Suite au dérèglement politique dans un pays du septentrion, le patron du patronat de ce pays, certainement inquiet des risques subséquents, propose la création d’un «front économique», «associant des chefs d’entreprises, des économistes et des think-tanks pour peser dans le débat et éviter que nos décideurs ne s’égarent». Un front économique, pour quoi faire? Pour «débattre de la création de richesse».
Le débat sur la création de richesse n’est pas nouveau et ne concerne pas que les pays industrialisés. On se souvient qu’Adam Smith s’interrogeait déjà sur les causes de la richesse des Nations, et que de nombreuses études sur l’état économique des pays africains attestent de la préoccupation des agents économiques face aux défis structurels de la création de richesse. Les pères de l’économie politique s’accordent, en outre, pour dire que la création de richesse ne concerne pas que l’économie; il s’agit également «de droit, de morale, de psychologie, de politique, d’histoire ainsi que de l’interaction et de l’interdépendance entre toutes ces disciplines».
Dans quelques-unes de ses acceptions, front signifie champ de bataille, bloc, cartel ou union. Créer un front économique, c’est donc organiser un champ de bataille pour créer la richesse; c’est créer un théâtre d’opérations, une zone d’activités contre un ennemi qui s’appelle sous-développement. Et les armes dont on dispose pour ce front, ce sont les ressources humaines, l’entreprise, le droit et l’éthique. Ceux des Etats qui ne comprennent pas que la ressource primordiale pour le développement est la ressource humaine, ne pourront jamais gagner la bataille du développement.
Un pays qui ne forme pas dans les disciplines de créativité, celles des techniques, sera toujours vaincu par le sous-développement. Ceux des Etats qui ne comprennent pas que seule l’entreprise, animée par des ressources humaines de qualité, crée la richesse, ne pourront jamais vaincre le sous-développement.
Ceux des Etats qui ne comprennent pas que l’entreprise et les emplois ne se créent pas par voie d’incantations ne pourront jamais convaincre les éphémères. Ceux des Etats qui n’admettent pas que le droit est le protecteur de l’activité de l’entreprise et de l’opérateur économique ne vaincront jamais le sous-développement. Ceux des Etats qui ne comprennent pas que l’éthique est «la dimension constitutive de l’existence humaine», c’est-à-dire que «les comportements individuels et les institutions concourant aux activités de production, de consommation et d’échange de biens et services» reposent cardinalement sur l’idéal de «vie bonne et accomplie», ne peuvent gagner la bataille du développement. Le front économique est d’abord une question de front contre les vices; c’est un choix éthique; la richesse suivra alors, inéluctablement.
Prométhée