Cinq morts dans une cellule de garde-à-vue de la police, à Brazzaville. Un drame déjà vécu en 2018 dans la capitale et même à Pointe-Noire. Quelle leçon le gouvernement avait-il tiré de la situation tragique du commissariat de police de Chacona où 13 jeunes placés en garde-à-vue périrent par étouffement, suscitant l’indignation générale jusqu’en dehors des frontières? Six policiers furent jugés, les familles dédommagées vaille que vaille et on tourna la page. Qu’est-ce qui a changé dans la politique carcérale du gouvernement? Voilà qu’on revit la même chose, six ans après.
Depuis qu’on lutte contre le phénomène de criminalité de groupe, à partir des années 90, a surgi la problématique de la surpopulation carcérale. En réalité, c’est un mal chronique depuis pratiquement l’indépendance du pays. La population incarcérée augmente d’année en année et les établissements pénitentiaires, construits pour la plupart pendant la période coloniale, sont non seulement surchargés, mais encore soumis à la dégradation, par manque d’entretien et de réhabilitation. Ce sont les O.n.gs de défense des droits de l’homme qui, par leurs rapports critiques et indignés, poussent les pouvoirs publics à agir, pour réhabiliter une prison ici ou là.
Dans la politique de développement national, il n’y a pas que les routes, les écoles, les hôpitaux, etc, à construire. Il faut aussi construire des prisons. Ce ne sont pas des maisons pour faire du mal aux gens, en les confinant au seul rôle de lieu de punition. En principe, elles ont en premier lieu une vocation rééducative. Punir, dissuader, rééduquer, former, accompagner pour la réintégration sociale constituent, dans une société moderne tournée vers le progrès, les missions fondamentales que l’Etat assigne à un établissement pénitentiaire et même à des établissements spécialisés comme les centres de rééducation.
Avec des maisons d’arrêt suroccupées, il est apparu dans notre pays une politique non assumée de confier à la police et à la gendarmerie, la mission de garder dans leurs cellules, des prévenus en mandat de dépôt qui passent six mois, un an voire plus dans ces geôles qui n’ont pas cette vocation. Là aussi, les cellules de détention sont surchargées. Les gens y sont enfermés souvent dans des conditions dégradantes pour la dignité humaine, que les organisations de la société civile ne manquent pas de dénoncer de temps à autre.
L’Etat n’a pas pour vocation de se venger contre des vies humaines fussent-elles des bébés noirs. Respecter la dignité humaine, comme le recommande si bien notre Constitution, même pour les citoyens présumés auteurs de crimes abominables comme ces fameux bébés noirs qui tuent à la machette, ne veut pas dire les encourager dans leur égarement. Tout est dans la politique pénitentiaire qu’un pays met en œuvre. On ne peut pas lutter contre la criminalité des bandits appelés bébés noirs, si on n’a pas des prisons capables de leur faire subir des peines de privation de liberté de longue durée et même des perpétuités, la peine de mort ayant été abolie. L’emprisonnement protège la société des citoyens qui basculent dans le crime.
Notre drame et tout le monde le sait, c’est que les bandits arrêtés, même quand ils sont condamnés par la justice, retrouvent la liberté, six mois, un, deux ou trois ans plus tard. De telle sorte qu’ils reprennent leurs actes de banditisme, défiant les forces de l’ordre, au grand dam de la société qui est en train de subir une insécurité qu’on n’arrive pas à éradiquer. C’est ainsi qu’un bandit bébé noir s’est surnommé Aller-Retour, parce que, quand on l’envoyait à la Maison d’arrêt, il finissait toujours par sortir et reprendre ses actes de banditisme. Jusqu’au jour où, après avoir commis deux meurtres, la population, excédée, lui a fait subir la justice populaire, pour un voyage sans retour. Ça s’est passé à Gamboma. Est-ce cela que le gouvernement veut comme politique pénitentiaire?
L’HORIZON AFRICAIN