Médecin-pneumologue d’origine congolaise exerçant en France, Thierry-Paul Ifoundza est aussi écrivain, auteur de «Congo-Brazzaville, un système de santé dystopique» (2020) et «Si le général Mokoko m’était conté» (2021). Cette année, il vient de publier, aux Editions Maïa, un récit aux accents d’essai, intitulé: «Cher Burkina». Une immersion dans le pays des «hommes intègres». Entretien!

* Le titre de votre livre est explicite! Est-ce un amour subit ou un profond sentiment?
** Comme je l’annonce dès l’incipit, le Burkina-Faso m’a longtemps fasciné. Je n’ai pas découvert ce pays au débotté, non! Mon témoignage résulte d’un long processus. Depuis mon enfance et mon adolescence au Congo-Brazzaville jusqu’à mon installation en France, en passant par l’ex-Union soviétique, je m’imprégnais de tout ce qui renvoyait au Burkina-Faso. Pour tout dire, j’étais en permanence à la recherche du Sahel.

* Parmi l’une des raisons qui ont présidé à cet amour d’abord platonique, ensuite physique, c’est le fait qu’un homme légendaire, un visionnaire, l’ai dirigé. Je parle de Thomas Sankara bien sûr!
** Evidemment, comme tout jeune africain des années 80, je n’étais pas indifférent au personnage de Thomas Sankara, a fortiori quand on connaît son aura, son charisme. Je fais miens, ici, les propos d’un journaliste français, que j’ai d’ailleurs rapportés dans mon livre, à l’endroit de cet illustre homme d’État: «Son verbe flamboyant, son béret rouge et son treillis militaire avec colt à la ceinture ont fait le tour du monde. Ses discours, étudiés dans les plus grandes universités, ont enflammé l’Onu, les conférences franco-africaines, les sommets des non-alignés. Reçu par les plus grands, écouté de Pékin à New York, de Moscou à Cuba, de Paris à New Dehli, il a stupéfait par sa franchise, son audace, son franc-parler, assenant leurs quatre vérités aussi bien à Mouhamad Kadhafi qu’à Félix Houphouët Boigny, à Michaël Gorbatchev comme à François Mitterrand: les yeux dans les yeux et en public».
En fait, à travers l’épopée de Thomas Sankara, se déploie «une histoire enfouie sous les cendres du colonialisme français, une géopolitique complexe, des logiques de pouvoir sophistiquées, une atmosphère de complot permanent».

* De fait, vous avez décidé de pénétrer le Burkina-Faso. Mais, pourquoi avoir choisi le moment où ce pays est en proie à des «attaques terroristes» et plongé dans des turbulences politiques?
** C’est une pure coïncidence. Et comme ma décision avait été prise depuis longtemps, je n’ai pas voulu y renoncer, ç’eût été une lâcheté de ma part. Alors, je suis parti de Paris pour Ouagadougou, en septembre 2022. Cela m’a permis de m’immerger dans l’imaginaire burkinabé, de tenter de comprendre les ressources morales qui leur permettent d’affronter un quotidien incertain.

* Vous ressortez les atmosphères, en vous promenant dans les marchés, les ateliers de couture et même dans les bars…
** La vie doit continuer malgré tout: c’est à tout le moins ce que j’ai ressenti lors de mes trois voyages en l’espace d’un an et demi. Je puis dire que je suis admiratif de ce peuple non seulement pour son intrépidité, mais aussi pour sa spontanéité à défendre les intérêts du Burkina. C’est ce que d’ailleurs ne manque pas de signifier la quatrième de couverture: «Comment vit-on dans un pays comme le Burkina Faso en proie au terrorisme? Quel est le degré d’implication de la jeunesse dans les affaires politiques? Quelle est sa perception de la Transition que dirige le jeune Ibrahim Traoré?». Ce qui est frappant dans ce livre, c’est aussi la manière d’aborder les problématiques burkinabé, le récit et la réflexion personnelle.

* Diriez-vous que votre écriture est «transitive»?
** Oui et non! Oui, parce que je souhaite véhiculer un message, celui de prendre le contrepied de certaines théories pour le moins fantaisistes, à l’image de la présence massive des paramilitaires russes de Wagner ou du sentiment «anti-français». Je n’ai rien constaté de tel. Non, parce que je m’évertue à un travail de langue, pour rendre le plus possible mon texte fluide et cohérent. Ce faisant, je recours à des procédés littéraires, pour exprimer telle ou telle autre idée ou pour atténuer le registre soutenu qu’exige un essai.

* Vous reprenez à votre compte la mission qu’assignait à l’écriture Thomas Sankara!
** Effectivement. Thomas Sankara disait: «Il est nécessaire, il est urgent que nos cadres et nos travailleurs de la plume apprennent qu’il n’y a pas d’écriture innocente». L’écriture innocente n’existe pas. Je suis d’accord avec lui. De toute manière, la recherche de la vérité oblige de prendre parti.

Propos recueillis
par Sauve-Gérard
NGOMA MALANDA

Oh bonjour
Ravi de vous retrouver.

Inscrivez-vous pour recevoir du contenu génial dans votre boîte de réception.

Nous ne spammons pas !

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici