L’affaire Figa dans laquelle le nom de la ministre Jacqueline Lydia Mikolo est copieusement cité, vient de nous démontrer que les gênes du tribalisme sommeillent toujours en nous. En effet, d’aucuns ont voulu donner à ladite affaire, relevant de la police et du service judiciaire, en l’occurrence du procureur de la République, une coloration tribaliste. Par exemple, d’autres n’ont pas manqué de faire appel aux femmes ressortissantes du Département de la Cuvette, pour les inciter à demander, carrément, la tête de la ministre Mikolo, sudiste, comme l’ont fait, il y a quelques années, des parlementaires originaires, eux, du Niari et de la Bouenza, deux départements du Sud du pays, et qui auraient, tout en foulant aux pieds le principe de la présomption d’innocence, obtenu le limogeage du gouvernement de la ministre Inès Ingani, originaire du Nord. N’était-il pas temps de renvoyer l’ascenseur à l’envoyeur?

Mais, qu’est-ce la présomption d’innocence?

La présomption d’innocence est un principe de droit pénal qui considère que toute personne suspectée ou poursuivie, est innocente tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable par une juridiction compétente. C’est donc un principe de justice: avant qu’une accusation n’apporte la preuve de sa culpabilité, un individu est considéré comme innocent. En sorte, la présomption d’innocence signifie qu’un individu suspecté d’une infraction, d’un crime ou d’un délit ne peut être considéré comme coupable, avant d’en avoir été définitivement jugé comme tel par un tribunal. D’autre part, tout individu déclaré publiquement coupable, avant même que sa culpabilité n’ait été prouvée au cours d’un procès, peut attaquer son accusateur en diffamation.

Dieudonné Antoine-Ganga .
Dieudonné Antoine-Ganga .

Malheureusement, toutes ces balivernes et insanités ont été débitées sur les réseaux sociaux et sur les autres médias. Un jeune adolescent congolais, Itoua Malanda, de surcroit hybride, c’est-à-dire né d’un père du Nord et d’une mère du Sud, indigné, m’a interpelé pour savoir s’il y avait des risques que lui et ses camarades devinssent tribalistes. Je lui ai simplement répondu d’une part que l’on ne naît pas tribaliste, mais on le devient. A l’allure où évoluaient les choses au Congo, d’autre part, c’était malheureusement possible. Car, l’environnement dans lequel nous évoluons s’y prêtait et s’y prête toujours.
Il faut reconnaître, comme l’a dit Bernard Kolélas en 1993, quelques mois après l’arrivée au pouvoir du Président Pascal Lissouba, élu à 62%, donc il y 30 ans, au lendemain du conflit tribaliste entre les Tékés et les Koongos du Pool, et leurs frères les Tékés et les Koongos de la Bouenza et du Niari, que «les Congolais fuient d’autres Congolais, alors qu’ils vivaient jusque-là ensemble; que le voisin ou le collègue de travail qui, hier, était un ami, est tout à coup devenu un ennemi irréductible du simple fait qu’il n’est pas du terroir ou de la même tribu».
Les vieux démons refont surface. Comme quoi, comme l’affirmaient les Romains, «nihil nove sub sole», c’est-à-dire qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil. En tout cas, nous, les intellectuels et politiciens, ne ménageons aucun effort, par démagogie, pour contrecarrer voire enrayer de notre environnement et de notre modus vivendi, le tribalisme et ses effets néfastes.
En effet, ces temps-ci, il est triste de constater que beaucoup de nos compatriotes sont lésés dans leurs droits. Ils sont victimes du délire d’interprétation, à cause de leurs noms ou à cause de leur non-appartenance à la tribu du décideur. C’est une malheureuse et triste réalité dont il faut parler avec courage, honnêteté et sans scrupule.

