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Rétrospective : Repose en paix, Abbé Fulbert Youlou, premier Président du Congo !

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Le Président Fulbert Youlou reçu aux Etats-Unis par le Présient John F. Kennedy.

Il y a 52 ans, exactement le 5 mai 1972, que le premier Président de notre pays, l’abbé Fulbert Youlou, est décédé en exil, à Madrid, capitale de l’Espagne, la France de Charles De Gaulle lui ayant refusé l’asile politique, alors qu’il avait sollicité de s’installer à Nice, pour suivre des soins médicaux. La manière dont le premier Président du Congo a été bouté hors du pouvoir, à travers les émeutes des 13, 14 et 15 août 1963, ne cesse de ressusciter dans les cœurs de certains compatriotes, la haine de le fustiger et de le calomnier. Politique politicienne, démagogie, malhonnêteté intellectuelle de la part de ces détracteurs? That is the question.

Notre premier Président de la République, Monsieur l’abbé Fulbert Youlou, maire de Brazzaville, n’est resté au pouvoir que trois ans (1960-1963), après l’indépendance du pays. Il est arrivé au sommet de l’Etat, d’abord comme Premier ministre élu par l’assemblée, le 28 novembre 1958, à Pointe-Noire, capitale du Moyen-Congo, sous la contestation de Jacques Opangault et ses partisans, puis élu Président de la République, par l’assemble nationale, le 21 novembre 1959. Après l’indépendance et la réconciliation avec Jacques Opangault qui a fait son entrée au gouvernement en tant que ministre d’État, vice-président du conseil, Fulbert Youlou est réélu Président de la République au suffrage universel direct, le 20 mars 1961, avec 97,56% des voix, étant le candidat de l’U.d.d.i.a et du M.s.a.
D’aucuns ont continué ou continuent à le calomnier, en le rendant par exemple responsable des émeutes de 1959, entre les militants du M.s.a (Mouvement socialiste africain) du Jacques Opangault et ceux de son parti, l’U.d.d.i.a (Union démocratique pour la défense des intérêts africains), et non entre les Mbochis et les Koongos, comme osent l’affirmer certains politiciens.

Le Président Fulbert Youlou.

