Mercredi 8 novembre 2023, à 11h. Emmanuel Macron, le Président de la République Française, a franchi le Rubicon. Il a traversé la Rue Cadet, dans le 9ème arrondissement de Paris. Pourquoi est-ce si important? En fait, c’est la mise en lumière de la franc-maçonnerie dans l’édification de la République et de la Nation. «Ils étaient tous là, ils sont venus, comme chantait Aznavour»: Droit humain; Grande Loge de France; Grande Loge Féminine de France; Grande Loge Nationale Française… La fraternité était au cœur de l’événement de taille pour le 250ème anniversaire de la fondation de la première obédience française, celle que l’on appelle en sigle le G.o.d.f (Grand Orient de France).
Pour comprendre ce fait perceptible, il faut remonter à 1906. Emile Loubet, Président de la République Française, est reçu dans un temple maçonnique. Nous sommes sous la IIIème République. Les maçons du G.o.d.f sont bien représentés dans les ministères. Ils mettent de plus en plus à leur tête, des hommes exerçant des responsabilités locales et nationales. C’est ce que les historiens de la Franc-maçonnerie appelleront «la belle époque du Grand Orient de France». Le programme social maçonnique connaît un début d’application avec le repos hebdomadaire, les retraites ouvrières.
2023. En ce début du 21ème siècle, la République semble devoir une fière chandelle à l’Ordre maçonnique. Le retour d’un Président de la République dans un temple, un siècle après, semble opérer un retour assez marqué: redynamiser le lien entre République, Nation et Loge. Ce lien doit concerner toute la société, car il consiste à ouvrir les portes du savoir et le rêve partagé, celui de la République et de la Nation. Est-ce un hasard du calendrier? Chez les francs-maçons, le hasard n’existe pas.
Le programme du Grand maître Guillaume Trichard s’est trouvé très chargé. Il y a eu ce couplet des discours séparés entre la Rue Cadet et l’Hôtel de ville de Paris où s’est déroulée la 17ème cérémonie marquant la remise des prix de la laïcité. Mais l’événement reste la prise de parole du Président de la République Française devant les dignitaires de la franc-maçonnerie, dans le Temple Arthur Groussier, ce haut lieu de la réflexion maçonnique où s’organisent les grands événements de la franc-maçonnerie française. Député socialiste, Groussier, membre de la Respectable Loge L’Emancipation, Grand-maître (1934) et homme politique, le code du travail a été son œuvre. Il a été une figure de proue du G.o.d.f.
Mais, une autre cérémonie n’est pas passée inaperçue: mercredi 8 novembre, à 18h, s’est déroulée, sous les lambris de la grande salle de fête de l’Hôtel de ville de Paris, la cérémonie marquant le 17ème anniversaire de la remise des prix de la laïcité, en présence de Mme Anne Hidalgo, maire de Paris. Il y avait là du beau monde, comme on l’appelle dans le jargon mondain. Le Grand maître du Grand Orient de France était présent. A ses côtés, d’anciens Grands maîtres du G.o.d.f, Patrick Kessel, l’ancien président du «Comité Laïcité République», Philippe Guglielmi, Georges Sérignac, Gilbert Abergel, l’actuel dirigeant du «Comité Laïcité République», et d’anciens ministres. Dans le public, on pouvait remarquer la présence de nombreux dignitaires de la franc-maçonnerie dite libérale ou a-dogmatique et des membres de la société civile opérant dans le domaine de la laïcité.
Retour au Grand Orient de France, premier volet de la journée: A 11h, Emmanuel Macron a inauguré sa venue au siège de la Rue Cadet, par la visite du Musée du G.o.d.f. Tout a été pensé pour écouter le Président de la République, lorsque les invités se sont retrouvés au Temple Groussier. C’est donc un Président de la République Française imbibé d’une franc-maçonnerie inspirant la fin de l’esclavage. Du haut de sa tribune, il martèle: toutes les élites françaises ne fréquentaient pas les loges maçonniques, mais en défendaient les valeurs. A coup sûr, Emmanuel Macron n’a pas surpris son auditoire, en remettant à sa vraie place, la franc-maçonnerie du Grand Orient de France: la franc-maçonnerie fut l’atelier de la République, instaurant en France, la nécessaire évolution laïque de l’enseignement, le principe de la séparation de l’Etat avec l’Eglise, l’organisation des partis politiques à partir de la loi 1901, la loi Jules Ferry, la réforme de l’assistance publique, les lois des premières mutuelles et d’ajouter, tant des lois furent ici discutées et initiées.
En citant Léon Bourgeois, Emmanuel Macron nous entraîne dans ce que le monde envie aux Français: une société solidaire. Amener les uns à être utiles envers les autres, car une vie vaut une vie. Face à l’auguste assemblée des frères et des sœurs, Emmanuel Macron s’est voulu réaliste dans sa description: vos façons de réfléchir et d’agir font de la parole, le premier outil du maçon. A l’heure des réseaux sociaux où les paroles s’enchevêtrent, s’entremêlent, votre méthode est importante, structurante. Le Président Macron ne s’est pas empêché de souligner qu’à partir d’une parole de raison, telle qu’elle a été façonnée dans les loges maçonniques, la franc-maçonnerie finit par s’identifier au projet républicain, et la République s’éleva pierre à pierre. Ainsi l’apport de la franc-maçonnerie est une vérité historique, en donnant à la République toute sa puissance historique. Il n’y a ici ni complot, ni dessein secret. Face au grand péril qui guette le monde, le Président Macron demande aux francs-maçons d’assurer le progrès et la permanence, à travers ces combats contre les fracas des paroles, l’antisémitisme qui refait surface.
Parlant d’une action au corps-à-corps, le Président français encourage les francs-maçons comme en appuyant sur la pédale: «Jamais une société discrète ne doit donner le sentiment d’une société muette… Ensemble, il faut nous mettre à la forge… Votre contribution à l’édification et la consolidation de la République est l’avenir de notre Nation».
Mercredi, le 8 novembre à 18h: du Grand Orient de France à l’Hôtel de ville, il n’y a qu’un pas: le combat est le même. Tout combat est utile. Ce combat doit résonner avec une force particulière. La cérémonie de la laïcité s’est tenue sous l’égide du «Comité Laïcité République». Pour comprendre ce qu’est la laïcité, on peut partir de deux notions: la laïcité s’inscrit dans l’histoire de la sécularisation de l’exercice du pouvoir (Spirituel et Temporel – Dieu et César), et dans l’histoire de la sécularisation du savoir (vérités à vérifier et vérités révélées).
La laïcité est une spécificité de la République Française. La laïcité n’est pas le contraire de l’Eglise, elle est le contraire du fondamentalisme. Elle est un rempart aux forces de la division et de l’intolérance. La laïcité est une lumière qui éclaire, elle n’entretient pas le flou. La laïcité est un idéal d’émancipation et de liberté. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.
Très brièvement, comment se définit alors cette journée du 8 novembre? L’intérêt se trouve dans l’essentialité de la quête maçonnique. La Franc-maçonnerie fonde sa philosophie sur la reconnaissance du fait que l’individu est unique et universel, que son unicité établit son universalité. Allons-nous tous être emportés par les bouleversements que nous, humains, avons générés sans en mesurer les conséquences alors que la Franc-maçonnerie inspire la raison essentielle?
Joseph BADILA