L’éditorial de cette édition aurait pu être consacré à notre fête de l’indépendance. Surtout que la sortie du journal de cette semaine tombe pile-poil le jour même de cette fête nationale: le jeudi 15 août 2024.
Mais, notre rédaction a décidé de faire marche arrière, pour s’arrêter sur une question nationale qui a déchaîné les passions: la présumée vente des terres congolaises au Rwanda. A notre entendement, cette affaire, qui a surgi progressivement dans l’opinion à partir de 2021, a trouvé son épilogue devant l’assemblée nationale, la semaine dernière, par la ténacité d’une députée de l’opposition qui n’a pas voulu se laisser faire et la sagesse d’un président de l’assemblée nationale qui a porté entorse au règlement intérieur de son institution, pour imposer sa décision de donner la parole, ipso facto, à sa collègue, pour qu’elle s’exprime comme elle l’exigeait. De cet incident est sorti un bon éclairage qui permet de savoir de quoi retourne réellement cette affaire (Lire nos commentaires pages 5 et 4).
Beaucoup de compatriotes ont du mal à se rendre à l’évidence que le gouvernement n’a jamais procédé à une quelconque vente des terres. Ses erreurs, s’il faut parler ainsi, se situent ailleurs. En démocratie, la gouvernance publique a, à son tableau de bord, l’état de l’opinion publique. Celle-ci renvoie à la critique morale, moraliste ou moralisante de l’exercice du pouvoir. L’ignorer, c’est courir le risque de se mettre à dos son propre peuple. Dans la coopération avec le Rwanda, les dirigeants n’ont pas été attentifs à leur opinion publique.
Le Rwanda est accusé par les experts des Nations unies de soutenir la rébellion du M23, qui mène la guerre à l’armée gouvernementale de la RD Congo, avec les horreurs que l’on voit sur les populations civiles, dans la Province du Nord Kivu. Un adage dit, «quand la case du voisin brûle, hâte-toi de l’aider à éteindre le feu, de peur que celui-ci ne s’attaque à la tienne».
Au lieu de cela, Brazzaville a privilégié à partir de 2021, de donner une nouvelle impulsion à sa coopération avec le Rwanda. Quand bien même ce pays nie tout soutien à la rébellion du M23, les accusations onusiennes ne sont pas à prendre à la légère. Dès lors, donner un coup d’accélérateur à la coopération dans le domaine militaire avec Kigali, revient à prendre indirectement position dans la crise à l’Est de la RD Congo. Une position contre-nature pour les Congolais et qui les indispose profondément. Le moment était vraiment mal choisi.
Comment, dans ces conditions, Kinshasa ne verrait-il pas un complot Brazza-Kigali contre lui? Surtout que les populations des deux Congo sont historiquement et culturellement imbriquées, il n’y a plus à se poser des questions sur le transfert sentimental. Voilà qui a coûté cher à Brazzaville et qui lui a valu l’affaire de vente des terres au Rwanda, dans sa politique de coopération foncière et d’autorisations expresse d’occuper. Cette affaire était une rengaine de l’opinion publique contre les dirigeants, parce que ceux-ci ne l’écoutaient pas.
La suspension du processus de ratification de l’accord militaire avec le Rwanda laisse présumer que quand un pays en arrive là, c’est qu’il n’a pas, au préalable, pris le soin de regarder les contours d’un tel engagement. Pourtant, c’était possible. Il a fallu la pression de l’opinion pour le comprendre. Mieux vaut tard que jamais. Enfin! Mais, il ne faut jamais oublier que gouverner, c’est prévoir.
L’HORIZON AFRICAIN