Lorsque l’on dit que Prométhée est le fondateur de la civilisation, il y a lieu de ne pas perdre de vue qu’il a trouvé les éphémères nus, sans armes ni chaussures. Avec le vol du feu qu’il offre aux éphémères, Prométhée crée un nouveau paradigme existentiel dans la mesure où «ce qui semblait être une faiblesse de l’homme, à savoir son dénuement originel, est en fait ce qui lui a permis de devenir la seule espèce libre de se réinventer en permanence». Grâce à Prométhée, les éphémères ont appris à se réinventer; ils ont progressé; ils ont subi une «transformation progressive vers plus de connaissance et de bonheur».
On entend, ici et là, certains acteurs politiques se féliciter de l’augmentation du taux de croissance de leurs pays. Par exemple, on se félicite de 5% de taux de croissance pour une année donnée. C’est bien, mais c’est loin d’être un progrès; c’est loin de permettre aux éphémères de se réinventer.
La croissance économique, c’est l’augmentation des biens et services produits dans une économie par rapport à l’année antérieure. La variable retenue pour mesurer la croissance est le produit intérieur brut (Pib), l’évolution en pourcentage des quantités produites. On affirme que le Pib donne la mesure de la santé de l’économie. C’est bien cela. Mais, est-ce la mesure du progrès réalisé par et dans la société?
Prométhée, en offrant le feu aux éphémères, a créé la civilisation par la génération des emplois. Ce fut un progrès. Mais, certaines sociétés, qui se targuent de réaliser des taux de croissance élevés, peinent à offrir des emplois aux jeunes et aux populations vulnérables. Dans ces pays, aucun fait ne montre la corrélation entre la croissance et la réduction du chômage.
Ceux qui vantent les taux de croissance ne tiennent pas compte de l’état réel des populations, en matière de santé et de satisfaction des besoins élémentaires. C’est ainsi que l’on peut avoir un taux de croissance de plus de 5% et offrir de l’eau polluée et une mauvaise électricité aux populations. On peut réaliser un taux de croissance de plus de 5% et être incapable de gérer les dégradations causées par les eaux pluviales, être incapable d’offrir une école moderne, une santé et un sport de haut niveau aux éphémères. On peut ainsi avoir un taux de croissance élevé, mais sans effet sur le bien-être des populations. On peut avoir un bon taux de croissance et n’être pas capable de gérer les ordures, d’assurer la sécurité des hommes et des biens.
Le progrès, c’est un «idéal de rationalisation des rapports humains et des rapports de l’homme à la nature, selon l’idéal des Lumières». Lorsque l’on est au commandement des éphémères, l’on doit veiller à ce que la croissance corresponde à un réel changement de la qualité de la vie.
Prométhée