Emportés par la rumeur des réseaux sociaux et obnubilés par l’idée qu’il y a des vérités qu’on leur cache et qu’ils ne découvrent que par leurs propres efforts, les Congolais s’indignent en accusant leurs dirigeants de manque de patriotisme. C’est ce qui se passe actuellement après la convention d’affermage signée par le gouvernement avec la société sénégalaise d’électricité, pour la distribution et la commercialisation de l’électricité au Congo, en lieu et place de la société nationale E2c (Voir page 2). Pour nombre de compatriotes, le gouvernement a vendu la société nationale d’électricité qu’est E2c aux Sénégalais, comme il avait vendu les terres aux Rwandais. Voilà qui fait bondir d’indignation nombre d’internautes qui s’en prennent aux dirigeants nationaux à coups de posts dans les réseaux sociaux.
Pour une simple histoire d’affermage sur une période de dix ans, on en est presqu’à brûler la maison, à l’exemple des syndicalistes de E2c qui ont promis de plonger le pays dans le noir si jamais le gouvernement ne revenait pas sur sa décision. Pour eux, cette convention est une véritable arête en travers de la gorge. Ils ne l’acceptent pas; ils se sentent blessés dans leur amour propre et évoque la nécessité de sauvegarder la souveraineté du Congo comme si celle-ci était menacée. C’est à croire que les Congolais ont le patriotisme à fleur de peau. Comme pour montrer que la société nationale d’électricité a été confiée à des mains étrangères inexpertes, il y en a qui ne se retiennent pas de dire que le gouvernement a vendu «la société aux ouestafs».
Mais, pourquoi en est-on arrivé là? Le gouvernement récolte cette tempête d’indignation, à cause de la crise de communication qu’il traîne ces dernières années, aggravée par le contexte de crise économique, sur fond de crise morale caractérisée par l’émergence des anti-valeurs dans l’espace public. Pour leur information, la grande majorité des Congolais s’en remettent aux réseaux sociaux qui finissent par formater leurs esprits, comme on peut le constater à travers les réactions qu’on voit.
Non seulement l’affermage ne signifie pas cession d’un bien, mais encore il ne représente aucun danger ni aucune menace sur la souveraineté du pays. Au contraire, c’est un mode de gestion qui confère l’avantage d’acquérir l’expérience du fermier, pour qu’un jour, faire comme lui ou mieux que lui, quand on reprend l’exploitation. Il faut reconnaître que si notre pays ne manque pas de cadres pour faire même mieux que le fermier et ce dernier l’a reconnu, en revanche, notre contexte socio-économique s’est beaucoup dégradé, à cause de l’émergence des anti-valeurs. Les abus de biens sociaux et autres détournements de fonds érodent de plus en plus l’efficacité de la gestion publique.
Dans cette histoire, on a découvert au passage que des autorités nationales manquent de patriotisme, en ne payant pas l’électricité qu’elles consomment. Et même si la gratuité leur est parfois garantie, les niveaux élevés de consommation introduisent alors une iniquité qui ne peut pas être tolérée. Pour le citoyen lambda, on coupe l’électricité au poteau à cause d’une facture non payée.
De l’autre côté, malgré les investissements importants réalisés par l’Etat dans la production, le transport et la transformation de l’électricité, la mauvaise gouvernance qui caractérise ce secteur fait que le service au client n’a jamais atteint un niveau satisfaisant. D’où les réformes pour transformer ce secteur.
Essayons l’expérience de l’affermage et au bout de dix ans, nous verrons si les mêmes maux vont persister ou qu’il y aura une amélioration du service d’électricité au Congo. Sur la voie du développement, recourir à l’expérience, même modeste, des compatriotes africains, ne devrait pas être un mal de nature à déchainer inutilement les passions.
L’HORIZON AFRICAIN