Le Président de la République a promulgué, le 24 avril 2024, la loi portant orientation de la réforme de l’Etat (Loi n°4-2024 du 24 avril 2024). Comme d’habitude, la publication de cette loi n’est accompagnée d’aucun commentaire du côté du gouvernement. Au regard de cette loi, on peut affirmer que le ministre délégué à la réforme de l’Etat, Luc Joseph Okio, a désormais la base juridique nécessaire, pour conduire à bon port, la réforme de l’Etat, un processus qui a toujours fait partie des portefeuilles gouvernementaux depuis les années 80, mais dont l’aboutissement reste nébuleux, car on ne sait pas de quoi relevait exactement la réforme de l’Etat. La nouvelle loi a le mérite de rendre clairs les objectifs de la réforme et, surtout, de conférer une base éthique à l’action de l’Etat, pour ne plus laisser aux politiques, la liberté de faire ce qu’ils veulent des biens de l’Etat.
Parmi les douze objectifs que la loi assigne à la réforme de l’Etat, il y a celui de «promouvoir l’éthique, la transparence, la redevabilité dans les institutions, l’administration publique et les entreprises publiques». Trop de hauts-fonctionnaires dirigent les affaires publiques comme leurs épiceries privées, croyant qu’ils n’ont pas le devoir de rendre des comptes à leurs personnels ni même à leur hiérarchie encore moins de produire des rapports d’exécution de leurs missions. La loi définit la redevabilité comme l’obligation de rendre des comptes.
Au-delà, la nouvelle loi fait reposer la gestion de l’Etat sur des valeurs et principes précis: «l’intérêt général, l’adaptabilité, la performance, la décentralisation, la cohérence, l’efficacité, l’efficience, la transversalité, l’opportunité, l’innovation, la simplification, la facilitation, la responsabilité, l’éthique, la participation et l’appropriation, la transparence, la redevabilité, l’égalité, la justice sociale, la continuité et l’équité». Il n’est pas rare de trouver dans les services publics, des chefs qui refusent de payer les dettes de l’administration ou de l’entreprise publique laissées par leurs prédécesseurs. Maintenant, c’est clair, la gestion de l’Etat repose sur le principe de la continuité et tout le monde le sait, quoiqu’il en soit.
Il est institué une Commission nationale de la réforme de l’Etat. Celle-ci est prolongée par des comités sectoriels de réforme. Il est aussi prévu un Fonds d’appui pour la réforme de l’Etat. Il est chargé de mobiliser les ressources financières nécessaires au financement de la politique nationale de la réforme de l’Etat. Ce cadre institutionnel est sous la tutelle du Premier ministre chef du gouvernement. C’est lui, le super patron de la réforme de l’Etat, à qui le ministre délégué chargé de la réforme de l’Etat rend compte, à travers ses rapports.
Peut-on espérer qu’avec la promulgation de cette loi, la réforme de l’Etat va désormais être un processus qui va se réaliser concrètement dans la gestion de l’Etat? La réponse confine plutôt au doute. A l’exemple de la loi sur la transparence de la gouvernance financière, qui a permis de mettre en place la C.n.t.r (Commission nationale de transparence), et qui est, généralement, ignorée par les gouvernants, les institutions, les administrations et les entreprises publiques, la loi sur la réforme de l’Etat va sans doute avoir le même sort. Tout y est dit. Mais, il est peu probable, dans le contexte politique national, que la pratique suive. En théorie, les politiques congolais disent combattre les anti-valeurs, mais dans la pratique, ils ferment les yeux sur les anti-valeurs, tant que celles-ci les arrangent.
Comme d’autres, cette loi va servir beaucoup plus à meubler la vitrine nationale des instruments juridiques dont le Congo est doté, pour les besoins de son image internationale. Bien dommage!
Jean-Clotaire DIATOU