Nos amis communs, Itoua, Mboungou, Tati et Yakamambu, sont tristes chaque jour. Ils sont tristes de la misère et de la pauvreté galopantes dans lesquelles croupissent, ces temps-ci, les Congolais. La crise économique sévit dans le pays. Les commerçants se plaignent de ce que leurs affaires ne marchent plus bien, les fonctionnaires de l’Etat sont payés partiellement, c’est-à-dire ceux de Brazzaville et Pointe-Noire payés dans les banques touchent régulièrement leurs salaires, mais les numéraires et ceux qui sont à l’intérieur du pays accusent des mois de retard.
De même, les employés des institutions nationales comme le parlement, même la présidence de la République et les structures dépendant du budget de transfert de l’Etat comme les mairies, les hôpitaux, les universités, les collectivités locales, sont soumis à des retards de salaires. Quant aux retraités de la C.r.f (Caisse de retraite des fonctionnaires) n’en parlons pas: il arrive même que pendant trois mois, ils ne peuvent pas toucher leurs pensions. Il se dit que les arriérages (les retards de pensions pour les nouveaux retraités) et les arriérés de pension ne font que s’accumuler. Les bourses des étudiants relèvent du hasard. Dans le secteur privé, beaucoup de sociétés ont réduit leurs personnels, car les affaires ne marchent pas bien. Donc, le taux de chômage est à la hausse. La crise sociale s’aggrave, on entend parler de grève ici ou là. Même les hôpitaux sont touchés par des mouvements de grève.
Les Congolais, jadis aux visages radieux et exubérants, sont devenus l’ombre d’eux-mêmes. Ils mangent difficilement. Les trois repas quotidiens d’antan, ils ne peuvent plus se les procurer. Il y a des familles dans nos villes qui peuvent passer une journée sans pouvoir manger convenablement. Pendant ce temps, les prix des denrées alimentaires ne font qu’augmenter. Le pouvoir d’achat des travailleurs s’effrite chaque jour qui passe. Par exemple, les médicaments que l’on fournissait gratuitement dans les dispensaires, ne le sont plus. L’autre jour, Itoua, Mboungou, Tati et Yakamambu ont accompagné Ngouloubi au Centre intégré de santé de leur quartier. Dans la salle d’attente, ils ont trouvé une maman en pleurs, parce qu’on lui demandait d’acheter un carnet de santé au coût de 150 francs Cfa. Elle ne les avait pas. C’est Yakamambu qui, en bon samaritain, lui a offert le carnet de santé et lui a aussi acheté à la pharmacie du coin, les médicaments que l’infirmière lui avait prescrits.
Pendant ce temps, les dirigeants font croire que tout marche bien. Une minorité de Congolais se la coule douce, affichant un train de vie insolent, dans leurs grosses cylindrées flambant neuves. La fille d’un dirigeant a même lâché publiquement, à travers les réseaux sociaux, avoir prêté un milliard cinq cents millions de francs Cfa à son mari qui a disparu avec. Ce n’est pas la fille d’un industriel comme il y en a en Chine, en Russie, en Turquie, en Azerbaïdjan, aux Emirats Arabes Unis, etc. Mais la fille d’un haut fonctionnaire de l’Etat congolais. Tout donne à penser que le système de gestion de l’Etat fait que les riches sont toujours de plus en plus riches et les pauvres, toujours de plus en plus pauvres, miséreux et de plus en plus nombreux. La justice sociale ne semble pas avoir de place dans la politique de développement national. Ou tu es du milieu ou tu ne l’es pas et donc, salut la misère!
Devant une telle situation de pauvreté galopante dans le pays, Itoua, Mboungou, Tati et Yakamambu nous invitent à méditer d’une part sur ce qu’avait affirmé Saint Jean-Paul II: «De fait, personne ne peut se sentir libéré tant que le problème de la pauvreté, qui frappe les familles et les individus, n’a pas trouvé une solution appropriée. L’indigence est toujours une menace pour la stabilité sociale, pour le développement économique et donc, finalement, pour la paix. La paix restera en péril tant que les personnes et les familles se verront contraintes à lutter pour leur survie» et d’autre part, sur ce qu’affirmait de son côté, le Suisse Jean Ziegler: «Aucun homme n’est une île. Tout homme ne se construit que par le regard, la tendresse d’autrui. La vie ne naît que de la complémentarité, de la réciprocité. Je suis l’autre, l’autre est moi. Pour chaque martyr, il existe un assassin. Je ne peux être libre ni manger en paix si, au même moment, à quelques centaines de kilomètres de moi, un enfant sous-alimenté entre en agonie».
Si nos dirigeants pouvaient lire de tels propos. Mais, ils n’ont plus le temps. Ils sont préoccupés par leurs affaires. Malgré tout, Itoua, Mboungou, Tati et Yakamambu espèrent que les dirigeants se ravivent; qu’ils sortent de leur carapace d’arrogance, d’égoïsme, de haine, d’envie, de jalousie, d’exclusion et de rapacité matérielle. Qu’ils sachent une fois pour toutes qu’ici-bas, tout passe, comme l’avait dit l’inoubliable premier président de la Cour suprême, Placide Lenga; et que tout ce qui commence doit finir; tout ce qui naît doit mourir, peu importent les circonstances. La vie est comme la petite flamme de la lampe: elle peut s’éteindre d’un seul coup et c’est la mort. Comprenne qui pourra. Au revoir et à bientôt !
Diag-Lemba.