La fête de l’indépendance de notre beau pays, le Congo, a été célébrée, comme d’habitude, le 15 août. Cette fête nationale, la seule qui compte réellement comme célébration d’un événement identitaire pour la République du Congo, ne pourrait être célébrée autrement que dans un esprit d’union nationale et de paix véritable. La fête a été belle à Brazzaville-la-verte où, la veille, une belle lune ronde s’était levée le soir au-dessus de la capitale. Et l’on aurait pu ramasser, à sa clarté, une pièce de monnaie tombée à terre. Le lendemain matin, un grand défilé militaire s’est déroulé au Boulevard Alfred Raoul, en présence du Président de la République et de tous les corps constitués. Les militaires qui y ont défilé n’étaient ni les «mboulous-mboulous» d’antan ni les fameux miliciens cobras, ninjas ou cocoyes, tous de triste mémoire.
A travers la fête du 15 août, le peuple congolais célèbre sa naissance, c’est-à-dire la transformation d’un territoire aux multiples visages ethniques conglomérés par l’intérêt colonial, en une structure géopolitique bâtie autour de l’intérêt unique du développement social et économique de tous ceux qui la constituent, malgré la diversité qui les caractérise.
En dépit de leurs différences, nos Présidents successifs, Fulbert Youlou, Alphonse Massamba-Débat, Marien Ngouabi, Joachim Yhombi-Opango, Pascal Lissouba et Denis Sassou-Nguesso ainsi que les autres artisans comme Jean Félix-Tchicaya, Jacques Opangault, Robert Stéphane Tchitchelle ont fait de ce projet un engagement commun. Aucun parti politique, aucune région, aucune tribu ou ethnie, aucun chef politique ne peut se l’approprier.
L’événement que rappelle cette célébration, à savoir l’indépendance de la République du Congo, s’inscrit de façon positive dans la mémoire collective. Il est positif de deux façons. Il est positif en tant que fait avéré, s’affirmant dans l’histoire et établissant les conditions d’existence du pays dans le concert des Nations. Il place les dirigeants du pays ainsi que toute la population congolaise, face à leur responsabilité historique qu’est celle du développement et la poursuite du bien-être de toute la population, sans exception, suivant les valeurs d’unité, de travail et de progrès.
En tant qu’historique, la naissance de la Nation congolaise dépasse les aspirations de ceux qui ont promu son indépendance, puisque se bâtissant dans la continuité. Elle incarne les rêves de toutes les générations, y compris de celles qui n’étaient pas encore nées le 15 août 1960. Elle soumet à ses exigences d’édification, toutes les couches sociales et toutes les générations. Cet événement tire aussi son caractère positif du fait qu’il constitue un événement créateur et non destructeur de la Nation.
Notez l’apposition: créateur, et non destructeur. Elle insinue ainsi un rejet des comportements barbares qui, au cours de l’histoire, ont contredit l’idée de Nation et qui, par conséquent, ont détruit l’harmonie, la paix et l’union nationales, au profit des intérêts personnels, tribaux, claniques et égocentriques.
En dépit de la satisfaction sincère exprimée plus haut, la fête du 15 août n’a pas manqué de susciter en ma modeste personne, des interrogations sur l’avenir du Congo. Car, une fête aussi particulière que celle de l’indépendance présente toujours des opportunités d’affirmer une volonté de bâtir l’édifice national, en y associant aussi nos compatriotes défunts.
En effet, aucune gerbe de fleurs n’a été déposée par les membres du gouvernement, ni sur les tombes du premier Président de la République, l’Abbé Fulbert Youlou, des Présidents Marien Ngouabi et Jacques Joachim Yhombi Opango, ni comme cela se faisait dans le temps, aux monuments des morts sis aux cimetières du centre-ville, de la Tsiémé, d’Itatolo et de Moukounzi-Ngouaka.
Aucun de nos cimetières n’a été désherbée ni débroussaillée. Dans ma culture, le cimetière inspire du respect. La protection des morts est la meilleure garantie du clan et de la famille. Car, les morts sont censés veiller en permanence sur les vivants et partout. Les vivants se sentent en sécurité quand ils ne rejettent pas les morts. A ce propos, n’oublions jamais que les morts sont des invisibles, mais non des absents, comme l’a dit Victor Hugo. Nous avons le devoir envers nos défunts, de garder le souvenir de leur mort et nous devons aussi nous souvenir de leur vie. Leur héritage doit nous aider, nous Congolais, à consolider la foi dans un avenir libre de tribalisme, d’exclusion et de haine.
La réussite de la démocratie et de la paix ne dépend pas seulement des élections libres ou des politiques gouvernementales. Elle dépend surtout de l’intériorisation des valeurs démocratiques, des valeurs de nos coutumes et de notre culture dans les cœurs du peuple congolais, dans son esprit et dans la vie de chaque jour. Pour le Congo, il s’agit de construire une véritable Nation aussi avec nos défunts.
Dieudonné
ANTOINE-GANGA.