Il l’avait promis depuis près de trois mois. Le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a finalement tenu sa promesse de remanier le gouvernement, qui a été rendu public à travers une ordonnance présidentielle lue à la télévision nationale, dans la nuit du jeudi 23 au vendredi 24 mars 2023. Et c’est une équipe gouvernementale aux visées électoralistes qu’il a constituée, avec l’entrée de deux poids lourds de la classe politique congolaise, Jean-Pierre Bemba Gombo, comme vice-premier ministre, ministre de la défense nationale, et Vital Kamerhe, qui a été nommé Vice-premier ministre, ministre de l’économie nationale.
Selon la Ceni (Commission électorale nationale indépendante), l’élection présidentielle est prévue le mercredi 20 décembre 2023 en RD Congo. C’est un scrutin qui sera couplé aux législatives nationales et provinciales, y compris l’élection des conseillers communaux. Mais, des contraintes sécuritaires, financières et politiques risquent de faire glisser cette date, si elles ne sont pas surmontées, avait averti le président de la Ceni, Denis Kadima.
Quoiqu’il en soit, à neuf mois du rendez-vous électoral qu’il a, le Président Tshisekedi a pris la dernière ligne droite le conduisant aux élections, en s’offrant les services de deux poids lourds de la classe politique congolaise, dans le gouvernement Lukonde 2, pour renforcer l’Union sacrée, sa famille politique.
Fondateur du M.l.c (Mouvement de libération du Congo) à la fin des années 90, ancien chef de guerre et ancien Vice-Président de la République pendant la transition (2003-2006), acquitté par la C.p.i (Cour pénale internationale) en juin 2018 de sa condamnation en première instance à 18 ans de prison pour «crimes de guerre» et «crimes contre l’humanité», Jean-Pierre Bemba Gombo participe à la création, en novembre de la même année, de la plateforme Lamuka qui soutient la candidature unique de l’opposition, représentée par Martin Fayulu, à l’élection présidentielle de décembre 2018. Il y retrouve Tshisekedi et Kamerhe, mais ceux-ci se retirent, ne voulant pas être derrière Martin Fayulu.
Après l’élection présidentielle, Jean-Pierre Bemba s’est rapproché de Félix Tshisekedi. Le Président de la RD Congo, qui a besoin de renouveler son mandat, veut s’assurer de bons relais pour capitaliser l’électorat du Nord du pays. Le président du M.l.c fait l’affaire et le voilà propulsé dans le gouvernement, comme vice-premier ministre en charge de la défense nationale, à l’heure où le pays fait face à la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda, dans la Province, du Nord Kivu.
Lorsqu’il avait présenté sa candidature à l’élection présidentielle de 2018, Félix Tshisekedi avait comme seul allié politique d’envergure, Vital Kamerhe. Elu à la tête du pays, il fera de ce dernier son directeur de cabinet. Mais celui-ci s’enfoncera dans des problèmes d’anti-valeurs, par le détournement de fonds d’un programme présidentiel de construction de logements, appelé «travaux de cent jours». Arrêté en avril 2020, il subira un feuilleton judiciaire à couper le souffle. Le 20 juin 2020, pour les griefs de «détournements, corruption aggravée et blanchiment d’argent», le Tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe le condamne à «20 ans de travaux forcés, 10 ans d’inéligibilité et d’interdiction d’accès aux fonctions publiques». Le tribunal ordonne ensuite la confiscation des comptes et propriétés de membres de sa famille.
Bref, Kamerhe n’était plus que l’ombre de lui-même, un simple prisonnier. Mais, tant qu’il vit, l’homme politique ne disparaît jamais. Un an plus tard, la Cour d’appel réduit sa peine à 13 ans de prison. Finalement, Vital Kamerhe retrouve sa liberté le 6 décembre 2021, sur décision de la Cour de cassation et il est autorisé à se faire soigner en France. Le 23 mars 2023, dans la nuit, le gestionnaire des «travaux de cent jours» a été appelé à s’occuper maintenant de l’économie nationale. Le besoin de rallier l’électorat de l’Est a amené le Président Tshisekedi à ne pas lésiner sur les moyens.
L’élection présidentielle de décembre 2023 en RD Congo pourrait avoir comme principale affiche, un combat à trois entre Tshisekedi, Fayulu et Katumbi. L’ancien Président, Joseph Kabila, n’ayant pas montré de signes de s’engager dans la course, ne sera peut-être plus le faiseur de roi comme en décembre 2018.
Jean-Clotaire DIATOU