Combattre le tribalisme, pour construire la Nation

Il nous incombe, nous les générations actuelles, de construire la Nation congolaise où, comme le dit notre hymne national, «nous serons une seule âme, un seul peuple, des forêts jusqu’à la savane, des savanes jusqu’à la mer». C’est pour cela que nous nous devons d’apprendre à nos enfants à connaître les autres, à les aimer, à les fréquenter, à parler avec eux et, enfin, à respecter les opinions de ceux qui pensent autrement qu’eux. Il nous faut, au Congo, des compatriotes justes qui soient de vrais justes, pour semer de l’amour, de la justice et pour récolter un jour, une société plus juste, bâtie par des justes et pour les justes et, ce, dans la paix et la concorde.
J’ai aussi dit à ce jeune adolescent qu’au fur et à mesure qu’il grandirait, il découvrirait que l’homme était l’être le plus complexe, le plus compliqué et le plus insaisissable que Dieu ait créé. Il m’avait été donné l’occasion de constater qu’il sommeillait, en nous les hommes, l’un de ces six personnages bibliques: Hérode; Judas; Saint-Pierre apôtre; Nicodème; Simon le Cyrénéen et Saint Jean l’évangéliste. Nous pouvions ainsi être le prototype de l’un de ces personnages. Car, nous étions soit cyniques, méchants, sadiques et tyrans comme Hérode, soit traîtres et perfides ayant un penchant pour l’argent comme Judas, soit prêts à renier ou à abandonner sur la route, un ami devenu rebut ou infréquentable, mais prompts à se ressaisir et à avoir le courage et l’honnêteté de demander pardon, comme Saint-Pierre l’apôtre, soit couard, ne cherchant à ne fréquenter et à ne voir son ami en difficulté que nuitamment à l’insu de tout le monde, comme Nicodème, soit encore courageux et prêt à assister et à aider son ami malgré les intimidations, les menaces de perdre ses privilèges, les menaces de la police, comme Saint Simon le Cyrénéen, soit enfin hardi et fidèle à son ami jusqu’à sa mort, comme Saint Jean l’évangéliste.
Je lui ai encore conseillé de ne point abandonner ses amis sur la route quoiqu’il arrivât et de leur rester fidèle, de n’être jamais ingrat envers ceux qui lui auraient fait du bien. Car «le symbole des ingrats, ce n’était point le serpent; c’était l’homme», dixit La Fontaine.
Je lui ai dit, enfin, que le tribalisme était comme le racisme. Il était comme de la rouille; il détruisait tout ce qu’il y avait de plus beau et de plus pur dans le cœur de l’homme; que c’était une idéologie rétrograde prônant la supériorité d’une tribu à une autre; que le tribalisme était plus qu’une gangrène qui ruinait l’homme et tuait l’administration, l’État et la Nation.
Je lui ai dit aussi de faire attention. Car du fait de dire qu’il existait une tribu plus noble et plus pure qu’une autre, naissaient les cultes de la tribu, des héros, des membres et autres courtisans de sa tribu. Tout flatteur ne vit-il pas aux dépens de celui qui l’écoute? Et qu’en partant d’une idée aussi erronée, l’on pouvait être conduit à commettre des erreurs capitales et fatales, comme celle de perpétrer un génocide. Qu’il était malheureux et triste de voir combien d’enthousiasme, combien d’efforts sont mis au service d’un tel faux idéal sans fondement. Que nous devions, tous, dire non à une discrimination par la tribu ou par la race ou encore par le sang, et oui à l’amour entre les Congolais, voire à la fraternité de tous les Congolais.

Youlou et Opangault, héros de la construction nationale

En conclusion, je lui ai affirmé qu’il fallait combattre le tribalisme par la connaissance de l’autre. Car, c’était l’ignorance qui provoquait la peur de l’autre. L’amour porté aux autres niait le tribalisme et rejetait la discrimination tout en contribuant à la paix. Que moi, j’avais une très grande peur du tribalisme et ipso facto de l’homme tribaliste dont l’amitié était incertaine et la fidélité en travers. Que je croyais à l’intégrité de la différence, le contraire de la ressemblance de ce qui était identique. Qu’enfin le tribaliste n’aimait pas les coutumes, les personnes qui n’étaient pas de sa tribu ou de son ethnie. Qu’il fût pervers et souffrait d’un complexe d’infériorité ou de supériorité.
Franchement, j’ai l’impression que 63 ans après l’indépendance, il ne reste de commun entre nous Congolais que le nom de notre pays et ses frontières internationales. A l’intérieur de notre pays, tout paraît fissuré, lézardé, divisé, disloqué. Je constate aussi que les répulsions entre Congolais se situent de plus en plus au niveau des réflexes instinctifs ou des fibres qui commandent la nausée, les frissons horribles, les combats, l’agressivité.
Oui, il faut reconnaître qu’il y a déjà, parmi nous, des compatriotes qui ne veulent plus entendre parler des Nordistes ou des Sudistes. Ceux qui se détournent physiquement, instinctivement, dès que le hasard met un horrible compatriote pestiféré sur leur route.
Oui, de plus en plus, les cœurs, les yeux se ferment et les horizons se rétrécissent dans les esprits et l’âme des citoyens. De plus en plus, le Nord devient pour les gens du Sud l’abominable, le lointain Nord. De même le Sud, pour certains calculateurs du Nord. A cette allure, n’allons-nous pas pour une division ou pour une «haïtisation» du Congo?
D’autre part, ne serait-il pas temps de donner maintenant la priorité au Congo, comme l’ont démontré, en février 1959, le Président Fulbert Youlou et son Vice-Président, Jacques Opangault, surmontant leurs intérêts personnels, pour faire prévaloir ceux, plus grands, de notre pays?
Il faut reconnaître que le Président Fulbert Youlou et son Vice-Président Jacques Opangault ont éteint, en février 1959, les émeutes tribales entre leurs militants respectifs de l’U.d.d.i.a et du M.s.a, lesquelles émeutes ont failli dégénérer en guerre civile entre Nordistes et Sudistes. Ils les avaient bien éteintes. Ils avaient montré, à leur niveau d’hommes, en redevenant les amis qu’ils avaient été dans leur jeunesse. Par exemple, lorsqu’en 1963, le Vice-Président Jacques Opangault, absent de Brazzaville, viendra, au nom de la solidarité gouvernementale, au nom des sentiments humains qui l’unissaient à ses collègues en général et au Président Fulbert Youlou en particulier, se constituer prisonnier; tout cela, au nom de l’unité nationale et de la paix qu’il fallait, coûte-que-coûte, sauvegarder, en bannissant le tribalisme. Une belle leçon de nationalisme, de patriotisme, d’humilité et d’amitié n’est-ce pas?

Dieudonné
ANTOINE-GANGA

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