Il y a plus de 62 ans, onze mois après l’indépendance de notre pays, le Congo-Brazzaville, le Président Fulbert Youlou avait fait de la construction du barrage hydraulique du Kouilou, son rêve et son cheval de bataille économique. Le 24 mars 1961, il donnait le coup d’envoi de ce barrage, lors d’une cérémonie officielle de lancement des travaux préliminaires, en présence du représentant du gouvernement français, Pierre Bokanowski, de quelques membres de son gouvernement (Stéphane Tchitchelle, Germain Bicoumat, Alphonse Massamba-Debat, Victor Sathoud et Issac Ibouanga) et d’un hôte particulier, Moïse Tshombé, leader sécessionniste de la Province du Katanga (RD Congo). Sa chute, le 15 août 1963, condamna le projet à l’oubli, avant que le Président Pascal Lissouba tente de le reprendre en 1997, sur un montage financier sud-africain. Revenu aux affaires, le Président Denis Sassou-Nguesso s’est enfin intéressé à ce projet et a engagé le Congo, représenté par le ministre Jean-Jacques Bouya, en charge des grands travaux, dans un accord conclu le 11 octobre 2014, avec la S.f.i (Société financière internationale), filiale de la Banque mondiale, pour la réalisation des études de faisabilité dont les résultats sont rendus publics le 4 novembre 2014. Depuis, le projet semble de nouveau être mis en veilleuse.
Sounda est un village situé dans le Département du Kouilou, à 115 kilomètres de Pointe-Noire, sur l’axe Malélé-Kakamoéka. Au niveau de ce village, le Fleuve Kouilou se rétrécit et forme des gorges abruptes sur 1800 mètres de longueur et 300 mètres de profondeur, offrant une belle perspective sur les deux rangées de hautes collines rocheuses couvertes de végétation. A cet endroit, le débit du fleuve est décuplé, formant ainsi un site naturel idéal pour la production de l’électricité.
A ce propos, le Président Youlou déclarait, dans son discours à la cérémonie de lancement des travaux de construction dudit barrage: «L’avenir du Congo est ici même et le barrage conditionne et détermine à lui seul notre évolution. Il est capable de transformer le pays selon les données les plus modernes, de nous hausser au rang de puissance économique et industrielle, de transformer radicalement les conditions de vie et le pouvoir d’achat de la masse en fournissant à bon compte l’énergie qui nous manque et de parachever l’indépendance politique acquise par l’indépendance économique toute aussi forte et toute aussi impérieuse… Le Kouilou retient l’attention combinée de l’industrie de l’aluminium, de l’industrie des ferro-alliages, des industries de l’azote et du phosphore, et même dans une certaine mesure des industries nucléaires, puisqu’il n’est pas exclu que la séparation isotopique, à l’échelle européenne, soit conduite à chercher une solution de son problème au Congo».
Ce barrage devait être construit sur un site naturel extrêmement privilégié pour l’implantation d’une usine hydro-électrique. Il s’agit du site de Sounda, sur le Fleuve Kouilou, dans la traversée du massif du Mayombe. Le débit du moyen du Fleuve Kouilou à cet endroit est de 1.000 mètres-cubes par seconde. Le barrage, dont la construction devait suivre les travaux alors en cours, aurait permis la construction d’une surface de retenue de 1.800 kilomètres-carrés, pour une capacité de 35 milliards de mètres-cubes, l’une des plus grandes du monde.
Son électricité pourrait être utilisée dans l’électro-métallurgie (aluminium, principalement, ferromanganèse, ferro-silicium), l’électrochimie carbure de silicium, magnésium, phosphore) et diverses autres industries (pâte à papier notamment). De nombreux travaux avaient déjà été entrepris, en vue de la réalisation dudit projet. La route d’accès au site était achevée. Une galerie de pilotage de 600 mètres et la tête amont de la dérivation provisoire étaient en cours de percement.
Désireux de prendre en main les négociations qui devaient aboutir à l’édification du plus puissant barrage d’Afrique, à l’époque, et permettre au Congo de faire de Pointe-Noire un grand centre industriel, le gouvernement du Président Fulbert Youlou avait déclaré, par la loi du 22 décembre 1960, les travaux d’utilité publique et créé, par décret du 25 février 1961, un «Office national du Kouilou (Onako)». Cet office, qui était dirigé par le ministre Germain Bicoumat, même sous le gouvernement du Président Alphonse Massamba-Débat (1963-1968), au nom du principe de la continuité de l’Etat, était chargé d’assurer l’exécution des conventions passées par le gouvernement, de procéder à toutes les études nécessaires à la réalisation de l’ensemble hydroélectrique, d’établir les programmes et de gérer l’ensemble des moyens financiers. A ce titre d’ailleurs, une loi du 31 décembre 1961 instituait un fonds national d’investissement, spécialement affecté aux travaux du barrage de Sounda.
Lors de la signature de l’accord avec la S.f.i, le ministre Jean-Jacques Bouya avait affirmé: «Le développement de cette nouvelle source d’énergie fiable et renouvelable est une priorité pour le gouvernement de la République du Congo. Cette source encouragera de nouveaux investissements dans le pays et apportera l’énergie nécessaire pour accélérer notre développement social et économique». Mais, il aura fallu attendre cinq ans, pour que les résultats des études de faisabilité soient publiés. Pourtant, et cela va sans dire, la relance du barrage du Kouilou est un évènement on ne peut plus riche de conséquences positives pour le développement de l’économie de notre beau pays, le Congo. Pourquoi l’ignorer et le renvoyer ipso facto aux calendes grecques?
En effet, nul n’est besoin de rappeler qu’avec la construction de ce barrage, des industries annexes permettraient de transformer, dans les années à venir, la physionomie de notre économie, en résorbant, sans doute, la masse des jeunes en quête d’un emploi permanent dans notre pays en général et dans nos villes en particulier. N’est-il pas temps pour nos autorités de prendre à bras-le-corps, ce projet de construction du barrage du Kouilou? N’est-il pas temps de le relancer pour l’intérêt du pays et du peuple congolais soumis à des délestages ou des black-out d’électricité, quitte à espérer l’importation de l’élection de la RD Congo?
Dieudonné
ANTOINE-GANGA