Ce qui est arrivé aux évêques du Congo est regrettable. Il est clair que nos pasteurs sont mus par une bonne intention, celle de mettre la lumière sur une question qui chauffe les esprits: l’attribution des terres agricoles congolaises au Rwanda. Mais, ils s’y sont mal pris. Après n’avoir écouté qu’un seul son de cloche, celui du gouvernement, ils se sont précipités à tirer une conclusion, mettant ainsi le feu aux poudres.
Le gouvernement ne les a pas trompés, mais il s’est servi de leur candeur. Les hommes d’Eglise sont loin de s’imaginer que la politique est l’une des sciences humaines la plus inexacte, celle qui donne la liberté d’influencer ou de catalyser, pour aboutir au résultat escompté. Pourtant, il y a bien des associations ou O.n.gs proches de l’Eglise qui auraient pu éclairer la lanterne de nos leaders religieux, pour éviter la cacophonie dans laquelle ils sont tombés. Il leur fallait simplement les appeler et les écouter. Nous pensons par exemple à la Commission justice et paix. Nous sommes convaincus qu’avec leur éclairage, ils auraient pu agir conformément à ce qu’on n’attend d’eux: la parole sage qui appelle tout le monde, gouvernants et citoyens, à l’effort.
Le peuple congolais n’est pas xénophobe. Il y a des communautés étrangères qui se sentent bien intégrées au Congo depuis des décennies. L’arrondissement de Poto-Poto offre le meilleur exemple du vivre-ensemble panafricain, dans une harmonie sociale qui permet à tous de s’épanouir.
Au regard de l’évolution du débat, tout le monde sait dorénavant que si le peuple congolais s’oppose à l’attribution de terres agricoles à nos amis rwandais, c’est en raison de la guerre dans la Province du Nord-Kivu, à l’Est de la RD Congo, avec ses images horribles de massacres de populations, de femmes violées, etc. Le Rwanda est accusé par les Nations unies et les puissances internationales, de soutenir la rébellion du M23 responsables, pour l’essentiel, de ces massacres. Et même si le Rwanda rejette ces accusations, tant que la guerre ne cesse pas dans le Nord-Kivu, il continuera à faire face à cette accusation. Les Congolais ne veulent pas se retrouver un jour dans la peau de complices des Rwandais, parce que, pendant qu’on massacre à l’Est de la RD Congo, au lieu d’éteindre le feu, ils auront choisi de ne s’intéresser qu’à la coopération bilatérale avec le Rwanda. Ne dit-on pas que «quand la case de ton voisin brûle, hâte-toi de l’aider à éteindre le feu, de peur que celui-ci ne s’attaque à la tienne»? Et oui, ce qui arrive aux autres est susceptible d’arriver à chacun de nous, car ça n’arrive pas qu’aux autres.
Le peuple congolais s’oppose aussi à cette attribution, en raison de la politique du gouvernement qui n’appuie pas les jeunes à se lancer dans le domaine agricole. Et ceux-ci ne cessent de répéter que le Congo n’a pas besoin d’aller chercher des agriculteurs ailleurs. Il suffit de mettre en place des mesures incitatives, pour booster la production agricole de manière à combler le marché intérieur en divers produits de consommation courante. Aujourd’hui, le Congo importe des aliments courants qu’il peut produire comme l’ognon, la tomate, le piment, etc, alors que 2% seulement des terres agricoles sont cultivées.
En s’intéressant à cette brûlante question de terres agricoles, les évêques ont voulu rendre un service national d’apaisement. Contre toute attente, ils se retrouvent dans le rôle de pyromane. Que devrait faire le gouvernement et le parlement dans ces conditions? La coopération avec le Rwanda est importante. Seulement, il faut en retirer les sujets qui fâchent. Tenir compte de l’opinion en matière de gouvernance publique, est démocratique.
L’HORIZON AFRICAIN