A l’heure où dans le monde, l’enjeu c’est maintenant la transition énergétique, c’est-à-dire quitter les énergies fossiles, à cause de leurs capacités de destruction de l’environnement, pour les énergies renouvelables qui ont pour caractéristique de ne pas avoir d’impact nuisible sur l’environnement, au Congo, la question centrale demeure celle de l’accès des populations à l’électricité permanente. 63 ans après l’indépendance, l’accès à l’électricité permanente au Congo demeure un casse-tête pour tout le monde. Le pays regorge pourtant d’immenses ressources énergétiques, fossiles comme renouvelables. Ce qui garantit déjà des pas en avant sur le chemin du développement. Mais, la gouvernance demeure problématique et cause de soucieux pas en arrière.

A l’indépendance, le 15 août 1960, la République du Congo ne comptait qu’un seul barrage hydroélectrique, celui du Djoué, au Sud de Brazzaville, inauguré le 2 février 1954, avec une puissance installée de 15 mégawatts produits par deux turbines. Depuis quelques années, il est en arrêt, malgré les projets de réhabilitation promis depuis 2012. Après l’échec du projet de construction du Barrage de Sounda (1000 mégawatts), il aura fallu attendre 25 ans, pour que le pays se dote d’un deuxième barrage hydro-électrique, celui de Moukoukoulou, dans le Département de la Bouenza, inauguré en 1979, avec une puissance installée de 74 mégawatts produits par quatre turbines. Endommagé en 1998, au cours des hostilités armées qui avaient éclaté à cette époque, il a été réhabilité et fonctionne à nouveau depuis 2007. Par manque d’entretien régulier, sa production d’électricité a chuté. Parfois, il n’y a que deux turbines voire une qui tourne.
Au début des années 2000, pour satisfaire ses besoins en électricité, particulièrement pour sa capitale, Brazzaville, le pays s’est vu obliger d’en importer de la RD Congo, à partir du Barrage hydroélectrique d’Inga. Mais, cette dépendance a un coût. Pour 60 mégawatts par mois, la facture est d’un million de dollars (environ 550 millions de francs Cfa à l’époque). Et quand les arriérés de paiement s’accumulent, la dette prend des proportions importantes. Pour réduire cette dépendance, le gouvernement a envisagé la construction d’une centrale thermique à fuel, à Mpila. D’une puissance de 32,5 mégawatts, la centrale est construite, entre 2005 et 2007, à partir des prêts à hauteur de 25 milliards de francs Cfa accordés par la Belgique. Mais, le projet se révèle un échec, car l’approvisionnement en fuel est coûteux. A partir de 2010, la S.c.p.e (Société congolaise de production d’électricité) qui gère la centrale thermique est vouée à la dissolution.
Le gouvernement mise alors sur le Barrage hydroélectrique d’Imboulou, construit à partir de 2005, avec une puissance installée de 120 mégawatts, produits par quatre turbines. Il est inauguré le 7 mai 2011, par le Président de la République, Denis Sassou-Nguesso. La construction de ce barrage est financée par un prêt de la Chine à hauteur de plus de 170 milliards de francs Cfa. Dès lors, le Congo-Brazzaville dit aurevoir à l’importation de l’électricité de la RD Congo. Il étend et renforce son réseau T.h.t (Très haute tension) avec l’électrification des localités de la partie septentrionale du pays. Malgré cet investissement, Brazzaville, la plus grande ville du pays, est toujours affectée par le phénomène de délestage d’électricité. On accuse les réseaux basse et moyenne tension et l’insuffisance des transformateurs. Un programme d’installation de nouveaux transformateurs est lancé, avec l’appui de la Banque mondiale.
Comme pour affirmer son indépendance énergétique, le gouvernement conclut avec la société pétrolière italienne, un accord pour la construction d’une centrale électrique à gaz, à Pointe-Noire, à partir de 2008. Ce grand projet fait suite à une expérience qui avait été lancée, à partir de 2002, à travers la Centrale à gaz de Djéno, dotée de deux turbines de 25 mégawatts, soit une production électrique de 50 mégawatts. Mais, quelques années après, cette centrale à gaz était confrontée à de sérieuses difficultés ayant paralysé son fonctionnement. Elle a été relancée avec des partenaires turcs, notamment la société Aksa énergie Congo, selon un contrat de concession signé le 25 janvier 2021, pour une durée de 30 ans. Une turbine a été relancée le 10 novembre 2022 et la société prévoit d’augmenter la production électrique de cette centrale.
La grande centrale à gaz de Côte Matève est inaugurée le 23 décembre 2011, par le Président de la République. Elle est équipée de deux turbines de 150 mégawatts et les travaux, lancés le 19 mai 2008, ont été financés par la compagnie pétrolière Eni Congo, pour un coût global de 300 milliards de francs Cfa. La puissance de la centrale a été portée à 450 mégawatts, avec l’installation d’une troisième turbine, inaugurée le 12 février 2020, toujours par le Chef de l’Etat.
Enfin, dernière-née des usines de production d’électricité, le Barrage hydroélectrique de Liouesso, dans le Département de la Sangha, inauguré par le Président de la République, le 29 mai 2017. Avec une puissance installée de 19,2 mégawatts fournis par trois turbines de 6,4 mégawatts chacune, l’ouvrage a été préfinancés par la Chine à hauteur de 54 milliards de francs Cfa, auxquels il faut ajouter 18 milliards de francs Cfa pour la construction des lignes attenantes.
