milices armées, nos jeunes que nous avons contraints à combattre pour des causes qu’ils n’ont pas toujours comprises; ces jeunes entraînés dans une véritable culture de la violence, suivant laquelle la vie compte peu, et tuer ne paraît pas immoral». Ils sont plus qu’une gangrène qu’il faut absolument enrayer voire extirper. Nous comptons sur nos députés pour les supprimer et les interdire par une loi claire, précise et nette ainsi que sur nos forces de police et de gendarmerie. Inutile de tergiverser. (A suivre)
Dieudonné
ANTOINE-GANGA