La Syrie vient de tourner la page de la longue histoire du régime Assad. Quand on lit l’histoire du parti Baas (Parti socialiste de la résurrection arabe), créé en 1944 avec l’ambition d’unifier les peuples arabes en un Etat, on voit comment la lutte des clans au sein de ce mouvement de gauche a fini par déboucher sur un pouvoir personnalisé, devenu totalitaire. L’absence de dynamique démocratique a favorisé une culture de putsches où le plus fort s’impose et contrôle tout. Mais, comme on n’est jamais plus fort pour le demeurer éternellement, on finit toujours par céder la place à un plus fort. La chute de Bachar el-Assad en Syrie inspire bien des leçons en matière de gouvernance.
On doit à l’ancien Premier ministre britannique, Winston Churchill, l’idée que «la démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes». Sous entendu que la démocratie n’est pas parfaite, mais de tous les systèmes d’organisation sociale et de gouvernance, elle est le moins mauvais des systèmes. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, l’histoire nous le démontre, au fil des décennies. Quand le parti Baas fut créé en Syrie, la démocratie n’était sans doute pas d’actualité dans ce pays. Elle finira par l’être, quelques décennies plus tard.
La Prison de Saydnaya, située à une trentaine de kilomètres au Nord de la capitale, Damas, et surnommé «l’abattoir humain», où l’on torturait et pendait les prisonniers, est le côté le plus sombre de la dictature du clan Assad à la tête du parti Baas. Un régime qui foulait au pied les droits humains et contre lequel le peuple s’était levé, n’avait pas de chances de survivre éternellement. Dès lors, la chute de Bachar el-Assad n’était qu’une question de temps.
C’est autant dire qu’il est difficile d’envisager la survie d’un régime politique contre la volonté de son propre peuple. Le parti Baas, à travers le clan Assad, s’est maintenu au pouvoir par la force, la terreur, la brutalité, l’exclusion et la répression sanglante. Et pourtant, cela n’a pas garanti sa pérennité. Bachar el-Assad a fini par avoir peur et fuir la colère de son peuple.
La démocratie permet d’assoir la légitimité du pouvoir sur la volonté du peuple. Non seulement au moment des élections, mais également tout au long de l’exercice du pouvoir, par les mécanismes de dialogue avec les forces vives. «Tout ce qui est constructif pour notre futur doit être l’objet de notre concorde. Exclure les autres expose inutilement le pays à des dangers. Nul n’est assez fort pour le demeurer toujours», écrit le ministre d’Etat Alphonse Claude N’Silou, président du R.c (Rassemblement citoyen), dans on opuscule intitulé, «N’ayez pas peur. La démocratie va prévaloir».
En raison de ce titre, la pensée de ce leader de la majorité présidentielle a souvent été mal interprétée. Mais, tout le monde sait fort bien qu’un régime qui assoit son pouvoir par la terreur ou les intimidations, qui n’écoute pas son peuple et qui exclut des pans entiers des forces vives de la Nation, au destin de la chose publique, travaille à sa propre perte. Car, si les peuples avaient peur, la démocratie n’aurait pas existé dans ce monde. Autant mieux se le rappeler. Être à l’écoute de son peuple et répondre à ses attentes conduisent à la bonne gouvernance.
Bachar el-Assad a sans doute eu au sein de son parti des responsables qui lui avaient proposé une autre ligne politique que celle de la répression sanglante face à l’aspiration de son peuple au changement. En les écoutant, il aurait peut-être eu une fin de règne digne. Malheureusement, en croyant que son peuple demeurera dans la peur de sa dictature, il a eu une fin de règne humiliante. Tout ce qui commence finit toujours par finir. Ce qui compte, c’est de savoir finir dignement, en restant dans l’estime de son peuple. Et ceci ne dépend que de la manière d’exercer son autorité, car il est clair que les peuples du monde n’ont pas peur pour leurs destins.
Jean-Clotaire DIATOU