Dans notre gouvernance publique, il y a une véritable crise de moralité qui se caractérise par la perte de l’espoir et de la confiance et la montée des inquiétudes, de l’incertitude et même de la peur. C’est ce qui explique, à s’y méprendre, la persistance des anti-valeurs. Quand les chefs ne donnent pas l’exemple, quand ils tournent le dos au devoir de l’exemplarité, quand ils privilégient leurs intérêts, la société s’enfonce, chaque jour davantage, dans le précipice des anti-valeurs.
D’où l’impression de plus en plus partagée que le pays est en déclin, malgré ses ressources et ses politiques publiques mises en place qui auraient pu permettre de garantir réellement un développement harmonieux et épanouissant de la société congolaise. C’est le mal congolais que nos dirigeants refusent de voir en face, préférant emboucher continuellement le narratif du tout va bien, du plein succès, de victoire éclatante, suivant la sacro-sainte religion de l’autosatisfaction, tellement facile à n’importe quel quidam propulsé aux hautes fonctions de la puissance publique.
Lorsqu’un Chef d’Etat arrive dans un pays étranger où il n’est pas attendu, après avoir annoncé tambour battant qu’il s’en va signer des accords de coopération et qu’au sortir d’un tel fiasco diplomatique, la page soit tournée sans qu’on ne demande des comptes à qui ce soit, n’est-ce pas que nous nous mentons à nous-mêmes? Comment dans ce cas être surpris que l’enfant d’un haut dirigeant arrive à manquer de respect à un magistrat ou qu’un membre d’une délégation gouvernementale à l’étranger joue à la Nafissatou Diallo face à un gouvernement qui préfère la fuite en avant, au lieu de prendre ses responsabilités? On a l’impression qu’on se retrouve dans un cirque. Et pourtant, on est bien dans la gouvernance publique. Face aux questions qui touchent à la moralité publique, que faut-il faire?
Depuis plus de vingt ans, notre pays, sous le leadership du Président Denis Sassou-Nguesso, s’est lancé résolument dans la lutte contre les anti-valeurs, en matière de gouvernance publique. Les instruments institutionnels, juridiques et réglementaires ont été mis en place pour relever ce grand défi. Des campagnes de sensibilisation menées. Le gouvernement, à travers le Ministère du contrôle d’Etat, de la qualité du service public et de la lutte contre les antivaleurs, a annoncé mettre en œuvre une politique nationale de lutte contre les anti-valeurs, etc.
Mais, tout ça se résume en des discours incantatoires et des vœux pieux. Au point que le Chef de l’Etat est obligé de descendre de son piédestal pour dénoncer des vulgarités qui règnent dans tel ou tel autre secteur de la vie publique nationale. L’action même pédagogique ne suit pas, pour rappeler à la moralité les compatriotes investis de l’autorité publique. Eduquer les gens à ne plus recommencer serait une sorte de panacée. Mais, même cela ne semble pas possible. Dans la gestion de l’Etat, il n’existe plus que des chapelles, suivant le principe du mentorat. De telle sorte que chaque mentor protège les siens. Qui punir? D’ailleurs, punir est une action qui peut avoir des conséquences politiques imprévisibles et donc, mieux vaut se taire. Résultats des courses, les citoyens congolais ont le sentiment que le pays va à vau-l’eau, malgré un ordre apparent.
Mais, il y a lieu de comprendre que l’indignation publique est le dernier rempart face à la crise de moralité. A l’heure des technologies de l’information et de la communication, l’opinion publique s’est dotée d’une arme qui prend de l’efficacité: les médias sociaux. Malgré leurs imperfections, ils sont en train de changer la donne dans la gouvernance publique, comme on le voit dans les derniers scandales d’actualité dont on parle.
L’HORIZON AFRICAIN