D’autres l’ont accusé d’avoir tout volé, en reprenant comme des perroquets, ce que les militants de l’U.j.c (Union de la jeunesse congolaise) d’obédience communiste, sous la conduite d’Ange Balossa N’Tari alias Beloz, chantaient à tue-tête pendant les événements des 13, 14 et 15 août 1963, les fameuses trois journées glorieuses. Une rengaine que certains avaient prise comme une parole d’Évangile et relayée à l’époque par le journal «Dipanda» dont le ministre Claude Ernest Ndalla alias Graille fut rédacteur en chef. Une véritable manipulation politicienne. Comme l’a dit Vilfredo Pareto, «certaines révolutions n’ont abouti qu’à duper le peuple». Qui plus est, «les rumeurs sont comme les papillons: une fois envolées, il est difficile de les rattraper», dixit François Mitterrand.
Loin de moi l’idée de remuer le couteau dans la plaie. Mais, il me revient, en tant que citoyen congolais, témoin des émeutes de 1959 et des événements des 13, 14 et 15 août 1963, de rétablir la vérité des faits, tout en faisant montre d’honnêteté intellectuelle. Car «celui qui sait la vérité et ne hurle pas la vérité, se fait complice des escrocs et des faussaires», dixit Charles Péguy. Ainsi me permettrais-je de partager ce que j’ai écrit, il y a quelques années dans l’hebdomadaire «La Semaine Africaine»:
«…Que s’était-il passé en réalité en 1959?
En 1959, l’U.d.d.i.a, le parti de l’abbé Fulbert Youlou accéda au pouvoir à la suite de la politique de la chaise vide appliquée par le M.s.a de M. Jacques Opangault; ce qui fut une erreur politique et fatale pour ce dernier. Il faut le reconnaître. Car, la politique de la chaise vide n’est pas payante. En effet, du 25 au 30 novembre 1958, les dirigeants des partis politiques, des organisations syndicales et du Conseil du gouvernement de coalition, se retrouvèrent à Pointe-Noire, capitale du Moyen-Congo, pour se mettre d’accord sur la nouvelle forme des institutions à mettre en place. Les uns et les autres, en l’occurrence ceux des deux principaux partis, l’U.d.d.i.a et le M.s.a n’arrivèrent pas à s’entendre. Au plus fort de la discussion, un député du M.s.a, M. Yambot, député de Mossendjo (Niari), annonça son passage à l’U.d.d.i.a. Après quelques échanges houleux, les députés du M.s.a quittèrent la salle, laissant la place à leurs collègues de la majorité U.d.d.i.a qui se mirent immédiatement au travail, sous la direction de Christian Jayle, député de Kinkala (Pool), président de l’Assemblée du Moyen-Congo, pour voter une Constitution qui leur était favorable. Une nouvelle organisation de gouvernement fut mise donc sur pied. M. Jacques Opangault, alors Premier ministre, fut remplacé par M. l’abbé Fulbert Youlou. Puisque Pointe-Noire, ville originaire de M. Félix Tchicaya, l’allié de M. Jacques Opangault, était hostile au nouveau gouvernement de M. l’abbé Fulbert Youlou, les députés de l’U.d.d.i.a décidèrent alors le transfert du siège de l’Assemblée à Brazzaville, devenue capitale du Congo, destination vers laquelle ils se rendirent immédiatement et de nuit par l’autorail.
En 1959, pour éviter que l’U.d.d.i.a ne s’organisât au pouvoir et ne consolidât sa situation dans le pays, le M.s.a réclama en vain la dissolution de l’Assemblée et l’organisation de nouvelles élections législatives. Entre temps, les militants du M.a.a et du P.p.c, incités par quelques députés dont M. Pouy, lancèrent des appels réitérés à la guerre civile et sortirent un tract dans lequel ils déclarèrent «le larisme insolent et envahissant». Des émeutes éclatèrent alors, tant à Bacongo qu’à Poto-Poto, entre les militants de l’U.d.d.i.a et du M.s.a-P.p.c, et non entre Bakoongos et Mbochis, comme on le raconte sans vergogne. Des pillages et des viols furent enregistrés. Le bilan de ces émeutes se présenta malheureusement comme suit: plus de 100 morts, 177 blessés et 350 maisons détruites. Le Président abbé Fulbert Youlou, le Vice-Président Jacques Opangault, le ministre Stéphane Tchitchelle et tous leurs collègues et acteurs politiques de l’époque, en grands patriotes, faisant leur ces paroles de Jacques Chaban-Delmas «il faut toujours tirer la leçon du passé. Les problèmes personnels sont dérisoires par rapport au bien du pays. Les mauvais souvenirs sont à écarter», avaient pu faire preuve de dépassement, dans l’intérêt supérieur du pays et des populations congolaises. Le Congo et les populations connurent une ère de paix. La preuve: les nouvelles élections présidentielles de 1961 au cours desquelles, M. l’abbé Fulbert Youlou, candidat consensuel et unique, fut élu démocratiquement Président de la République, se déroulèrent sans incident. Le Président abbé Fulbert Youlou et le Vice-Président Jacques Opangault donnèrent la priorité au Congo. N’en déplaise aux revanchards et autres fossoyeurs de la paix et de l’unité nationale, qu’on se le dise une fois pour toutes; ils n’incitèrent point à la guerre civile. Ils comprirent que construire ensemble notre pays était un défi qui devait aller au-delà de leurs propres frustrations, de leurs propres échecs, de leurs propres haines, de leurs propres deuils».
C’est l’occasion d’affirmer ici, haut et fort, que le Président abbé Fulbert Youlou et le Vice-Président Jacques Opangault n’étaient pas des aigris et des revanchards. Ils étaient des hommes supérieurs, c’est-à-dire ceux qui, selon Confucius «ont mis d’abord leurs paroles en pratiques, ensuite ont parlé conformément à leurs actions, ont eu une bienveillance égale pour tous et qui ont été enfin sans égoïsme et sans particularité».
