Les histoires d’arrivée tardive à l’hôpital, ce n’est pas ce qui manque dans notre pays. Hier, c’était avec les nganga (féticheurs ou guérisseurs). Depuis, on note une aggravation de ce phénomène de société, avec l’avènement des églises dites de réveil. Et des malins de tous genres s’y sont interposés, pour proposer des solutions à la carte, pour une guérison miracle des maladies en tous genres, car rien ne leur est impossible. Et les conséquences dramatiques sont nombreuses.
Quel que soit l’état de notre système de santé, celui-ci est en état de faire face aux différentes situations d’urgence, à une seule condition: la prise en charge précoce. Le plus souvent, les malades accèdent aux soins, après une prise en charge dans les locaux de nouveaux messies ou des églises de réveil où des pasteurs promettent la guérison.
Or, pour beaucoup de pathologies, le temps «c’est la vie». Si on n’arrive pas à temps à l’hôpital avec le malade, parce qu’on est d’abord passé chez le pasteur, on réduit les chances de survie du malade. Une vraie perte de chance que nos hôpitaux ne peuvent pas rattraper dans les conditions actuelles. Les conséquences de prise en charge tardive sont nombreuses pour chaque pathologie. Mais, il y a des pathologies qui, si elles sont prises en charge à temps, permettent de sauver le malade.
Le paludisme pris en charge tardivement va, par exemple, déclencher une cascade de conséquences. La fièvre, les vomissements, la diarrhée, tous ces symptômes sont responsables de la déshydratation, surtout chez les personnes âgées et les enfants. Or, la déshydratation à l’extrême, quand on a perdu trop temps, peut entraîner le délire, la perte de conscience voire le coma. L’hypoglycémie et l’hyperglycémie dont le retard de diagnostic peut être fatal. Le malaise, qui peut être une sensation pénible ou un trouble physiologique mal localisé, un sentiment de gêne, d’inquiétude ou de tension, a aussi son état grave qui se traduit par la défaillance des forces physiques pouvant aller jusqu’à l’évanouissement.
L’hypoventilation se manifestant par une respiration trop lente, le corps n’arrivant plus à faire plus d’efforts pour respirer, peut se compliquer avec l’épuisement du système respiratoire, si on n’intervient pas à temps.
Une insuffisance rénale fonctionnelle que l’hydratation améliore. Un accident vasculaire cérébral ischémique dû à un caillot de sang dont la prise en charge doit se faire dans les quatre premières heures. Or, si l’on ignore cette notion, la perte de temps peut exposer le malade à une situation fatale.
Sans oublier le tableau du syndrome confusionnel, une pathologie qui se manifeste par l’agitation corporelle interprétée chez nous comme une possession de la victime par les mauvais esprits ou le diable (ndoki), avec des conséquences sociales graves (agression physique par la population allant jusqu’au décès du malade). Alors qu’une prise en charge à temps permet de diagnostiquer le mal à l’origine du syndrome confusionnel pour le traiter.
Pire encore, un accident vasculaire hémorragique, souvent dans un cas sur deux, se traduit par un malaise, des convulsions, des maux de têtes, voire un coma. Une perte de temps car nos hôpitaux sont capables de le prendre en charge.
La douleur thoracique, il s’agit d’une urgence vitale, elle n’a pas sa place en dehors d’un service hospitalier. Si c’est le cas, c’est la mort assurée. Les prophéties des gourous ne serviront à rien. Le temps de prise en charge est équivalent à celui de l’accident vasculaire cérébral.
L’embolie pulmonaire, pour simplifier, il s’agit d’un caillot dans les poumons, le plus souvent parti des membres inférieurs (dans un contexte inflammatoire; alitement; troubles du rythme cardiaque). Il s’agit d’une urgence médicale. Les cas de mort subite sont très élevés, idéal pour un coupable tout désigné, le ndoki (sorcier), avec une mortalité élevée, mais prise en charge à temps, il persiste une chance de s’en sortir.
La crise épileptique: plusieurs pathologies peuvent se manifester par une crise d’épilepsie, seul un médecin peut en déterminer l’origine et il existe un ensemble de traitements capable de permettre une prise en charge efficace+++, sans cela c’est la mort assurée, soit par la chute qu’elle occasionne (traumatisme crânien), soit par une pneumopathie d’inhalation, la conséquence de l’ignorance des gestes de secours (mettre le malade en position latérale de sécurité).
Si nos nouveaux messies ont des connaissances que la médecine ignore, il leur appartient d’en faire profiter la population congolaise et le monde entier. On leur demande alors de publier leurs connaissances, pour les comparer et voir les confronter à la médecine moderne, pour le bien de l’humanité: «Tu aimeras ton prochain».
Mon message est de dire nous sommes libres, dans nos croyances, devant un cas de maladie, de commencer par la médecine moderne validée, et parallèlement, de solliciter «un homme de dieu». Car, la priorité doit rester l’hôpital, quelles que soient les difficultés du moment. En effet, l’amplification du phénomène du recours aux églises et autres guérisseurs spirituels contribue à la déstructuration du système de santé, malgré les efforts de certains professionnels de santé. L’hôpital n’inspire plus confiance à la population, car trop de gens y meurent. Or, les gens perdent souvent leur temps à aller chez les pasteurs et quand les choses se gâtent là-bas, ils courent ensuite à l’hôpital, au moment où il est trop tard. Une telle régression de notre société n’augure rien de bon pour l’avenir. Il appartient aux autorités nationales de récréer un climat de confiance des populations dans notre système de santé.
Dr Patrice Diaz
BADILA KOUENDOLO
Chef de pôle, chef de service de Gériatrie;
Hôtel Dieu groupe SOS Le Creusot France;
Spécialiste des maladies dégénératives;
Expert en gestion et politiques de santé.