Bacongo, alias Bac-city, est l’une de ces Brazzavilles noires dont a parlé l’ethnologue et sociologue français, Georges Ballandier (1920-2016), qui créa à Brazzaville, en 1948, la section sociologie de l’Orstom (Office de la recherche scientifique et technique outre-mer). C’est aussi la première agglomération fondée par l’explorateur français d’origine italienne, Pierre Savorgnan De Brazza. C’est enfin, l’un de ces arrondissements populeux de Brazzaville, la verte. Il sied aussi de signaler que c’est grâce au Bacongolais Félix Tchicaya, alors député du Moyen-Congo à l’assemblée nationale française, que l’arrondissement 2 Bacongo a pu rester à son emplacement actuel. En effet, les Européens voulaient le déplacer au-delà du Pont du Djoué. Selon eux, la cité européenne devait s’étendre jusqu’à Bacongo, quartier sain et non marécageux qui, par-dessus le marché, abritait la Case De Gaulle, l’actuelle résidence de l’ambassadeur de France.

Aujourd’hui, grâce ou à cause de nouveaux riches animés d’un engouement innommable voire d’une furie dans l’achat des limousines de luxe, des véhicules 4×4, dans la construction des hôtels, des immeubles, de somptueuses villas et autres villas et maisons à étages, sur des terrains qu’ils achètent à vil prix aux pauvres Bacongolais alléchés par les liasses de millions de francs Cfa qu’ils trimbalent dans leurs ngiris ou mallettes, Bacongo n’est plus le même. L’arrondissement a complètement changé de physionomie.
Malheureusement, l’architecture des nouveaux immeubles et villas construits semble avoir gommé l’histoire de Bacongo d’antan, dont les parcelles entourées de clôtures enchevêtrées de gaulettes, de bougainvilliers, d’hibiscus et de lantanas ont cédé la place aux mus en parpaings, hauts de deux à trois mètres, de véritables bunkers ou forteresses. Le Bacongo actuel me rappelle tristement le village décrit par le Président Alphonse Massamba-débat, dans son poème «Mon village»: «…L’on se groupait par faille et construisait son mbongui particulier et, dans la colère, on menait vie morne, chacun dans son palais repoussant la joie et aimant la misère.
Que fallait-il de plus? Que fallait-il de moins? L’homme dans un temps n’est-il pas synonyme de bête? Il veut fuir comme il peut, bien loin, à la recherche de la fausse paix, l’égoïsme. Et maintenant à voir ces villes nouvelles, fruit de l’orgueil, d’égoïsme et de vanité; à contempler leurs pauvres et tristes ruelles où coudoient des cases frustes, tout à fait pitié…».
Vanité des vanités! Ils oublient que ce qu’ils construisent avec acharnement, les vers peuvent le manger, la rouille les ronger et les voleurs le dérober. D’autre part, les flamboyants qui bordaient jadis l’avenue Général Leclerc, aujourd’hui avenue Simon Kimbangu et qui en faisaient le charme et la beauté, ont été abattus un jour par un quidam, par mesure de sécurité. A la place, ce sont maintenant des façades en béton armé pour échoppes, boutiques et ngandas.
Toute personne déambulant à travers les quartiers de Bacongo, est on ne peut plus frappée par le contraste entre les grandes villas cossues entourées par des murs hauts comme des forteresses et les maisons en désuétude autour. Un ilot de bonheur en sorte, entouré par un océan de misère et d’enfer auquel s’ajoute l’insalubrité. Les délestages d’électricité et les coupures d’eau courante font maintenant partie du modus vivendi des Bacongolais, avec des groupes électrogènes qui polluent l’air autant qu’ils ronronnent. Ceux qui n’ont pas de forages d’eau chez eux vont en acheter dans des bidons jaunes. Dans les centres de santé et dans les hôpitaux de base, la pénurie de médicaments est légion voire chronique. Bref, dans la population, la misère demeure aussi galopante que persistante, pendant que les nantis se la coulent douce.
Enfin, on rencontre à Bacongo, un autre phénomène: la dépravation des mœurs. C’est comme à Sodome et Gomorrhe de la Bible. Bacongo a tronqué sa qualité de quartier puritain au profit de la prostitution visible et notoire dans les rues. Des hôtels dits de passe y ont poussé comme des champignons. L’on ne se gêne même plus de faire l’amour pour de l’argent. La femme y est utilisée comme un jouet sexuel. Elle est purement et simplement chosifiée. Elle n’est plus la femme de valeur faisant la joie de son mari et l’honneur de sa famille. Elle est carrément humiliée voire exploitée. Pourtant, à ce que l’on sache, personne, quel que soit son rang dans la société, n’a le droit d’humilier la femme qui est à la fois mère et sœur. Comme l’a dit Aragon, «elle est l’avenir de l’homme».
En revanche, à Bacongo, les chiens sont devenus plus pudiques que les humains. On ne les voit plus s’accoupler en plein jour, dans les rues. On dirait qu’ils attendent la nuit. Ils se cachent comme pour appliquer la maxime des hommes, «se cacher pour mieux vivre». Jusques à quand, Bacongo alias Bac-city, suivra-t-il la pente morale actuelle? N’est-il pas encore temps de se ressaisir, pour lui redonner ses lettres de noblesse d’antan?

Dieudonné
ANTOINE-GANGA

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