Quant à ceux qui affirment qu’il aurait tout volé, je leur réponds que c’est archi-faux. Même le tribunal populaire dont le ministère public était tenu par le procureur général de la République, Roch Auguste Nganzadi, et qui était présidé par Stanislas Batchi, quoique l’ayant condamné par contumace, n’avait pas pu étayer les preuves des chefs d’accusation dont les détournements de deniers publics que l’on reprochait au Président Youlou.
Il y a quelques années, le ministre Simon-Pierre Kikoungha Ngot, issu pourtant du M.s.a, donc de l’opposition, son adversaire politique, faisant montre d’honnêteté intellectuelle, avait déclaré urbi et orbi, sur les antennes de Rfi, que le Président Youlou n’avait jamais détourné des deniers publics. De son côté, notre compatriote Mfumu qui nous a quittés il y a deux ans, écrivait dans Les Dépêches de Brazzaville numéro 3291 du vendredi 10 août 2018: «Dans un audit jamais publié, commandé par le gouvernement Massamba-Débat, aucune trace de détournement de deniers publics imputables à l’abbé Fulbert Youlou n’a été relevée».
Pour sa part, mon ami Lecas Atondo-Monmondjo a écrit à ce propos, dans «La Semaine Africaine» n°3741 du 10 novembre 2017: «…On parla longtemps de la fortune de l’abbé. Mais, sa fortune vint de sa collaboration et de la générosité du sécessionniste Moïse Tchombé du Katanga… Brazzaville fut, sous Youlou, le grand appui de Tchombé en Afrique centrale. Moïse Tshombe ayant frappé sa propre monnaie, refila à Youlou tous les francs congolais (forte monnaie). C’est Hazoumé qui ramena des malles pleines de billets d’argent congolais du Katanga. L’abbé s’employa à les changer en francs belges, puis en francs Cfa… Le slogan «Youlou a tout volé» ne refléta pas la vérité. Un haut fonctionnaire du trésor, chargé dans une commission d’instruire le dossier Youlou sur des détournements de fonds publics, m’assura que Youlou ne touchait point à l’argent public…».
D’autre part, il sied de signaler, pour notre gouverne et celle des générations futures, qu’avec l’argent reçu de Tshombe, le Président Youlou, au lieu de le garder par devers lui-même ou de le mettre dans des comptes à l’étranger, l’avait utilisé pour acheter, pour le compte de notre pays, le Congo: la résidence de l’ambassadeur du Congo en France, à Vaucresson, banlieue parisienne, les appartements de la Rue Boussingault pour les stagiaires congolais en France, la Maison des étudiants congolais (la M.e.c) à Paris, dans la Rue Broca, les immeubles abritant les chancelleries congolaises à Paris, à Washington aux Etats-Unis, à Bruxelles, en Belgique, la résidence du représentant du Congo aux Nations unies, à New-York.
Toujours avec cet argent, il a construit à Brazzaville, l’Hôtel de ville, les sièges des mairies des arrondissements de Bacongo, Makélékélé, Moungali et Ouenzé, le commissariat central devenu depuis, l’État-major de l’armée, l’Hôtel Bilombo (nom de sa mère), récupéré par le gouvernement révolutionnaire du Président Alphonse Massamba-Débat et rebaptisé Olympic palace, à l’occasion des Premiers jeux africains, en 1965.
Enfin, «le Président abbé Fulbert Youlou fut un grand bâtisseur à l’image de Houphouët-Boigny, son modèle. Il installa la première chaîne de télévision en Afrique noire. Il prit l’initiative de convoquer la première conférence des Chefs d’État d’expression française (décembre 1960). Cette conférence se transforma en Union africaine et malgache, qui prit le contrepied du groupe de Casablanca, celui des progressistes…», dit encore mon ami Lecas Atondi-Monmondjo.
Cessons donc de calomnier le Président Youlou. Ne continuons pas à fouiller tout le temps dans sa poubelle qui est certainement moins puante que les nôtres. Il y a tellement eu d’événements dans notre pays, depuis le 15 août 1963, date de sa démission. Utilisons un langage unificateur, un langage de paix. Passons de la violence au dialogue. Faisons nôtre, cette pensée du Premier ministre Bernard Kolélas: «La paix sociale, la justice, l’entente nationale sont un passage obligé pour notre pays. C’est notre seule planche de salut face à la misère sociale qui s’aggrave de jour en jour. C’est pourquoi nous demandons à tous nos compatriotes d’enlever tout obstacle sur le chemin de la paix, de transcender nos égoïsmes et nos divisions, nos rancœurs et méchancetés inutiles pour la construction d’un Congo démocratique, digne de nos meilleures traditions sociales et morales animées par l’esprit de famille élargie, l’esprit de fraternité et de solidarité agissantes. Il est donc temps de travailler patiemment chacun à son modeste niveau, à l’éclosion d’une élite au sens politique, intellectuel et spirituel du terme. Sans elle, point d’émancipation». Comme l’affirme souvent, mon ami Lecas Atondi Monmondjo, «il faut rassembler l’intelligence des gens capables de repenser notre pays qui peut être sauvé par un nouvel élan d’union, de fraternité et d’amour. Il faut donc des actes fondateurs forts, mais qui doivent être bien pensés et conduits».
Léguons donc aux générations futures, l’esprit patriotique, la vérité et l’honnêteté intellectuelle. Avec le cardinal Émile Biayenda, j’affirme et je crois que «l’amour est le pardon, la paix est son essence, le dialogue est sa joie. On ne s’aime réellement que lorsque l’amour devenant miséricorde, pardonne tout, en élevant l’autre au plus profond de son humilité».
Enfin, n’en déplaise à ses détracteurs, le Président Fulbert Youlou fait partie, comme l’a affirmé le ministre Joseph Ouabari Mariotti, de «ces grands hommes politiques, humbles, non préoccupés par l’accumulation des biens et ne dérangeant personne, mais très attachés aux valeurs nationales communes». Repose en paix, Président abbé Fulbert Youlou et là où tu es, intercède pour notre pays le Congo.

Dieudonné
ANTOINE-GANGA

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