Dans une conférence de presse qu’il a donnée à trois confrères et consoeur de la presse publique et privée nationale et diffusée jeudi 22 juin 2023 par Télé-Congo, le Premier ministre chef du gouvernement, Anatole Collinet Makosso, a longuement expliqué les raisons qui conduisent son gouvernement à augmenter le prix du litre du super, dans ses négociations avec le F.m.i (Fonds monétaire international). Il n’a pas donné le nouveau prix qui sera appliqué, mais selon certaines indiscrétions, cette augmentation, qui sera décidée dans les jours qui suivent, pourraient être de 150 francs Cfa. Le prix du litre de super pourrait alors être de 775 F Cfa. C’est la deuxième augmentation de ce prix, après celle de janvier dernier qui avait porté ce prix à 625 F Cfa, soit 5% d’augmentation. Ci-après le propos du Premier ministre à ce sujet.

«J’étais en train de rendre hommage aux Congolais, pour les efforts, pour qu’ils ne méprisent pas leurs propres efforts. Conclure un programme avec le Fonds monétaire international imposait un programme économique et financier avec des mesures structurelles à prendre et qui sont très rigoureuses, que les Congolais devaient supporter.
Si aujourd’hui, nous sommes arrivés jusqu’à la troisième revue, qui venait d’être conclue il n’y a pas longtemps et qui va faire l’objet d’un examen du dossier du Congo au prochain conseil d’administration du F.m.i, c’est simplement parce que les Congolais ont accepté de respecter toutes les mesures, y compris celles portant sur l’augmentation des prix des produits pétroliers.
Nous avons une discussion rude, avec le Fonds monétaire international, qui estime, comme on l’a fait dans tous les pays en programme, qu’il nous faut augmenter les prix des produits pétroliers de 65%. Et pour cause, je crois vous l’avoir dit, lorsque je présentais le programme d’action du gouvernement, en parlant de l’énergie: il faut que les Congolais acceptent de payer le juste prix, s’ils veulent bénéficier de la meilleure qualité des services publics d’électricité. Je l’avais dit devant l’assemblée. On n’avait même pas encore conclu avec le Fonds monétaire international. Ce sont les règles de l’économie.
Paix à son âme, le Premier ministre Clément Mouamba, lorsqu’il présentait, à son tour, le programme d’action de son gouvernement en 2016, il avait dit: «Nous devons nous ajuster nous-mêmes, pour ne pas subir un ajustement de l’extérieur». C’est justement pour nous préparer à nous éloigner, désormais, des modèles économiques et sociaux que nous avons épousés depuis des années, que nous avons hérité de notre passé communiste ou socialiste. J’ai envie de le dire: il faut que nous soyons en mesure d’affronter la réalité des prix. Et c’est pour cette raison que, dans ce programme, le Fonds monétaire international avait établi que, pour que la compagnie d’électricité fonctionne normalement, pour que le carburant soit rendu disponible et que les Congolais aient un meilleur accès à ces produits, il faut augmenter le prix du carburant de 65%. Ce qui permet de réduire les subventions de l’Etat, parce que, que fait le Congo? En fait, c’est une fuite en avant. Le Congo dit: «Moi je veux que les Congolais achètent le carburant à moindre prix; je veux que les Congolais payent l’électricité à moindre coût, que ça soit moins cher, dans l’intérêt des Congolais». C’est pour cette raison que nous achetons notre carburant au prix que nous connaissons.
Mais, puisque les sociétés ne pourront pas fonctionner normalement à ces prix, le Congo dit quoi: «Le manque à gagner, moi je le paye. Je mets 300 milliards (de francs Cfa), pour couvrir le manque à gagner, pour que vous n’augmentiez pas les prix des produits pétroliers». Pas l’électricité.
Le Fonds monétaire international dit: «Mais, ça ce sont des politiques d’hier. Un Etat communiste peut faire ça. Le babouvisme peut se plaire dans une chose pareille. Mais un Etat socio-libéral, dans ce contexte où tout est désormais libéralisé, c’est grave parce que vous ne pouvez pas tenir. Cet argent de 300 milliards, vous pouvez financer d’autres activités. Par exemple: les voiries urbaines, l’éducation des enfants, la santé. Vous parlez d’améliorer le plateau technique, vous avez signé un accord de prêt avec la B.d.e.a.c et l’A.f.d va vous donner peut-être 6 milliards pour améliorer le C.h.u. Mais, il suffit de supprimer les subventions ou de les réduire, en laissant le Congolais supporter sa propre consommation, en carburant et en électricité. Ça vous permettra d’avoir de l’argent, de la ressource nécessaire, pour financer toute ce que vous n’avez pas pu financer entre temps».
Vous voyez, je vous parlais des choix et des modèles économiques. C’est très difficile, même au sein d’un gouvernement d’avoir la convergence de vues sur cette question. Il faut trouver le juste milieu. Et le juste milieu, c’est le Président de la République qui est en train de se battre pour nous le trouver. Il a d’abord dit en janvier 2022: «Moi, augmenter de 65%, je ne suis pas d’accord. Je peux accepter, mais difficilement, une augmentation de 5%». Il est allé jusqu’à Washington, pour obtenir cela. Il a discuté avec la directrice générale du Fonds monétaire international. Manque de peau pour nous, tout autour de nous, tout le monde a augmenté à un taux très élevé. Il y en a qui ont même fait du 100%.
Et du coup, on est pris de court. Le Fonds monétaire international dit: «Mais, ce n’est pas possible. Vous n’allez pas dire que vous vous êtes différents des autres peuples! Comment se fait-il que tout autour de vous, les gens ont accepté et qu’il n’y a que vous qui êtes en train de tergiverser, alors que ce sont des règles communautaires de la Cemac même qui vous imposent, indépendamment du Fonds monétaire international. Et, force d’insister, vous pensez que vous subventionnez pour les Congolais, mais vous subventionnez pour les pays voisins, avec tout ce que nous connaissons, le phénomène Kadhafi, avec tout ce que nous avons connu, les bateaux qui brûlent au beach».
Qu’est-ce qui se passe? Comme c’est moins cher chez nous, c’est subventionné, les voisins viennent ici, prennent le carburant, vont vendre ça chez eux et nous, nous continuons à payer le prix. C’est pourquoi le Fonds monétaire international nous dit: «Vous êtes obligés..». Et là aussi, on est en pleine discussion, on vient d’obtenir du Fonds monétaire international, de nous laisser, à la limite, augmenter d’abord le super, parce que le super profite aux nantis; l’essence profite aux nantis. C’est le Premier ministre, qui a une Mercedes, qui roule à l’essence; c’est quelqu’un qui a un véhicule de luxe qui roule à l’essence. Mais, mon citoyen qui prend le bus de transport, lui c’est quoi, c’est le diesel. Celui qui fait la pêche, c’est le diesel.

Propos retranscrits par Jean-Clotaire DIATOU

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