Un an après son inscription, le 14 décembre 2021, sur la liste représentative du patrimoine culturel et immatériel de l’humanité par l’Unesco, la rumba congolaise se voit séparer des acteurs qui ont mené la lutte pour que son héritage soit reconnu au niveau mondial. Parmi ces acteurs, figure le journaliste écrivain et chercheur, Mfumu Di Fua Di Sassa, un défenseur de l’identité culturelle des deux rives du Fleuve Congo. Décédé le 24 juin 2020, son combat pour la rumba congolaise semble être oublié de la mémoire collective. Son fils, Loïck Mfumu Loubassa, qui est aussi journaliste, souhaite que soient érigés une bibliothèque et un monument en sa mémoire. Interview!
* Quelle lecture faites-vous du combat mené par votre défunt père pour l’inscription de la rumba congolaise à l’Unesco?
** Le combat de Mfumu pour la reconnaissance de la rumba congolaise comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco a, officiellement, pris forme en 1998, lors d’un séjour à Kinshasa, en RD Congo. Il a beaucoup fait des recherches pour élucider les origines de cette danse qui s’est répandue sur la planète, grâce à nos artistes et nos orchestres. Une histoire qui a fait polémique dans les années passées. On m’a toutefois raconté que Mfumu aurait rencontré l’artiste musicien RD congolais Wendo Kolosoy, pour évoquer ce sujet. Et ce dernier aurait reconnu l’artiste musicien Paul Kamba du Congo-Brazzaville comme l’un de ses initiateurs. Mfumu n’était pas seul dans cette lutte, mais c’est quelqu’un qui avait à cœur l’amour du Congo et de sa culture. Bien qu’il nous a quittés trop tôt, sans voir «cette rumba qu’il aimait tant être inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco», la mémoire de Mfumu mérite d’être honorée.
* Qu’attendez-vous du gouvernement pour cela?
** Le projet d’inscription de la rumba congolaise à l’Unesco a été chapoté par un comité scientifique dont faisait partie notre défunt père, Mfumu Di Fua Di Sassa. Nous ne demandons pas beaucoup, si ce n’est cette marque de reconnaissance pour le combat qu’il a eu à mener aux côtés des ses frères. Considérant la volonté de ses amies et connaissances, ainsi que des membres de sa famille que je représente maintenant, nous voulons que le gouvernement mette en place une bibliothèque et un monument érigé en sa mémoire.
Notre défunt père a beaucoup écrit sur la musique en général et sur la rumba congolaise en particulier. Parmi ces ouvrages, on peut citer: «La musique congolaise du 20ème siècle» (2006), «Les œuvres temporaires de la musique congolaise»; «Indépendance tchatcha» (2009) , «Brazzaville, ville de musique» et «La rumba congolaise au cœur de la musque africaine», paru en 2019. Cette richesse littéraire que Mfumu nous a léguée doit être explorée et poursuivie, pour que nos générations et celles à venir s’imprègnent de cette connaissance qui nous renvoie à l’histoire même des populations d’Afrique centrale.
* Que suggérez-vous aux autorités nationales pour que l’inscription de la rumba à l’Unesco ne soit pas un combat pour rien?
** Il faut redynamiser le secteur musical et touristique. Les autorités doivent créer des conditions pour dénicher de nouveaux talents et soutenir ceux qui sont déjà actifs. Nous avons plusieurs artistes talentueux mais qui manquent de soutien pour leur épanouissement. Il faut mettre en place des structures pour accompagner nos artistes et un fonds pour la production culturelle et musicale. La tendance est que lorsqu’on parle de la rumba congolaise, on voit plus la RD Congo que le Congo-Brazzaville. Et cela doit nous interpeller, si nous voulons vraiment «donner un sens a cette reconnaissance de la rumba congolaise».
Propos recueillis par Roland KOULOUNGOU