Société anonyme, au capital de 300 millions de francs Cfa, créée en 2015, à la suite d’un accord entre le gouvernement congolais et le gouvernement indien, la S.t.p.u (Société de transport public urbain) a démarré avec un peu plus de 120 bus pour les deux grandes villes du pays, Brazzaville et Pointe-Noire. Avec une gestion qui manque de transparence, de rapports et de bilans annuels, elle a commencé à gémir après deux ans d’exercice, en 2017. En 2023, elle ne comptait plus qu’une cinquantaine de bus en circulation dans les deux villes. Le reste de son parc étant sur cale à cause de problèmes mécaniques. Dans une vidéo publiée dans les réseaux sociaux, un mécanicien lance un cri de cœur au gouvernement, pour changer la manière de gérer cette société et sauvegarder les emplois.
A la C.n.s (Conférence nationale souveraine), on avait bien dit que l’Etat n’est pas commerçant. Sa préoccupation ne doit pas être de créer des entreprises. D’où le processus de privatisation des entreprises publiques qui ont parfois marqué l’histoire du pays comme l’Ofnacom (Office nationale du commerce) ou l’O.n.p.t (Office national des postes et télécommunications). Certains cadres contestent cela et pensent que l’Etat peut toujours entreprendre.
Malgré un contexte qui, avec la généralisation du numérique, permet facilement de réaliser des performances de gestion, la S.t.p.u n’a pas mieux fait que l’Ofnacom ou l’O.n.p.t. Deux ans après son lancement, elle faisait déjà face à un mouvement social d’ampleur. Six semaines de grève générale observée par ses 840 agents. Voici l’extrait d’un article publié par le Ministère de l’économie et des finances, à ce propos:
«Les syndicalistes et les agents de la S.t.p.u soupçonnent des détournements massifs et autres abus des biens sociaux. Pêle-mêle, des chiffres ont été avancés. Souvent, il est revenu que de 2015 à ce jour, l’Etat a alloué à la S.t.p.u, des subventions de l’ordre de 900 millions de francs Cfa; que la société a démarré ses activités avec 120 bus neufs, à Pointe-Noire et à Brazzaville, pour des recettes journalières d’environ 65.000 francs Cfa par bus, en dehors de la publicité; que la S.t.p.u a vendu des espaces publicitaires pendant de longs mois… Chose curieuse, au moment où la grève est déclenchée, le 9 août 2017, les comptes de l’entreprise sont au rouge. Pire encore, les travailleurs accusent plus cinq mois d’arriéré de salaires; soit environ 625 millions de francs Cfa; la dette aux fournisseurs est estimée à plus d’un milliard de francs Cfa. Cerise sur le gâteau, en barricadant les bureaux de la société, les travailleurs soupçonnaient l’existence des espèces sonnantes et trébuchantes gardées dans un coffre-fort logé dans un bureau de la direction. Les sommes domiciliées ici seraient de l’ordre de 50, voire 70 millions de francs Cfa. C’est ainsi que la présence d’un huissier de justice a été jugée nécessaire à la réouverture desdits bureaux, jeudi dernier. Des recrutements parallèles massifs opérés sur des bases nébuleuses justifient en grande partie les effectifs pléthoriques observables aujourd’hui. La complaisance dans les affectations figure aussi au nombre des récriminations formulées contre la direction générale qui a enrégimenté des encaisseurs destinés à travailler dans les bus, mais qui se retrouvent du jour au lendemain, dans les bureaux à ne rien faire…».
En février 2024, nos confrères de Vox Tv publiait un article qui montrait la décadence horrible de cette entreprise. «La Société de transport public urbain dont les bus sont appelés «mal à l’aise», souffre d’une mauvaise gestion causée par son équipe dirigeante. Le secrétaire général de la section syndicale de cette société publique, Maxime Otilaire, a sollicité le 10 février à Brazzaville, l’implication du gouvernement pour l’amélioration des services rendus par cette société de transport aux usagers. «Sur 210 bus «mal à l’aise» qui circulaient à Brazzaville, il n’en reste pas moins de 50 et 10 à Pointe-Noire sur 93 au départ. De 2015 à 2019, les travailleurs ont accumulé 17 mois d’arriérés de salaire et de 2023 à 2024, 4 mois de salaire impayés. Les agents sont aussi licenciés abusivement, les travailleurs ne bénéficient d’aucun avantage».
Un mécanicien de la S.t.p.u a publié une vidéo dans laquelle il parle justement de la mauvaise gestion de la société, avec l’achat de pièces de mauvaise qualité qui ont eu pour conséquence de condamner les bus sur cale. Au décideur politique de comprendre qu’il ne peut y avoir d’entreprise publique rentable, sur le plan commercial. La S.t.p.u est à privatiser ou en tout cas, il y a lieu d’y faire rentrer des capitaux privés et même l’éclater, pour faire que chaque commune ait sa société municipale, pour garantir sa bonne gestion et des emplois pour les jeunes congolais.
Jean-Clotaire DIATOU