Le passeport est encore sur la sellette en République du Congo. Et pour cause, à l’heure où les étudiants ayant pris des inscriptions dans des universités étrangères se préparent à quitter le pays, ils sont confrontés à une difficulté qui ne devait pas l’être. Acquérir un passeport, ce document qui permet de traverser une frontière internationale, leur est impossible par les temps qui courent. A la Préfecture de Brazzaville, les étudiants, excédés, se mettent parfois à manifester bruyamment, se heurtant à la police appelée à les disperser. Même le passeport, il est difficile à l’avoir au Congo, pays qui pénalise ainsi sa jeunesse, à qui l’on promet des emplois, alors qu’il n’est même pas capable de lui fournir de simples passeports.
La cause des difficultés de délivrance des passeports est connue: manque de cartons. Mais, beaucoup n’en sont pas convaincus. Le passeport a cessé d’être le produit d’un service public ordinaire, pour devenir l’objet d’une spéculation juteuse, grâce à la corruption. A l’importation, le carton ne coûterait que 5.000 francs Cfa, alors que le passeport ordinaire est délivré officiellement à 50.000 francs Cfa. Pour l’avoir, depuis qu’il se fait rare, il y a des Congolais qui déboursent jusqu’à 200.000 francs Cfa. C’est la conséquence de la corruption qui s’est enracinée dans la chaîne administrative de production de ce document officiel, à la barbe du gouvernement qui ne sait plus que dire et qui regarde faire. Pour les femmes, on enregistre même des cas de harcèlement sexuel. Le passeport ordinaire n’a qu’une validité de 5 ans. Le marché est donc hyper-juteux.
Délivré par la Direction de l’émigration, un service de la C.i.d (Centrale d’intelligence et de documentation), ex-D.g.s.t (Direction générale de la surveillance du territoire), sous tutelle du Ministère de la sécurité et de l’ordre public, le passeport congolais est rentré dans une crise qui devrait interpeller le gouvernement. Il y a lieu de se demander s’il ne faut pas décentraliser sa délivrance.
Les étudiants congolais sont ainsi encore pénalisés cette année. Sans passeport, il leur est impossible de poursuivre leurs études à l’étranger. Après la raréfaction des bourses d’études, voilà que les passeports deviennent aussi rares et difficiles pour les étudiants. Quel sort réserve-t-on réellement à la jeunesse, quand le pays se rend incapable de fournir les services mêmes les plus ordinaires qu’on peut attendre légitimement de lui?
On parle toujours de rupture de stocks de cartons, pour justifier la crise du passeport. En réalité, c’est la corruption et la spéculation qui sont à l’origine de la crise du passeport. Les cartons sont fabriqués en Allemagne. Mais, entre le fabricant et l’Etat congolais, il y a des intermédiaires qui tirent leur part du gâteau. Au niveau des services de délivrance, les fonctionnaires s’arrangent à tirer également leur part du gâteau: on crée la pénurie, pour fournir le passeport aux plus offrants. Autour du personnel de la Direction de l’émigration se greffent des intermédiaires qui prélèvent leur part du gâteau, en se proposant aux demandeurs comme voie salutaire pour obtenir le passeport. Voilà ce qu’est devenu la triste réalité de l’obtention du passeport au Congo. A un moment, on a lutté contre ces phénomènes et assaini le processus de délivrance des passeports. La Direction de l’émigration en était même arrivée à faire des communiqués, pour demander aux Congolais à venir retirer leurs passeports. Mais, retour à la case-départ. Les pénuries ont resurgi et avec elles, les vieilles et mauvaises pratiques de corruption dans l’obtention du passeport. Ah le Congo!
Ralph Justin
OBILANGOULOU