De l’indépendance du Congo à nos jours, l’avenir de la jeunesse congolaise a toujours été au centre des préoccupations de nos autorités politiques et religieuses. L’avenir et l’éducation de la jeunesse n’ont jamais cessé de tarauder leurs esprits.
Tenez! Le Président abbé Fulbert Youlou (1958-1963) créa, par la loi du 2 octobre 1959, un organisme de rééducation, de récupération et de formation, le Service civique, dans le but d’utiliser au profit de la Nation, la jeunesse urbaine sans emploi, de développer chez elle le sens civique et l’esprit de solidarité nationale. Il ouvrit, dans tous les chefs-lieux de districts, des C.e.g (Collèges d’enseignement général), pour faciliter l’accès de tous les jeunes à l’enseignement secondaire.
Car jusque-là, les seuls établissements où l’on pouvait suivre l’enseignement secondaire étaient le Collège Champagnat de Makoua, le collège Chaminade, l’Ecole générale Leclerc et le Lycée Savorgnan de Brazza, à Brazzaville, l’Ecole normale des institutrices de Mouyondzi, le Collège des instituteurs de Dolisie et, enfin, le Lycée Victor Augagneur de Pointe-Noire.
Ensuite, le Président Youlou fit de la construction du Barrage hydroélectrique du Kouilou, son cheval de bataille, pour le développement économique du Congo. Il va sans dire qu’avec la construction dudit barrage, des industries annexes permettraient de transformer la physionomie de l’économie congolaise, en résorbant toute la masse des jeunes en quête d’un emploi permanent dans le Congo en général et dans nos villes en particulier.
De son côté, le Président Alphonse Massamba-Débat (1963-1968) ne cessait d’attirer l’attention des adultes et des parents sur le sort de la jeunesse, en affirmant: «J’en appelle à la conscience des adultes et des parents, qui ont littéralement démissionné de leurs obligations sociales et civiques envers leurs enfants, d’avoir à se ressaisir pendant qu’il n’est pas trop tard, pour les élever et les éduquer dans la bonne voie, en conjuguant leurs efforts avec ceux du parti et de l’école. Il ne faut pas laisser les jeunes à la débandade, il ne faut pas les abandonner à eux-mêmes. On n’a jamais vu, dans aucun pays du monde, des jeunes bâtir, eux seuls, leur avenir; ils ont droit au concours de leurs parents et des adultes et ceux-ci ont non seulement la faculté, mais l’obligation civique de les aider. Si nous les livrons à eux-mêmes, nous en récolterons les résultats. En effet, par suite de leur inexpérience ou de l’intrusion dans leurs rangs de quelques polissons, de quelques égarés de mauvaise foi, ils seront inévitablement enclins à s’écarter des voies de la décence et de la dignité et à commettre des choses viles dont nous sommes souvent les premiers à les blâmer. Sachons qu’ils doivent, un jour, travailler et fonder un foyer. Donnons-leur une éducation en conséquence. Et cette éducation ne concerne pas seulement le parti et l’Etat, mais bien tout le peuple… C’est en les éduquant, en leur donnant de bons conseils qui aident tout homme à s’intégrer heureusement, sans trop d’ennuis dans la société, que vous obtiendrez quelques résultats. Il faut le faire avec patience, fermeté et esprit de sacrifice. Avec l’éducation, pensez à leurs conditions matérielles et agissez en faveur de toutes solutions qui peuvent les améliorer en participant, vous-mêmes, personnellement, à cette amélioration…».
De son côté, le Président Marien Ngouabi (1969-1977), parlant des problèmes des jeunes, affirmait: «…Pour transformer notre société, nous avons, tous, beaucoup à apprendre et à assimiler; nous avons, en particulier, à apprendre comment lier la théorie à la pratique sur le front économique et social, sur le front culturel comme sur le front politique. Il faut des bras, des cerveaux, pour engager la lutte économique et technologique, avec l’espoir que cette lutte aboutira à la victoire; il faut des cerveaux et de la conviction, pour conduire, avec succès, la lutte idéologique et axer notre lutte sur la lutte des classes qui est le fondement essentiel, en fin de compte, de la lutte anti-impérialiste, anticolonialiste et anti-néo-colonialiste.
Les bras et les cerveaux, la conviction et la détermination, notre peuple voudrait les rencontrer dans sa jeunesse aujourd’hui comme hier. La société de demain sera la vôtre, vous devez en être les bâtisseurs conscients, combattants infatigables et totalement dominés par l’esprit d’abnégation et de sacrifice, pour l’intérêt de nos masses laborieuses.
…Il est très important de ne pas perdre de vue les dépenses devant assurer la protection de la jeunesse, les dépenses devant assurer l’orientation et la formation professionnelle de la jeunesse. Et enfin, les dépenses devant assurer l’emploi à notre jeunesse, devant permettre la création des emplois…».
