Dans sa rubrique «Lettre de Yakamambu» de l’édition passée de L’Horizon Africain, Diag-Lemba rappelle à bon escient que les mois de février et mars sont «des mois martyrologes pour notre pays, le Congo. Ce sont deux mois où le sang des hommes politiques et des innocents a été abondamment versé». Et il rappelle les tristes évènements de février 1965 où trois hauts-fonctionnaires de l’Etat, à savoir «Joseph Pouabou, premier président de la Cour suprême, Lazare Matsocota, procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Brazzaville, et l’abbé Anselme Mansouémé, directeur général de l’A.c.i (Agence congolaise d’information)» furent enlevés par des éléments en uniforme et retrouvés assassinés.
Ces évènements constituent, d’après des témoignages concordants, les premiers assassinats post-indépendance à motivation politique, alors que le pays était tombé, après la chute du régime démocratique du Président Fulbert Youlou, le 15 août 1963, sous la coupe du parti unique, le M.n.r (Mouvement national de la révolution), créé par le Président Alphonse Massamba-Débat, qui institua une milice politique, la Défense civile, comme gardienne de la Révolution, en réalité comme véritable bras armé du pouvoir contre tous ceux qui étaient considérés comme «les ennemis de la Révolution».
Et pour le mois de mars, Diag-Lemba rappelle «les assassinats du Président Marien Ngouabi, du vénéré Emile Cardinal Biayenda et de l’ancien Président Alphonse Massamba-Débat». Et ce ne sont là que les figures marquantes de l’histoire du Congo, car beaucoup d’autres compatriotes perdirent la vie au cours de ce mois qui connut une crise politique extrême au sommet de l’Etat, de nature à dégénérer en guerre civile.
Le trait commun de ces deux mois du martyrologe congolais est que tous ces événements sanglants qui ont émaillé la vie politique nationale autour du pouvoir ont pour caractéristiques de ne pas faire l’unanimité de la classe politique nationale sur les commanditaires réels et les nervis de ces basses besognes. En d’autres termes, les procès organisés sur ces événements n’ont pas permis, jusque-là, de faire jaillir la vérité, en raison de l’influence politique encore trop forte sur le pouvoir judiciaire. La Conférence nationale souveraine, qui a été l’occasion de témoignages parfois bouleversants, n’a pas su non plus indiquer les chemins de la vérité.
C’est le propre des assassinats politiques de livrer très difficilement leurs vérités. Aux Etats-Unis, pays démocratique développé, a-t-on réussi à faire jaillir la vérité sur l’assassinat, le 22 novembre 1963, à 12h30, donc en plein jour, à Dallas, du Président John F. Kennedy? Malgré les conclusions du rapport de la commission Warren, du nom de l’ancien président de la Cour suprême américaine, qui présida cette commission d’enquête, il existe plusieurs théories sur cet assassinat politique. On parle même de théories complotistes. Allez-y comprendre!
Il reste que pour l’histoire du Congo, les mois de février et mars sont des mois du martyrologe national, dans la construction de la Nation congolaise. Ce sont des repères historiques qui doivent façonner la culture mémorielle congolaise, pour bannir à jamais l’assassinat, les violences et l’intolérance politiques dans la gouvernance étatique. A la Conférence nationale de 1991, on avait dit, «Plus jamais ça», après avoir relevé que 30 ans après l’indépendance, l’intolérance politique avait englouti plus de trois mille âmes de nos frères et sœurs. Mais, pour n’avoir pas bien compris la leçon, ce sont dix fois plus d’âmes, voire plus, qui seront perdues, entre novembre 1993 (déclenchement du premier conflit armé de l’ère démocratique) et décembre 2017 (signature de l’accord de paix de Kinkala bouclant le dernier conflit armé dans le Pool), à travers les guerres civiles et autres affrontements fratricides, nourris par les passions déchaînées autour de l’accession ou du contrôle du pouvoir.
Aujourd’hui, il est étonnant de constater que le commandant Marien Ngouabi n’appartient plus qu’à son parti; que le cardinal Emile Biayenda n’appartient plus qu’à son Eglise et que les autres martyrs n’appartiennent plus qu’à leurs familles et leurs amis. Où est l’Etat congolais; où est la Nation congolaise? Pas de commémoration officielle pour ces grandes figures dont les vies ont été brutalement arrachées par nos errements à gérer l’Etat. Il y a lieu de se demander si c’est le bon chemin pour construire la Nation, l’unité nationale et consolider le vivre-ensemble. La culture mémorielle sur les compatriotes et les lieux qui marquent la vie de la Nation est le grand rempart contre le retour des errements du passé. Et pour conclure, Diag-Lemba parle du devoir envers nos martyrs. Accomplir ce devoir, c’est construire la Nation.

L’HORIZON AFRICAIN

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