Le Président français, Emmanuel Macron, a effectué une visite de travail de cinq heures, vendredi 3 mars 2023, à Brazzaville où il a eu un entretien en tête-à-tête avec son homologue congolais, Denis Sassou-Nguesso, qui l’a accueilli à l’Aéroport international Maya-Maya. Cette visite, qui est intervenue dans le cadre d’une tournée du Chef d’Etat français en Afrique centrale, après sa participation, du 1er au 2 mars, au «one forest summit» de Libreville (Gabon), et une visite à Luanda (Angola), a donné lieu à un communiqué de presse qui précise que les deux Chefs d’Etat ont exprimé leur volonté de lancer «un partenariat à renforcer la préservation et la valorisation du vaste patrimoine culturel et mémoriel du Congo», rappelant «la place pleine et entière que Brazzaville, capitale de la France-Libre, mérite parmi les lieux de mémoires qui comptent pour la France».
Visite éclair. Voilà ce qu’on peut retenir du passage du Président français, Emmanuel Macron, à Brazzaville, ville qui occupe une importante place dans l’histoire de la libération de la France de l’occupation nazie, durant la Seconde guerre mondiale et qui a conservé le nom de son fondateur, l’explorateur français d’origine italienne, Pierre Savorgnan De Brazza. De Gaulle y prononça un discours historique, le «manifeste», qui annonça la constitution d’un Conseil de défense, pour lutter contre l’Allemagne nazie.
Le dernier locataire de l’Elysée à fouler le sol brazzavillois, avant l’actuel, c’est le Président Nicolas Sarkozy, le 26 mars 2009. Arrivé de Kinshasa par hélicoptère, il avait passé la nuit à Brazzaville et le souvenir de son footing, le lendemain matin, sur la corniche, derrière la mairie centrale et le long de quelques artères du centre-ville, avait marqué les Brazzavillois. Nicolas Sarkozy est d’ailleurs revenu à Brazzaville, en 2014, en tant qu’ancien Chef d’Etat, pour participer à une conférence de Forbs Afrique.
Emmanuel Macron est arrivé dans la capitale de la France-Libre le vendredi 3 mars vers 17h. Après un tête-à-tête avec son homologue congolais, au Palais du peuple, l’ex Palais des gouverneurs de l’A.e.f (Afrique équatoriale française) et une rencontre avec ses compatriotes, à la Case De Gaulle, la résidence de l’ambassadeur de France, il a repris son Airbus vers 22h, pour aller passer la nuit à Kinshasa. Mais, les quelques heures qu’il a passées à Brazzaville étaient intenses. Au Palais du peuple, Denis Sassou-Nguesso lui a présenté le micro qu’avait utilisé le général Charles De Gaulle, pour lancer un appel à ses compatriotes à rejoindre son mouvement de résistance et gagner la guerre contre les nazies. Un temps d’émotion. Tête-à-tête, lecture du communiqué conjoint sanctionnant la visite, conférence de presse, selfies avec les proches de son hôte, il a ensuite filé à la Case de Gaulle où de nuit, il s’est adressé à ses compatriotes. Il a révélé le projet du gouvernement français de faire du Cfrad (Centre de formation et de recherche en art dramatique), un lieu de mémoire à Brazzaville, qui fut la capitale du «refuge et de l’indépendance» de la France.
Bref, Emmanuel Macron veut résolument tourner la page de la «françafrique», ces relations politiques maffieuses avec ses pratiques opaques et ses réseaux d’influence pour décider du destin des peuples africains. Il veut ouvrir une nouvelle ère en établissant avec les pays africains des relations reposant sur la neutralité de la France, «l’humilité» et des partenariats pragmatiques.
Mais, jamais visite n’a suscité autant de controverses. Beaucoup de Congolais ne comprennent pas pourquoi cette visite est si courte et de nuit. Ne pouvait-il pas passer la nuit à Brazzaville? Les leaders de l’opposition se sont sentis à l’écart et ils ont dû se contenter d’une rencontre avec l’ambassadeur de France, François Barateau, quelques jours avant l’arrivée du Président français. Les organisations de défense des droits de l’homme ont tenté d’alerter sur la situation des droits de l’homme au Congo, pour que le Président français en fasse le relai auprès de son homologue congolais. Du coup, les grands discours du Président français l’ouverture d’une ère nouvelle des relations entre la France et l’Afrique ne semblent pas convaincre les Africains qui sont de plus en plus critiques.
Jean-Clotaire DIATOU