Au total, le Congo a déjà six usines installées de production d’électricité (4 barrages hydroélectriques: Djoué; Moukoukoulou; Imboulou et Liouesso; et 2 centrales à gaz: Djéno et Côte Matève). Tous ces ouvrages représentent une production cumulée de 728,2 mégawatts, sans compter les centrales thermiques. C’est une offre qui est tout à fait supérieure à la demande actuelle qui n’excède pas 600 mégawatts. Avec cette production, on aurait bien imaginé que le Congo assure son indépendance énergétique, tout au moins en ce qui concerne les besoins courants du moment.
Et bien non! Ces usines sont en difficulté et cela se manifestent par la poursuite des délestages d’électricité. Le Djoué est en arrêt depuis des années. Moukoukoulou est en baisse de production par manque d’entretien. Imboulou a des difficultés de baisse de régime à cause de l’ensablement de la Léfini. Djéno n’a qu’une turbine qui fonctionne et Côte Matève n’aurait que deux turbines qui fonctionnent aussi. Ce qui fait que la production totale tourne autour de 400 mégawatts. D’où la persistance du régime de délestages ou de black-out.
Au début du mois d’avril, le directeur général de la société E²c (Energie électrique du Congo), Jean-Bruno Adou Danga, justifiait les perturbations dans la fourniture de l’électricité, particulièrement à Brazzaville, par les travaux au niveau du poste de Kinswika, qui se situe entre le poste de Linguala, en RD Congo, et celui de Mbouono, en République du Congo. Kinswika est un nouveau poste qui fait la jonction de deux lignes, celle qui vient de la nouvelle Centrale hydroélectrique de Zongo et celle de l’ancien Barrage hydroélectrique d’Inga sur le Fleuve Congo.
Le déficit en énergie électrique à Brazzaville est dû au fait que le fameux boulevard énergétique qu’on a tant vanté ne l’est pas encore en réalité, en raison de ses capacités très limitées. Il faut, en effet, renforcer ce réseau, pour que Brazzaville soit normalement alimentée à partir de la Centrale électrique du Congo située à Pointe-Noire. Raison pour laquelle, pour combler le déficit dont la capitale souffre, la société E2c est obligée d’importer une partie de l’électricité de la RD Congo. Cette situation consacre un retour à la case-départ qui démentit notre indépendance énergétique. Construire les barrages hydroélectriques ne suffit pas, encore faut-il penser aux différents réseaux de transport et aux postes relais et de transformation d’électricité, pour véritablement aboutir à des résultats conséquents.
Toujours dans la recherche de l’efficacité en matière d’électricité, après la création de la société E²c sur les cendres de la S.n.e (Société nationale d’électricité), le gouvernement a décidé de segmenter les différentes phases de production, de transport et de commercialisation de l’électricité, au lieu de les laisser entre les mains d’une seule et même société. C’est ainsi qu’il envisage, depuis le début de cette année, des réformes qui vont aboutir à la mise en concession des quatre barrages hydroélectriques construits dans le pays (Djoué, Moukoukoulou, Imboulou et Liouesso). Les deux centrales à gaz étant déjà gérées par des sociétés privées.
Au-delà de ces réformes, on peut relever le fait que la politique nationale de développement en matière d’électricité manque de cohérence. Elle n’est pas soumise à un plan structuré. Les projets sont réalisés au coup par coup. L’abandon du projet de Sounda, les projets inadaptés comme la Centrale thermique de Mpila sont autant d’exemples de la perdition des énergies et de l’argent, alors que le taux d’accès à l’électricité des Congolais est toujours faible.
Il y a lieu de se demander pourquoi, une fois les barrages hydroélectriques donnés en concession, ne pas municipaliser les sociétés de distribution d’électricité, de façon qu’elles soient de taille à être mieux gérées. De telle sorte que la ville de Brazzaville, par exemple, aura sa société municipale, tout comme les autres communes. Les localités de l’intérieur du pays pouvant être desservies par des agences rurales de distribution d’électricité.
Même pour l’eau, on adopterait le même schéma. Il y aurait, au-dessus, une société nationale de régulation et de normalisation, qui veillerait au respect des normes, des équipements et autres aspects réglementaires édictés par le gouvernement. Car le mastodonte qu’a été la S.n.e et qu’est aujourd’hui E²c continuera à trainer les mêmes difficultés, retardant pour des années voire des décennies, l’accès de la majorité de la population à l’électricité. La gouvernance a, en effet, une grande part de responsabilité dans le retard que nous subissons à jouir d’une électricité de qualité et de manière permanente sur l’étendue du territoire national, à l’heure où tout passe maintenant par les technologies de l’information et de la communication, qui obligent de disposer de l’électricité.

Jean-Clotaire DIATOU

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