O.m.c (Ordre du mérite congolais)
Le prof Théophile Obenga élevé
à la dignité de Grand-Croix
Auteur d’au moins 25 ouvrages à caractère scientifique (histoire, sociologie, philosophie, égyptologie, linguistique…) et littéraire (portrait, poésie, essai…) et de plus d’une cinquantaine d’articles scientifiques, dont l’article sur «la parenté linguistique génétique entre le kikongo et le mbosi», paru en 1968 in Cahiers Ferdinand de Saussure (n°24, pp.59-69), fondateur de la théorie de linguistique historique appelée «négro-égyptien», qui établit des «propriétés communes aux langues négro-africaines» et l’égyptien antique, thèse défendue avec son collègue de recherches, l’historien, anthropologue et égyptologue sénégalais, Cheik Anta Diop, Théophile Obenga (89 ans) a été élevé à la dignité de Grand-Croix de l’Ordre du mérite congolais par le Président de la République, Denis Sassou-Nguesso, qui lui a fait porter l’écharpe, lors d’une cérémonie, vendredi 25 juillet 2025, au Palais des congrès de Brazzaville. C’était en présence du Premier ministre chef du gouvernement, Anatole Collinet Makosso, des ministres, des représentants des institutions constitutionnelles, des corps constitués nationaux, des sommités du monde académique et des dizaines d’étudiants mobilisés pour la circonstance.
La salle des congrès du Palais des congrès était comble de monde, pour la cérémonie d’hommage de la République et de décoration à titre anthume, au professeur Théophile Obenga, un éminent intellectuel africain, colosse des travaux en sciences humaines, qui s’est battu à rapprocher les langues d’Afrique noire de l’égyptien ancien. Critiqué par des universitaires et chercheurs occidentaux, il a tenu tête dans sa théorie de l’origine commune de l’égyptien ancien et des langues négro-africaines.

Dans son mot de circonstance, la ministre de l’enseignement supérieur, la professeure Delphine Edith Emmanuel Adouki, a présenté l’œuvre de Théophile Obenga, un homme qui a consacré sa vie à la science et à la culture. «En se consacrant à ce rituel républicain», le Président de la République a distingué «l’un des dignes fils du pays dont les trajectoires l’ont conduit de Mbaya où il naît le 2 février 1936, à Brazzaville puis à travers le monde», a-t-elle fait savoir, avant d’ajouter: «Témoigner de l’œuvre du professeur Théophile Obenga constitue un exercice complexe, tant sa personnalité paraît plurielle».
La ministre Emmanuel Adouki a indiqué, entre autres, que Théophile Obenga est reconnu à la fois comme un éminent penseur au niveau national et l’une des figures emblématiques du savoir africain. Par l’ensemble de son œuvre qui ne cesse d’inspirer la jeunesse africaine, le professeur Théophile Obenga a marqué l’histoire du continent. Le philosophe, linguiste, historien et égyptologue africain d’origine congolaise a su contribuer à l’essor de la pensée africaine contemporaine et à son impact dans les sociétés, grâce aux multiples travaux de recherches qu’il a effectués.
Au plan administratif, le récipiendaire a occupé successivement plusieurs fonctions dont l’actuelle est celle de représentant personnel du Président de la République, chargé du développement de l’enseignement supérieur. Cela lui a permis de mettre en œuvre le projet de création de l’U.d.s.n (Université Denis Sassou-Nguesso), située dans la commune de Kintélé, au Nord de Brazzaville, et dont il est le président du Conseil d’administration, a fait savoir la ministre Delphine Edith Emmanuel Adouki. Exprimant sa gratitude au Chef de l’Etat, celle-ci pense que «l’hommage et la décoration de ce jour réjouissent le récipiendaire ainsi que l’ensemble de la communauté scientifique nationale».
Après cette évocation, le Chef de l’Etat a procédé à la décoration officielle de Théophile Obenga au grade de Grand-Croix, la dignité la plus élevée de l’Ordre du mérite congolais. L’heureux distingué de la République a exprimé sa gratitude au Chef de l’Etat, «pour avoir autorisé l’organisation de cet hommage national à titre anthume», geste rarissime au Congo. Il a dédié sa distinction honorifique «à la jeunesse éveillée du continent africain». La cérémonie était agrémentée par le groupe Kébé-Kébé, une des danses traditionnelles sacrées du District de Boundji où naquirent les parents de Mwènè Ndzalé.

Docteur d’État es lettres en sciences humaines (Sorbonne), Théophile Obenga, figure majeure de la science et de la culture africaines, a connu une formation académique pluridisciplinaire en sciences humaines, notamment la philosophie à l’Université de Bordeaux, l’histoire au Collège de France, à Paris, l’égyptologie à Genève (Suisse) et la science de l’éducation à Pittsburgh, en Pennsylvanie (Etats-Unis). Il a été enseignant d’Université à Brazzaville, en France, à Dakar et aux Etats-Unis où il a enseigné, de 1998 à 2008, à la Faculté des civilisations africaines de l’Université d’État de San Francisco, en Californie, avant de regagner son pays natal, le Congo qu’il avait quitté en raison de la guerre civile de juin-octobre 1997.
Du point de vue des fonctions administratives et politiques, Théophile Obenga a été ministre des affaires étrangères et de la coopération (1977-1979), dans le gouvernement du C.m.p (Comité militaire du parti), directeur général, entre mai 1985 et juin 1991, du Ciciba (Centre international des civilisations bantu), institution inter-étatiques basée à Libreville (Gabon) où il a créé la revue «Muntu», et ministre de la culture (1993-1994) sous le régime du Président Pascal Lissouba.
Après son retour des Etats-Unis, il soutient le Président Denis Sassou-Nguesso à l’élection présidentielle de 2009, dans un article retentissant publié dans La Semaine Africaine. Parmi ses propositions, il émet l’idée de créer une université moderne à Brazzaville, dont il conçoit le projet. D’où la création de l’Université Denis Sassou-Nguesso.
A l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance nationale, en août 2010, le Chef de l’Etat lui confie la direction de l’ouvrage collectif sur «l’histoire générale du Congo, des origines à nos jours», publié à cette occasion. Mais, quoiqu’étant conseiller du Président Denis Sassou-Nguesso, Théophile Obenga a gardé son indépendance d’esprit, n’hésitant pas à critiquer la gestion du pays par les hommes et les femmes aux affaires et les travers des élites. Ses propos, dont certains devenus emblématiques, connaissent un grand impact au sein de l’opinion nationale, à travers les médias et les réseaux sociaux.