Enfin, le Président Denis Sassou-Nguesso, préoccupé par la situation de la jeunesse, a décrété 2024 comme «l’année de la jeunesse». Il avait, auparavant, déclaré, en avril 2016, que «la jeunesse congolaise est préoccupée par son sort. Elle s’inquiète de son avenir. Je l’entends. Nous l’entendons. Elle ne demande qu’à être écoutée, sans paternalisme, sans mépris, sans arrogance. Elle demande à être associée à la recherche de solutions aux problèmes de la Nation, surtout ceux qui la concernent directement. Elle demande, par exemple, que les questions de l’emploi, de la formation et l’emploi soient traitées avec elle. C’est ce que nous ferons. Je m’y engage. Le Conseil consultatif de la jeunesse, l’un des nouveaux organes constitutionnels d’Etat, est, à ce propos, arrivé à point nommé.
…Il nous revient de promouvoir l’esprit d’entreprise chez les jeunes, en engageant une véritable politique de promotion de l’entreprise privée. C’est ainsi que le développement de l’agrobusiness pourra devenir une priorité pour le monde rural au travers des politiques d’accompagnement et d’encadrement adéquates».
Quant aux autorités religieuses, en l’occurrence le Vénéré Emile Cardinal Biayenda et Mgr Barthélémy Batantu, ils ne sont pas restés eux aussi insensibles aux problèmes de notre jeunesse. Tout d’abord, le Vénéré Cardinal Emile Biayenda dont le souci majeur consistait à «enfanter un homme conscient, libre, responsable, social, capable d’aimer», ne cessait d’affirmer: «Voilà l’œuvre d’éducation que nous avons tous à réaliser ensemble: famille, Etat, Eglise dans le respect mutuel de nos droits et de nos devoirs, dans la seule volonté de former les hommes.
L’une des causes les plus importantes de ces difficultés rencontrées pour éduquer les enfants était la disparition du mbongui. Autrefois, un enfant naissait dans une famille vaste, large, étendue: le clan. C’est dans cette ambiance familiale que l’enfant se développait. Toute son éducation consistait à lui apprendre, d’une part, la sagesse et les coutumes transmises par les ancêtres et véhiculées par les anciens, d’autre part, à connaitre tous ces liens qui le rattachaient à sa famille et à son clan. C’est au mbongui que l’enfant recevait conseils et avis. Le mbongui, c’était l’âme du village et c’est au mbongui que l’enfant recevait la plus grande part de son éducation. Le mbongui est mort, mais par quoi a-t-il été remplacé?».
Ensuite, Mgr Barthélémy Batantu, dans le but de lutter contre l’oisiveté des jeunes, car l’oisiveté est la mère des vices, d’éduquer les jeunes titulaires du C.e.p.e, qui, pour n’avoir pas été admis au concours d’entrée en 6ème, couraient le risque de devenir des désœuvrés voire des bandits, créa, en 1963, les collèges populaires dont l’enseignement a permis à beaucoup de jeunes d’avoir une bonne éducation et du travail.
Par ailleurs, il ne cessait de clamer haut et fort: «Si nous nous entraînons à suivre la pente morale actuelle, notre société congolaise risquera de se désintégrer progressivement, parce qu’elle n’arrivera plus à la longue à respecter l’intimité des individus qui la composent. Il faut cultiver en soi et autour de soi, les vertus humaines de la dignité, de l’honnêteté, du respect, de la franchise, de la tolérance, de la maîtrise de soi, de la persévérance et de l’amour et les vertus spirituelles de la piété, de la foi, de l’espérance et de la charité. Car aimer, c’est d’abord se donner et penser à l’autre, au lieu de se refermer sur soi».
Mais où en sommes-nous aujourd’hui? Comme s’interrogeait déjà, en son temps, le Président abbé Fulbert Youlou. Qu’est devenue l’opération «Ecole agréable» lancée par le Président Marien Ngouabi et qui devait consister à:
– «protéger les complexes scolaires par des murs qui les persévéraient du vandalisme dévastateur;
– renforcer les portes et les fenêtres des établissements scolaires;
– procurer des tables-bancs en quantité suffisante à nos élèves;
– badigeonner les bâtiments scolaires;
– construire enfin quelques salles de classes?».
Pour conclure, ayons donc conscience, nous tous, que les problèmes de notre jeunesse, qui continuent à se poser avec acuité, ne trouveront leur solution définitive qu’avec l’éducation et la formation de nos jeunes par l’Etat et par les parents, avec le développement de notre économie et, ipso facto, avec la résolution du problème du manque de débouchés. Sinon, toutes les déclarations des uns et des autres resteront de simples slogans creux et des vœux pieux. «Lions la parole à l’acte et la théorie à l’acte». En avons-nous réellement la volonté? That is the question.
Dieudonné
ANTOINE-GANGA.